L’auto sapiens

L’homme moderne, l’auto sapiens, a vu le jour il y a un peu plus d’un siècle. Pour évoluer, il a dû inventer plusieurs outils dont un, qui retiendra particulièrement notre attention, l’automobile. Très utile au début, c’est vite devenu un mode de vie, une façon de se démarquer.

Le jeune auto sapiens, très tôt dans la vie, n’a qu’une seule ambition, travailler pour se donner une bonne raison d’acheter sa première voiture. Une fois le rêve de sa vie réalisé et pour combler un besoin naissant de spiritualité, il va s’intégrer au sein d’un groupe de ses congénères dont l’activité principale sera de se réunir à plusieurs autour d’un capot ouvert afin de réciter quelques mots d’église tout en contemplant des bougies.

Plus tard, dans un désir évident de perpétuer la race, notre auto sapiens va se pavaner devant les jeunes pousses du printemps afin de les impressionner par le bruit et l’allure de son bolide pour, ultimement, unir sa vie à l’une d’entre elles. Une fois cette étape franchie, l’auto sapiens devient éventuellement adulte et pense à fonder une famille. Il va donc changer sa voiture sport contre un gros 4×4 afin de protéger sa petite famille des dangers de la circulation hors route comme par exemple, reculer par erreur dans la haie du voisin. Plusieurs personnes se réuniront autour de sa nouvelle acquisition pour la louanger, une fois pour toutes, avant qu’elle sombre dans l’indifférence la plus totale. En fait non, son pompiste sera toujours là pour le supporter moralement et l’encourager. Il va toujours lui rester au moins cet ami avec qui parler du plus gros des plus gros qui vient de sortir cette année, histoire de se dire qu’il est toujours possible d’être encore plus heureux dans la vie.

Plus sérieusement, l’automobile qui est, avouons le, un moyen de transport fort utile en certaines circonstances est aussi, malheureusement, un symbole de réussite prétendant rehausser le niveau social de son propriétaire. Dans les faits, l’achat, l’entretien et l’utilisation de l’automobile sont devenus des postes de dépense très importants dans le budget familial. Mais ça ne s’arrête pas là, c’est aussi devenu une des sources de pollution les plus importantes de la planète et c’est en croissance constante.

Si cela ne concernait que notre génération, je n’aurais aucune peine à dire que nous finirons par payer de nos erreurs mais, dans les faits, quel héritage empoisonné allons nous laisser à nos enfants ?

Nous n’avons qu’à penser aux enfants qui n’ont pas encore l’âge de défendre leurs droits, à ceux qui ne sont pas encore nés, aux 5,500 enfants qui meurent chaque jour dans le monde, à cause de la mauvaise qualité de leur environnement. Un environnement qui se dégrade, silencieusement, de plus en plus à chaque jour. Ceci sans parler de toutes les espèces animales qui ont disparues depuis que l’homme a mis son gros pied dans l’évolution technologique. C’est nous qui, consciemment ou non, faisons à nos enfants ce cadeau de la vie, dont nous-même ne voudrions pas si nous savions tout ce qui nous attend.

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Notre façon de vivre et nos choix, en tant que consommateur, encouragent des entreprises, parfois sans scrupules, à nous pousser des produits dont le respect environnemental est douteux. Il est peu probable qu’un concessionnaire automobile vous dise que les voitures qu’il vend sont très polluantes. Si vous lui posez la question, il va se contenter de vous dire, avec raison, qu’elles sont beaucoup moins polluantes qu’avant. Il n’en reste pas moins que la grande majorité des voitures compactes actuelles émettent entre 5 et 7 tonnes de matières toxiques dans l’air par année (sur 24,000 km) dépendamment du modèle. En comparaison, les 4×4’s actuels émettent entre 8 et 15 tonnes de matières toxiques par année (sur 24,000 km), selon le poids du véhicule et la force du moteur. Ces informations sont vérifiables, pour chaque modèle de véhicule, sur un site Web du « U.S. Department of Energy »

Les constructeurs préfèrent mettre l’emphase sur la multiplication des modèles plutôt que sur l’amélioration de l’efficacité énergétique. Ils justifient cette façon d’agir en disant qu’ils répondent à la demande du marché. Que cette affirmation soit entièrement ou partiellement vraie, la balle n’en est pas moins dans le camp des consommateurs. Si on ne veut pas de porcheries dans son voisinage, on n’a qu’à ne plus manger de saucisses de porc. De même, si on ne veut pas trop polluer notre air et celui de nos enfants, on n’a qu’à demander des véhicules moins polluants qui répondent à nos besoins réels et non pas à un besoin de prestige. Si on veut une vannette pour partir camper une semaine ou deux par année avec la petite famille, pourquoi ne pas la louer plutôt que de s’encombrer d’une grosse boîte vide à l’année longue ?

La planète a mis des millions d’années à stabiliser les taux de carbone dans l’air et l’eau, ce qui a permis à la vie de s’épanouir. En à peine plus d’un siècle, l’homme a presque détruit ce fragile équilibre. On émet maintenant plus de gaz carbonique dans l’air que la planète n’est capable d’en absorber, ce qui a pour effet d’augmenter l’effet de serre et d’emprisonner la chaleur du soleil en plus grande quantité. Tous les glaciers de la planète fondent de plus en plus vite, ce qui entraîne un changement accéléré du climat terrestre : sécheresses extrêmes ou précipitations surabondantes localisées. Le smog ne se limite plus aux villes, il affecte de plus en plus les banlieues. C’est inquiétant quand on sait que les dépenses de santé directement liées au smog dans la seule grande région de Montréal en 2001 se sont élevées à environ 40 millions$.

Le choix appartient donc à chaque individu mais il influera sur l’avenir de tout le monde : nous-même, nos voisins, nos enfant, les enfants de nos enfants, les animaux…

Christian Beauchesne