Voici une lettre d’opinion envoyée à des journaux québécois que je souhaiterais partager avec la communauté Carfree.
ACCIDENTELLEMENT VÔTRE
Vendredi 25 septembre, une jeune fille de 13 ans se faisait faucher à Longueuil (Québec) sur un passage piéton. Ce fait n’a rien de divers bien que la majorité des gens affirmeraient qu’il s’agit d’un « accident ». La conductrice n’avait pas les facultés affaiblies! L’automobiliste d’affirmer elle-même: « Ce n’est pas de ma faute ». Quelque chose cloche dans tout ça.
Il faut se méfier des évidences dans un monde peuplé d’oxymores – mots qui veulent dire leur contraire (une forme d’usage abusif). L’automobile a littéralement colonisé les mentalités et la route lui appartient désormais. Les campagnes de prévention du Ministère des Transports affirment candidement « partageons la route ». Tous seraient « également responsable ».
Une voiture constitue une machine de mort certaine de par ses dimensions, son poids, son matériau et, sa vitesse le plus souvent bien au-dessus du raisonnable. Nonobstant les limites indiquées sur les panneaux, à 50 km/h il est pratiquement impossible de s’arrêter sans tuer en cas d’urgence.
Soyons ridicule : les cyclistes et les piétons sont vachement imprudents et il serait plus honnête, dans ce contexte délirant, de limiter les dégâts en rendant obligatoire le port du casque, celui d’accessoires réfléchissants et, dans la foulée, d’une bonne armure afin d’éviter de stupides accidents! Le lobby automobile l’a bien compris en donnant des casques aux cyclistes dans certains pays; incidemment le nombre de morts diminue un peu… par contre les blessés graves augmentent.
Les jupettes installées sur les camions remorques pour tasser les « imprudents » réfèrent à une logique analogue. Comment justifier les coins de rue ronds, les quadruples voies aux intersections de rues résidentielles et les rues fabuleusement larges dans des quartiers résidentiels autrement que pour que l’auto roule plus rapidement?
Parmi ces autres aberrations nommons aussi le virage à droite qui démontre, strictement, la suprématie automobile dans une échelle de valeurs douteuses. L’insulte suprême reste l’absurde « passage à piéton » qui fait figure de piège dans la mesure où y frapper un piéton ne vaudra jamais bien plus qu’une amende dans le pire des cas?!
Inquiétant et révélateur que le « no fault » légal au Québec. Vive l’irresponsabilité et tasse-toi donc de dans le chemin! La conduite d’un véhicule automobile devrait être rare et en cas de nécessité. Le besoin de se véhiculer en auto se voit érigé en publicité et s’impose comme un fait de société.
Il faut immédiatement revoir le droit de conduire un véhicule comme un privilège et une non-nécessité lorsque nous tentons de raisonner la question des « accidents ». Le retrait du permis devrait être hyper facile et la preuve de bonne foi à la charge du conducteur. Par exemple, si un automobiliste frappe quelqu’un allant autrement qu’en auto, le permis de conduire serait automatiquement retiré à vie. Drastique? Mais non, le style de conduite « sportif » changera radicalement et les « accidents » chuteront de façon phénoménale.
Un système de dénonciation des chauffards par la population devrait également être instauré avec un réel objectif préventif de retirer le plus possible de gens « normaux », mais non moins « dangereux », des routes. Incidemment, ce système permettrait de dénoncer tout comportement dangereux d’un automobiliste et, après trois plaintes (avérées) citoyennes, l’automobiliste recevrait un avertissement sévère. À cinq plaintes, le permis pourrait être suspendu pour six mois et, lorsque l’automobiliste reviendrait, le permis serait révolu à vie au terme des cinq nouvelles dénonciations citoyennes.
Enfin, la liberté de circuler autrement qu’en auto reviendrait progressivement tandis que le mot accident reprendrait ses sens!
Ramon Vitesse
Déjà , une simple boite noire dans les voitures serai une réponse une solution.
Pas chère, rapidement installable ce petit œil qui vous regarde sera parler en cas d’accident révélant justement que peut être c’était un peu de votre faute.
Ou un limiteur de vitesse automatique type Lavia, obligatoire au minimum pour les moins de 5 ans de permis (par exemple). Quasi toutes les voitures neuves de maintenant sont équipées de GPS et de régulateur de vitesse, alors…
Mais bon, après, comment justifier de vendre un moteur de 250 chevaux qui fait le 0 a 100km/h plus vite que le voisin?
Loic > Déjà , une simple boite noire dans les voitures serai une réponse une solution.
+1. Je m’étonne que le gouvernement ne l’ait pas déjà imposé. Ou alors que les compagnies d’assurance se soient entendues pour le proposer : si on accepte le mouchard, on paye son assurance moins cher.
En plus, ça remonterait des infos très utiles pour connaître l’usage, et en particulier combien les gens parcourent de km chaque jour pour aller où.
Dans certains pays, le conducteur qui blesse ou tue un piéton est mis systématiquement en PRISON.
En apparence, pour un adepte de carfree, c’est bien. Mais en réalité on le met en détention pour le protéger des éventuelles vengeances de la famille du piéton ! Pas si simple…
La géométrie viaire surdimensionnée, telle qu’on la connaît trop souvent dans les villes, ne date pas de l’époque où le système automobile a pris sa place, toute sa place, jusqu’à exclure tram, puis bus, enfin piétons et cyclistes…
Cette débauche d’espace daterait de la Renaissance, avec ‘l’invention » de la perspective, puis à l’époque baroque quand la primauté fut accordée à la circulation dans les villes : circulation des carrosses du beau monde, circulation des marchandises des villes marchandes, circulation des troupes dont le défilé rassurait les tyrannies quant à leur puissance.
Cette perspective, avec les façades homogènes des immeubles bordant les rues rectilignes du classicisme, et le point de fuite quelque part à l’horizon donnait déjà une terrible impression grisante de la vitesse pour les occupants d’une voiture hippomobile lancée au galop.
Des carrosses et des fiacres la circulation hippomobile s’est généralisée aux autres classes sociales, exceptées bien sûr celles qui avaient à peine de quoi renouveler leur force de travail et subvenir aux besoins de base de la famille, particulièrement à l’époque de la grande exploitation industrielle après les révolutions successives du même nom…
Que cette généralisation ait pu faire croire à une « démocratisation » du mode de déplacement il n’y a qu’une roue, que même les pervers du périurbain bien loti et des beaux quartiers d’aujourd’hui s’échinent à avancer, quand le péage urbain est évoqué comme anti-banlieusard… La situation présente est toutefois bien inconfortable tant le système automobile a déjà gonflé les couronnes des aires urbaines et modelé l’espace urbain en général, en le dé densifiant, rendant bien difficile l’exploitation d’une offre alternative de transports publics… exceptés le transport à la demande.
Pour ce qui concerne les externalités négatives des pratiques de déplacement automobile – au premier chef et de loin celles qui impactent la psychologie habitante (perte d’autonomie des seniors renonçant à la marche par encombrement viaire, trottoirs en particulier, baisse des pratiques de mobilité active du fait d’un environnement dégradé par les mêmes pratiques, laideur des paysages urbains…) bien avant la pollution atmosphérique, aux effets déjà spectaculaires – il faudrait évidemment passer par un contrôle des comportements que la technique rend désormais accessible…
Bien sûr au vu des réactions observables chez « nos amis automobilistes » du seul site « quarante millions d’automobilistes » – pétainistes pour les plaisantins lecteurs d’Amouroux… – pour les peccadilles des radars double face, et la « liberté » de rouler à tombeau ouvert, un mouchard va créer des mouvements émeutiers chez les libéraux à roulettes… Pourtant l’économie des vies humaines serait à ce prix, bien faible si on fait un bilan global, à l’échelle de la ville, de la société voire de la planète…
Les mécanos de locos, les pilotes de zincs, les capitaines de navire doivent rendre des comptes sur leur comportement technique au cours des déplacements qu’ils ont à assurer. Idem pour « nos amis automobilistes ». Localisation en temps réel et traking pour le stationnement irresponsable, contrôle pour le respect des limitations de vitesse et du respect des feux de signalisation : nous aurions alors à parler à des professionnels du respect de l’intérêt général, nous évincerions les dilettantes pour le plus grand profit des cités enfin pacifiées…
Enfin faudrait-il aussi que les constructions cognitives bougent de ce côté du Channel : nos amis britanniques, des vrais ceux-là, n’hésitent pas à prévenir les forces de l’ordre en cas de comportement antisocial automobiliste ou autres. Qu’il serait bon de pratiquer ainsi le care pour le seul détail du stationnement automobile sur trottoir, au nom de la vie abrégée de centaines de milliers de seniors renonçant à marcher en ville, et perdant plus vite ainsi leur autonomie…
Ramon Vitesse connait-il Lucie Richard, qui a fait récemment et depuis une quinzaine d’années des études bien intéressantes sur les pratiques pédestres des seniors en villes, à l’université de Montréal?
Biblio:
Gérontologie et Société – Hors-série septembre 2012 page 101 – 108
Longitudinal associations between walking frequency and depressive symptoms in older adults: results from the VoisiNuAge stud[…] 2013
The Role of Social Participation and Walking in Depression among Older Adults: Results from the VoisiNuAge Study 2013
Living in a Well-Serviced Urban Area Is Associated With Maintenance of Frequent Walking Among Seniors in the VoisiNuAge Study[…] 2012
Jean Todt a la solution ( voir le grand journal C …..+, du Vendredi 02 Oct 2015 ) » Imposer des casques au vélo, ceux ci roulant de plus en plus vite » ! puisque « Réduire la vitesse de 90 à 80 n’est pas la solution, même si 25 % des accidents sont du à la vitesse » ! ! !
et pourquoi pas : obliger les piétons à porter un casque, un gilet jeune fluo, un gyrophare, des chaussures de sécurité et un masque à gaz. Ensuite, on les interdit des villes. Ensuite, les obliger à acheter des voitures……….! ! ! !
quelque chose m’échappe !!!!!!
« Inquiétant et révélateur que le « no fault » légal au Québec. »
En France, la loi Badinter de 1985 permet l’indemnisation systématique des victimes de la route, sans lien de responsabilité, sauf à prouver la tentative de suicide…
Toujours responsables donc les chauffeurs mais en tant qu’assurés couverts…Devant les tribunaux, trop longtemps les peines furent révoltantes d’indulgence.
Pedibus:
La ville telle que décrite par toi ne découle pas du classicisme de la renaissance mais trouve son origine dans la classification des villes romaines et des via romana:
http://www.liceogalvani.it/lavori-multimediali/citta/storia/rome.htm
Le culte de la vitesse et de « je bombe le torse sur mon char devant les jolies filles » étaient déjà dénoncés par Juvenal dans une satyre à l’époque de Domicien si je me rappelle bien.
Oui sans doute Alain.
Je m’en tenais dans mon propos à la seule géométrie viaire, généreuse tant en largeur qu’en longueur. Jamais la première n’avait été poussée aussi loin qu’à l’époque classique… Pour le seul plan de L’Enfant pour Washington, plus ou moins réalisé, les avenues principales accusent une largeur de cinquante mètres, et vingt-sept à trente-quatre mètres pour les axes « secondaires ».
Pour ce qui concerne les plans en damier plusieurs explications sont disponibles, chacune valable pour l’époque étudiée ou valable pour toutes. L’explication qui tient sur trois millénaires, c’est-à-dire Babylone et colonies grecques comprises, c’est l’indice d’un aménagement urbain originel et non d’une stratification d’aménagements dans le temps; autrement dit ce serait l’indice d’une urbanisation ex nihilo. Plus proche de nous le quadrillage viaire classique serait l’indice d’une intervention du marché privé dans l’allotissement de l’espace, à partir de parcelles contenues dans un réseau viaire préalablement conçu, et non pas adapté à la topographie ou aux fonctions urbaines ou aux limites historiques… Donc un aménagement centré autour des exigences de la commercialisation foncière et immobilière, et accessoirement autour des impératifs circulatoires…
Beaucoup de villes sur plusieurs continents ont dans leur trame viaire l’inscription de cette trace de l’intervention du spéculateur, depuis la période classique de la cité marchande…
Pour le reste l’organisation urbanistique au service de la tyrannie urbaine et de son armée, à partir du dispositif viaire, pour que la population se laisse impressionner par les parades et les défilés, sans doute était elle déjà là au moment de la création des premières cités : Ur, Uruk, Suze…, au vu de l’état actuel des connaissances archéologiques, ce qui nous catapulte jusqu’à cinq millénaires en arrière.