La prochaine voiture, je me la fais

Rappelez-vous, c’était en novembre dernier et le vieux réac Michel Sardou était invité sur France 2 dans l’émission « 20h30 le dimanche » durant laquelle il avait fait état de sa détestation des cyclistes.

En cause, ses propos à une heure de grande écoute : « c’était mieux avant (…) il n’y avait pas les vélos que je ne supporte pas, voilà, ils grillent tous les feux rouges, le prochain je me le fais. »

Donc, tranquillou, sous prétexte de s’appeler « Sa Majesté Sardou », on peut dire en direct un dimanche soir à la télé qu’on va « se faire un vélo. » Si on cherche la définition exacte de l’expression « se faire quelqu’un, » on trouve sur Le Larousse: « Très familier. Posséder sexuellement quelqu’un, le battre ou le tuer. Exemple: Il s’est fait un flic lors du hold-up. »

La véritable question qui se pose dès lors est la suivante: Que veut faire exactement Sardou quand il dit vouloir « se faire un vélo »? Veut-il « posséder sexuellement » un cycliste, homme ou femme à vélo indifféremment, à moins que son but soit seulement d’avoir des rapports sexuels avec le vélo en tant qu’objet de ses fantasmes? Veut-il « battre » un cycliste, ce qui semble difficilement imaginable étant donné qu’il doit avoir près de 80 ans et mesure moins d’un mètre cinquante… Ou alors veut-il tout simplement tuer un cycliste, par exemple en sortant une arme de la boite à gants ou en l’écrasant avec sa Porsche Carrera?

Nous avons posé la question à l’ARCOM, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Voici in extenso sa réponse:

Bonjour,

Vous avez alerté l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à la suite de la diffusion sur France 2, le 13 novembre 2022, dans l’émission 20h30 Le Dimanche, d’une séquence au cours de laquelle M. Michel Sardou a tenu des propos relatifs aux cyclistes.

Réunie en collège le 18 janvier 2023, l’Arcom en a délibéré.

Elle a considéré que les propos tenus par Michel Sardou, s’ils ont pu paraître excessifs, ne pouvaient s’analyser en une incitation à des comportements dangereux, délinquants ou inciviques et ne caractérisaient dès lors pas de manquement de la chaîne à ses obligations.

L’Autorité a toutefois adressé un courrier à la chaîne afin de lui faire part de l’émoi suscité par la diffusion de cette séquence.

Cordialement,
La direction de la communication

En première analyse, on peut constater que selon l’Arcom, la chaîne France 2 n’a rien fait de mal, elle n’a pas « manqué à ses obligations, » mais l’Arcom lui a quand même envoyé un courrier pour lui dire qu’il y avait un petit problème… Surprenant, car si la chaîne n’a rien fait de mal, on ne voit pas trop pourquoi il faudrait lui envoyer un courrier… Et d’ailleurs, on aurait bien voulu voir la teneur de ce courrier…

En seconde analyse, nous découvrons donc que dire en public que l’on veut se faire un vélo ne constitue pas « une incitation à des comportements dangereux, délinquants ou inciviques. » En suivant le parallélisme des formes, on peut donc dire en public que l’on va se faire une voiture.

C’est pourquoi, dès mon article terminé, je sors et la prochaine voiture que je vois, je me la fais.

11 commentaires sur “La prochaine voiture, je me la fais

  1. Bibinato

    Je n’ai pas pu regarder cette vidéo postée en commentaires, c’est vraiment trop dégoutant…

    Michel Sardou, après avoir été un jeune chanteur bien réactionnaire, est devenu un vieux c… qui peut s’en étonner ?

    En tout cas, il ne faut pas jouer à donner des leçons quand on a autant de chevaux sous le pied droit et autant de poids de métal autour de soi, la bagnole est depuis longtemps le moyen d’assassinat idéal de son prochain, vous avez bien plus de chance d’être acquitté si vous roulez sur votre voisin que si vous lui tirez un coup de fusil.

  2. Prolo

    ça dépend, Bibinato. Si tu tues avec une arme à feu mais que tu es chasseur ou flic tu t’en sortiras probablement sans prison.

  3. spockangel

    Vous n’avez rien compris, il a dit  » Prochainement je me fait faire un vélo », c’est à dire qu’il va commander un vélo sur mesure chez un artisan (Français on suppose).

    Merci Michel de promouvoir les savoirs faire bien de chez nous (et bientôt dans le journal de TF1, entre le sabotier du limousin et le lancer de harengs de Lille).

  4. Joffrin

    Ce message juste pour signaler des articles (cf. ci-dessous) et faire un peu de théorie ‘pour le fun’, pour que ce site reste ludique.

    Je remarque que le Figaro réplique, mots pour mots, des articles du Monde.

    On comprend facilement le problème actuel du capital : 1) maintenir le système automobile, et donc son rendement, en limitant les ZFE tout en conservant l’imaginaire fantasmatique de la voiture, tel que cet imaginaire est lié (historiquement) au moteur à combustion ; 2) faire basculer le système vers le tout électrique en obligeant ‘les gens’ (les ‘agents’, les ‘sujets’) à changer leurs véhicules, alors qu’ils n’en ont pas les moyens, car pour leur donner les moyens de se convertir à l’électrique, se convertir comme on change d’église, il faut nécessairement concéder une baisse, temporaire au minimum, du rendement ou retour du capital, ce qui est impensable dans l’imaginaire (l’idéologie) de ce même capital : ne pas laisser une seule miette de brioche. La prise de conscience ici, c’est que pour faire rouler en ordre tous ces véhicules électriques, qui vont sagement conduire ‘les gens’ vers leurs lieux de travail, il faut des tas de centrales nucléaires qui n’existent pas, en dépit des incantations du grand prêtre Janco le Plareto, un prêtre qui se rabat donc (rationnellement) sur l’option « qu’ils mangent de la brioche » : qu’ils viennent travailler en vélo. 

    Sur les ZFE donc :  

    https://www.lefigaro.fr/politique/zones-a-faibles-emissions-les-elus-craignent-une-bombe-sociale-20230305

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/11/zfe-pour-les-vehicules-les-plus-polluants-de-forts-risques-d-injustices_6145322_3232.html

    Concernant Le Monde et Le Figaro comme dispensant l’idéologie officielle du système, on pourra (re)relire Louis Althusser, « Idéologie et appareil Idéologique d’État », 1970. Disponible ici :

    http://classiques.uqac.ca/contemporains/althusser_louis/ideologie_et_AIE/ideologie_et_AIE.htmlAIE.html

    Quelques extraits : « (…) nous pouvons constater qu’alors que l’Appareil (répressif) d’État, unifié, appartient tout entier au domaine public, la plus grande partie des Appareils idéologiques d’État (dans leur apparente dispersion) relève au contraire du domaine privé. Privés sont les Églises, les Partis, les syndicats, les familles, quelques écoles, la plupart des journaux, des entreprises culturelles, etc., etc. (…) L’Édition et l’Information elles-mêmes ont connu un incontestable développement, ainsi que les spectacles, d’abord parties intégrantes de l’Église, puis de plus en plus indépendantes d’elle. (…) Nous pensons que l’appareil idéologique d’État qui a été mis en position dominante dans les formations capitalistes mûres, à l’issue d’une violente lutte de classe politique et idéologique contre l’ancien appareil idéologique d’État dominant, est l’appareil idéologique scolaire. (…) L’appareil d’information en gavant par la presse, la radio, la télévision tous les « citoyens » des doses quotidiennes de nationalisme, chauvinisme, libéralisme, moralisme, etc. De même pour l’appareil culturel (le rôle du sport dans le chauvinisme est de premier ordre), etc. »

    J’ai volontairement extrait tout ça pour « la plupart des journaux » comme appareils idéologique d’État… privés ! Louis avait parfaitement saisi que la distinction public/privé n’a – réellement – aucune consistance, ce que les hauts fonctionnaires des entreprises ou de l’État, savent instinctivement et/ou apprennent dans leurs écoles.

    L’idée générale d’Althusser est que « l’idéologie n’a pas d’histoire » au sens ou « l’inconscient est éternel » : « ce n’est pas leurs conditions » d’existence réelles, leur monde réel, que les « hommes » « se représentent » dans l’idéologie, mais c’est avant tout leur rapport à ces conditions d’existence qui leur y est représenté. (…) c’est la nature imaginaire de ce rapport qui soutient toute la déformation imaginaire qu’on peut observer (si on ne vit pas dans sa vérité) dans toute idéologie. (…) Dans l’idéologie est donc représenté non pas le système des rapports réels qui gouvernent l’existence des individus, mais le rapport imaginaire de ces individus aux rapports réels sous lesquels ils vivent. (…) une idéologie existe toujours dans un appareil, et sa pratique, ou ses pratiques. Cette existence est matérielle. (…) toute idéologie a pour fonction (qui la définit) de « constituer » des individus concrets en sujets. »

    Tout le problème, dans le texte d’Althusser, est cette tendance à vouloir ‘naturaliser’ l’idéologie, la dissoudre dans un quotidien (intemporel, abstrait) et considérer que tous les individus sont « sont toujours-déjà des sujets » (dixit ! Tous des sujets sauf moi). Le prêtre Althusser a donné son sermon à ses ouailles mais, comme il n’était pas stupide, il voyait aussi des incohérences, des contradictions et des apories dans son message, qui reste cependant un texte intéressant ou édifiant. L’idée formidable ici, c’est qu’une idéologie a une « existence (…) matérielle » et la voiture (a moteur thermique de préférence) en est bien la preuve (matérielle).

    Un volontaire pour comparer avec le texte de Gorz ?

    http://carfree.fr/index.php/2008/02/02/lideologie-sociale-de-la-bagnole-1973/

     

  5. mat b

    J’ai cherchéé un gif  de cette scène de Sardou pour faire un tweet et j’ai pas trouvé. Alors, j’ai cherché s’il y avait une vidéo avec juste la phrase et le constat est édifiant

    Le coup de colère de Michel Sardou

    Sardou pousse un coup de gueule

    Excédé par les cycliste, Sardou se lâche

    Le prochain je me le fais, la phrase choc

    Sa virulente critique

    Sardou remonté, il laisse éclater sa colère

    Sa virulente critique contre les cyclistes

    Faut attendre au moins 10 vidéos pour tomber sur @LCyclable et trouver quelqu’un qui rend compte de l’ampleur de sa connerie

    Bref, vous êtes bien seuls…

    Nous sommes bien seuls.

     

  6. Joffrin

    Pour des éléments factuels relatifs à mon message du 6, trouvé ce jour, ça ne s’invente pas (merci Le Monde ! Encore ! Allez, hop, hop, hop…) :

     

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/10/automobile-pourquoi-l-allemagne-veut-sauver-le-moteur-thermique_6164921_3234.html

     

    Métaphysique de la voiture : qu’est-ce qu’une Porsche sans son moteur thermique, qu’est-ce qu’une Harley sans le bruit du moteur, qui fait chier les piétons, et qui est fait pour ça probablement (et qui est ‘protégé’ par un brevet, il me semble) ? Comment dire ‘je vous emmerde’ de manière polie ?

  7. Joffrin

    Éternel tango Le Monde-Le Fig, ici on a pigé que du salarié qui vient bosser en vélo, c’est rentable (cf. ci-dessus, le 4 et le 6), et ici, c’est le Fig donc, chacun son tour comme dans un tango :

     

    https://www.lefigaro.fr/societes/pour-augmenter-le-nombre-de-velotafeurs-des-pistes-pour-convaincre-les-employeurs-20230310

     

    ça va fluidifier le trafic automobile, Janco va y perdre moins de temps et il va donc pouvoir vendre ses centrales à moindre frais. Tout bénef.

  8. jol25

    «Il y a un gros problème de culture, en France, on aime le vélo, mais celui du tour de France! Le vélo n’est pas vu encore comme un véhicule, or c’est un mode de déplacement au même titre que le bus, la voiture ou le train»

    Comme je l’ai déjà souligné, cette mentalité est claire sur leboncoin par exemple, où la catégorie « Véhicules »  regroupe motos, voitures, camions, bateaux (!), mais où il faut chercher les vélos dans « Loisirs » à côté des Jeux & Jouets.
    Tout est dit.
    « J’ai pas le temps de m’amuser en vélo, moi, môssieur, je vais bosser »

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