Bikelash, un passage obligé?

Le débat qui anime Bruxelles ces derniers temps sur le développement d’un espace piétonnier au centre-ville, dans un secteur largement dominé par l’automobile, montre bien que le passage du tout à l’auto vers un aménagement urbain qui fait plus de place à la mobilité douce ne se fait pas sans heurts. Depuis longtemps déjà, le développement d’infrastructures pour favoriser l’usage des vélos a provoqué de tels débats.

Aux Etats-Unis, depuis déjà tout un temps, le New York Magazine a nommé « bikelash » la contre-réaction face à la montée du vélo et au développement de nouvelles infrastructures vélo. Cette contre-réaction s’illustre par une résistance, une hostilité même, des non-cyclistes à la place croissante du vélo dans l’aménagement urbain et les politiques de mobilité.

Comme nombre de villes états-uniennes ont avancé vers des politiques plus favorables à la mobilité douce, cette résistance et cette expression « bikelash » se sont répandues dans plusieurs régions du pays.

C’est ce que rapporte le site Citylab qui s’intéresse aux villes de demain.

Cette résistance se manifeste de différentes façons dans le débat public. Parfois par des réactions agressives de la part d’automobilistes, mais aussi par des engagements plus forts comme celui d’un groupe qui, à Brooklyn, a entrepris des procédures légales pour éliminer une piste cyclable.

Les associations cyclistes considèrent qu’il s’agit d’une phase normale dans la lutte pour une politique de mobilité différente, une phase qu’il faut aborder avec patience et optimisme. Selon les sociologues, elle correspondrait à la phase deux de tout processus de changement sociétal :

Lire aussi :  Hyperloop, le nouveau mirage technologique

Dérision des nouvelles idées ou modes de vie (= rigoler des cyclistes)
Opposition, parfois violente (= les bousculer ou les critiquer dans les médias)
Banalisation (= la majorité soutient le changement, s’y opposer devient mal perçu)
Normalisation (= le nouveau comportement devient la norme et on n’imagine même plus autre chose)

On considère ainsi que le « bikelash » existe parce que les politiques déjà adoptées ont commencé à faire la différence, parce qu’il se manifeste là où on est au cœur de décisions difficiles sur des enjeux qui détermineront ce que sera la vie, demain, en particulier dans les villes. Ce phénomène existe parce que nous avons un certain succès, soyons donc patients, optimistes et… déterminés.

Marcel Pepin

Document issu du site internet du GRACQ – Les Cyclistes Quotidiens ASBL – www.gracq.org – Les droits de reproduction sont réservés et limités

Image: Anti-dandy infantry triumphant or the velocipede cavalry unhobby’d. (British Museum, 1819)

11 commentaires sur “Bikelash, un passage obligé?

  1. Pim

    Sur les différents stades d’acceptation social des phénomènes, j’ajouterai que la « normalisation » est d’autant plus facile lorsque le jeune public a été sensibilisé.
    Les exemples sont nombreux :
    aujourd’hui les jeunes sont plus enclins à supporter des reculades sociales car on leur rabache depuis maintenant de nombreuses années que c’est la crise alors « avec un boulot de 64h/semaines payé 1450eur t’as bien de la chance ». Cela fait bondir les plus anciens qui ont connu des temps sociaux meilleurs.

    Sur un sujet plus « carfree », on sensibilise de plus en plus les enfants au port du casque à vélo. Les jeunes et les jeunes parents n’imaginent pas un enfant sans casque alors que dans ma jeunesse, j’ai pris les plus belles gamelles à vélo sans jamais porter de casque.
    La promo de la voiture électrique comme vehicule d’avenir est très présente également, les publicitaires ont compris depuis longtemps ce principe d’acceptation social à long terme (une ou plusieurs générations).

  2. Emmanuel

    Le problème des circulations « douces » c’est que pour se substituer aux transports motorisés, elles ne sont plus douces du tout. « Doux » évoque la promenade en famille, la flânerie, ou simplement le déplacement à faible allure, tandis que les utilisateurs efficaces du vélo en ville n’ont pas du tout une pratique douce : ils foncent. Donc évoquer des « espaces apaisés » n’est pas pertinent pour évoquer des pistes cyclables.

    Evoquer des circulations « douces » peut être utile politiquement, mais en pratique, la douceur disparaît au profit de l’efficacité. Que celui qui n’a jamais été houspillé par un cycliste pressé me jette la première pierre. Les zones piétonnes sont apaisées parce qu’on n’y trouve ni voiture ni vélotafeur pressé.

  3. RomainS

    Bonjour.

    Pour la question de la mobilité douce en vélo, je pense que c’est possible. Les cyclistes ne veulent pas forcément rouler vite en ville, mais plutôt d’aller au plus court chemin, et d’éviter de s’arrêter à tout bout de champ (en tout cas je parle de mon expérience, ma moyenne n’est que de 15km/h). Donc si la voirie est adaptée à ces attentes, et que les cyclistes respectent les autres usagers, ça se passe plutôt bien, et on peut parler de mobilité douce. J’imagine bien l’exemple de zones de rencontre à 20 kmh, où les usagers sont vigilants et respectueux, et c’est plutôt apaisé.

    Après pour aux abords des villes, la on peut avoir des pistes dédiées au vélo pour rouler plus vite, et on ne risque pas de gêner un piéton ^^

  4. houlouk

    Personnellement je ne me suis jamais fait houspiller par un cycliste parce que je n’allais pas assez vite
    Si je suis plus lent, on me double c’est tout.

  5. Carfree

    Bonne nouvelle! J’ai l’impression qu’on est en plein bikelash en France… Cela a commencé avec le pseudo sondage de MMA qui concluait que tous les cyclistes font n’importe quoi sur la route. Plus récemment, les médias commencent a parler de verbaliser les cyclistes « fous du guidon »… Et a chaque fois, sur les très nombreux articles internet qui en parlent, on trouve une tripotée de commentaires rageurs d’automobilistes contre les cyclistes empêcheurs de Bagnoler en rond….
    Les cyclistes ne font plus du tout rigoler les automobilistes: On est donc sur la bonne voie…

  6. Vincent

    Emmanuel > Les zones piétonnes sont apaisées parce qu’on n’y trouve ni voiture ni vélotafeur pressé.

    Ni *vélotafeur » tout court : sans être pressé, on est juste là pour se rendre de A à B. Pas pour se balader ou faire une déclaration politique.

    Tu n’as jamais roulé dans les villes hollandaises ou danoises?

  7. pedibus

    J’aurais bien aimé parler du « Walklash » mais la situation piétonne est tellement dégradée que la situation quasi servile de ce mode de déplacement me l’interdirait: trottoirs parkings, refus de priorité aux passages piétons… quand l’un d’eux a l’audace d’expérimenter la chose… ou encore la portion congrue de l’équipement dédié piéton – le trottoir – par rapport aux « besoins » de l’automobile.

    Alors réponse affirmative mon colon, à la remarque pertinente d’Emmanuel sur le caractère ambivalent, symboliquement foireux et pas assez affirmé politiquement du terme « modes doux » pour le vélo et la marche : préférons et affirmons-nous comme « modes actifs ».

    C’est autrement plus dynamique et probant si on veut démontrer notre volonté d’émancipation. Et plus qu’accessoirement ça renvoie aux questions de santé publique possiblement légitimantes toute politique publique.

    Pour le reste bien sûr que nous sommes entrés dans une petite phase de restauration depuis les crises financières de 2008 : tout ce passerait comme si les aménagements actuels et leur maintien, pas trop vite remis en question encore, résultaient de l’inertie de l’ensemble des décisions déjà prises en notre faveur depuis deux ou trois décennies.

    Quid de la suite? Une petite ondulation sinusoïdale vers le bas ou l’amorce d’une replongée vers le tout bagnole?

    Le résultat nécrosociétal de ces crises financières semblerait laisser croire que le sursaut idéologique salutaire du changement de paradigmes n’aura pas lieu, tellement les individus pourraient être malades, tétanisés par la perspective d’un changement nécessaire, comme un malade agrippé au bois du lit…

  8. rétropédaleur

    Je suis piéton + abonné aux transports en commun depuis que j’ai abandonné le vélo (pour des raisons qui me sont propres). Contrairement à ce que prétendent certains piétons, je n’ai JAMAIS eu de problèmes avec des vélos, même roulant sur le trottoir, ils évitent TOUJOURS les piétons, car une chute à vélo serait pour euc beaucoup plus douloureuse qu’une chute « à pied ». En revanche il y a querlques jours encore j’ai failli me faire écraser par un fou du volant qui refusait de respecter la priorité au passage piéton, et qui a fait une manoeuvre d’évitement en accélérant.
    Je constate en outre qu’il est question maintenant de faire payer des amendes aux cyclistes, donc c’est officiel, ces derniers sont désormais devenus les boucs émissaires de nos pouvoirs publics.

  9. pédibus

    Oui mon vieux Rétro-qui-pédale-plus c’est un sacré cauchemar que ce comportement automobiliste mettant en danger les piétons platoniques qui utilisent les passages dédiés.

    Au royaume de la Voyeurette qu’on y foute, bien juchées sur pilotis hébergeurs de nichoirs à zoziaux, des caméras draculas pour leur siphonner des phynances en k d’actions délictueuses, criminelles de ce type…

  10. Jean-Marc

     » Selon les sociologues, elle correspondrait à la phase deux de tout processus de changement sociétal

    […]Ce phénomène existe parce que nous avons un certain succès, soyons donc patients, optimistes et… déterminés. »

    Marcel Pepin

    On en est de plus en plus au niveau 2, cool, et bon signe.
    MAIS, MAIS,
    comme dit par Carfree, et vécu par les strasbourgeois : les cyclistes deviennent les nouveaux boucs émissaires, on veut les verbaliser, on veut les flicer, les canaliser… alors qu’ils sont minoritaires et qu’il en faudrait plus, dans les villes, pour y améliorer la situation DE TOUS…

    => rien ne garanti que nous atteindront (rapidement) le stade 3 puis 4,
    vu les difficultés qui se dressent, on peut très bien redescendre au point 1 :

    si nous n agissons pas (en prenant notre vélo, en allant dans nos conseils municipaux, en participant au PDIE de son entreprise, PDU de sa ville,…)
    pas sûr qu’un jour le point 3 arrive… ou alors, dans plusieurs décennies/après notre mort…

    Pourtant, chaque année de retard prise, entrainera plus de difficultés, quand de plus en plus de monde aura encore plus de mal à vivre dans une ville et un pays pensés et aménagés pour la voiture :

    Les infrastructures, mais aussi la répartition en bâtiments, comme les administrations et petits commerces de proximité aura totalement disparut, remplacés pour de grands centres à 10-15km à l autre bout de l agglo étalée, voire dans une plus grosse agglo (c.f. Dati-Fillon-Sarkozy avec les tribunaux, rendant la justice moins accessible à tous).

    Deja 7 millions de personnes, en france, en non mobilité, du fait du coût de la voiture et de la pensée tout-voiture de nos infrastructures :

    http://www.mobilitytechgreen.com/entre-6-8-millions-de-francais-nont-pas-acces-a-la-mobilite/

    Quand il y aura 10 ou 15 millions de non mobiles… vu le coût énorme sur l économie que celà induit, ces personnes peu disponibles pour travailler, les pouvoirs publics seront obligés de réagir… ou alors la france s’enfoncera de plus en plus dans la crise, au fur et à mesure que ses forces vives ne pourront plus aller travailler, vu les coûts (élevés) du transport et celui de leurs salaires (bas)

    (obligation de réagir = gratuité des TEC urbains, vélos offert dans les entreprises, et par Pôle emplois,…)

  11. Legeographe

    La situation où l’on te fait le plus mordre la poussière est bien évidemment celle de piéton (et pour cause : bien souvent, le piéton ne peut pas répondre à l’automobiliste pressé, ni même au motard ou au cycliste). Voilà pourquoi je suis content de remonter sur mon vélo quand il m’arrive d’expérimenter la vie de piéton pendant un jour ou une semaine…
    Oui, la vie de piéton, c’est bête, mais je ne l’envie pas quand je vois le nombre de fois où ils se font tout simplement ignorer… ce qui peut vite devenir mortel au regard du droit qu’ils ont pourtant de traverser la route. Quand je suis piéton, je ne me gêne jamais pour tapoter sur la carrosserie ou la vitre arrière d’un véhicule qui m’a refusé un passage « piéton ». Et vous savez quoi ? Jamais un seul automobiliste ne s’est arrêté : ni pour présenter des excuses ni pour en venir aux mains. Mais pourquoi donc ? Parce que, en fait, c’est tellement évident que la faute de m’avoir lésé n’est alors guère discutable.

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