La vie est une succession de clics. A en oublier parfois ses besoins vitaux. Besoin d’air. Nécessité de passer du clic au cycle.
Combien de clics par jour ?
Dans ma vie de bureaucrate, combien de clics par jour ? Clic le matin pour éteindre le réveil, clic pour le café, clic du GPS, et un nombre interminable de clics au bureau entre ordinateur et téléphones.
Et les clics distraient, et les clics dispersent, et les clics fatiguent, et parfois déshumanisent. C’est sûr, l’homme ne vit pas d’abord de clics mais d’air. Plus que l’air pour le corps. De l’air pour le cœur, l’âme et l’intelligence. On peut affirmer qu’aucune ample pensée ne nait sans grand air. C’est pour cette raison qu’Aristote et ses élèves avaient pour habitude de philosopher en sortant marcher.
Oublier l’existence de l’air
La vie de certains écrivains ne se résume-t-elle pas à une quête d’air ?
Antoine de Saint Exupéry a une jolie formule pour résumer les ressorts de son épopée aérienne: « Mais, tout de même, je l’ai respiré, le vent de la mer. » (1)
Natalia Sanmartin Fenollera souligne également cette nécessité d’air: « Melle Prim avait maintenant besoin d’air. Elle avait besoin de le sentir sur son visage lorsqu’elle marchait, elle avait besoin de le renifler, de la respirer. Elle se surprenait parfois à penser à tout le temps qu’elle avait vécu sans avoir besoin d’air. A la ville, les matins d’hiver, elle sortait de chez elle couverte jusqu’aux sourcils, elle marchait rapidement jusqu’au métro, descendait les escaliers au milieu de dizaines de personnes et entrait en jouant des coudes dans les wagons. En sortant du métro, elle remontait les escaliers au milieu d’une foule, courait jusqu’à la porte de son bureau et y passait la journée entière. Et pendant ce temps, où était l’air ? A quel moment de sa vie avait-elle oublié l’existence de l’air ? Marcher sans avoir à courir, un plaisir aussi simple que se promener sans hâte, flâner, errer et même fureter. Quand une chose si simple, si humble était-elle devenue un luxe ?« (2)
L’air un luxe ? Combien de vies courent pour partir à l’heure au bureau ou à l’école ? Combien de bouches ahanent à poursuivre un métro au départ. Mais combien se donnent la peine de prendre l’air ?
Il est temps de retrouver la sagesse de l’air. Il est vital de s’aménager des sas de bel air. N’est-ce pas le moment, cher bureaucrate, de faire passer le petit vélo qui trotte dans ta tête, du chef aux jambes ? De passer régulièrement du clic au cycle ?
Du clic au cycle
Assis à mon bureau, je lève la tête de mon ordinateur. Je regarde dehors. Le vent remue les arbres, mais je ne l’entends pas. Je ne perçois que le souffle de la climatisation. Le soleil chauffe l’herbe, mais je ne le sens pas. Je ne reçois qu’une chaleur électrique. Devant mon écran, je ne vis qu’avec ma tête. Mes sens, mon cœur, mon âme sont en mode veille.
Viens l’heure de rentrer à la maison, à vélo. En quelques tours de pédales, tout se réveille. Je sens le printemps avant même qu’il n’arrive: c’est ce bouquet d’arbustes près de l’écluse du canal qui me l’annonce chaque année par son odeur délicieuse. Le soleil me chauffe agréablement le dos. Le doux bruissement d’ailes d’un vol de colverts me ravit la vue et l’ouïe. L’âme se ranime: une mélodie joyeuse monte à mes lèvres, rythmée par ma course. Et l’intelligence n’est pas en reste. Les problèmes insolubles de tout à l’heure s’éclairent. La raison tournait à vide et avait besoin d’un bon tour de vélo. (3)
Loïc TERTRAIS
1) Terre des Hommes – Antoine de Saint Exupéry
2) L’éveil de Mademoiselle Prim – Natalia Sanmartin Fenollera
3) A Vélo ! – Loïc Tertrais
Merci pour votre article…
Oui au cycle ! Mais il y a encore plus simple, plus facile, moins onéreux et sans contrainte pour respirer, se reconnecter avec soi et la réalité, pour ceux qui n’ont pas de « vélib », garage pour ranger les vélos, d’euros pour en acheter à toute la famille… la marche !
Merci au cycliste de ne pas oublier que cela commence par là, même pour faire du vélo, le pousser, le porter, il faut marcher 🙂
500 000 ans de progrès pour la marche, une centaine d’année pour le vélo qui est un outil moderne, ne parlons pas de l’un sans l’autre !
http://goo.gl/wlYWwI
Merci pour votre commentaire !
Entièrement d’accord avec vous : la marche précède le vélo.
Souvenir d’une crevaison à la sortie de mon bureau en rentrant à la maison. J’ai poursuivi à pied, à côté de mon vélo. Le trajet m’a pris une bonne heure au lieu d’une demi heure. Mais je me suis arrêté parler avec plusieurs personnes que j’aurais peut-être dépassé d’un coup de pédales si je n’avais pas crevé.
Et Alexandre POUSSIN qui a préfacé le livre A Vélo ! s’il a fait le tour du monde à petite reine avec Sylvain TESSON est avant tout un chantre de la marche….le titre de son dernier livre « Marche avant » où il raconte les ressorts de sa vie est révélateur !
@ Tetrais et « walk in progress »
Bien sûr, que la marche, c est génial.
seul pb : la marche au quotidien, c est surtout bien pour des trajets de 500m à 3-4km.
Alors que le vélo au quotidien, est très bien pour une succession de trajets de 2 à 20km.
HORS nos villes, actuellement, sont étalées, sont peu denses, du fait de la présence massive de la voirie et des parkings destinées uniquement aux autos.
Faire Asnières-genevilliers jusqu’à La-queue-en-brie 2 fois par jour, à pied, c est dur..
faire la même chose à vélo (ou en RER..) c est très facile.
le vélo est une ARME, un MOYEN EFFICACE, pour transformer pacifiquement la ville automobilo-centrée en ville humano-centrée, plus viable, plus vivante.
Une fois la ville humano-centrée, et les densités augmentées, avec une nouvelle mixité des lieux, alors les distances nécessaires pour aller à son travail, à des lieux culturels, voir ses amis, des asso, des commerces, seront réduites, et alors, le vélo servira surtout à quitter son quartier pour aller chercher plus loin ce qui pourrait exceptionnellement en être absent.
MAIS on aura quasi tout à portée de pieds/trottinette/draisienne, dans son quartier de 2km sur 2…
Le pb, du à la succession des politiques pro-autos, actuellement, c est la non-adaptation de la ville française de 1970 à 2016, aux humains.
Grâce aux vélos, transformons la ville par des rues piétonnes, et en allant dans les derniers commerces de proximité indépendants, plutôt que dans les zones commerciales et les zones industrielles avec leurs boutiques de chaines toutes identiques. Et après seulement, il sera devenu pratique et réaliste, de faire de nombreux trajets à pieds.
Merci pour votre réflexion.
Oui vélo et marche se complètent ! C’est vrai que ce ne serait pas réaliste de ma part de vouloir faire régulièrement mes 7-8 kilomètres de trajet maison-bureau à pieds.
Cela pose également comme vous le soulignez la question de l’unité de vie entre maison, travail et écoles et commerces : parfois pas facile aujourd’hui de tout regrouper harmonieusement.
Redonner le goût du vélo. N’y a il pas une correspondance entre le vélo et le cheval qui fait que consciemment ou non, nous nous mettons plutôt volontiers en selle sur un vélo comme nos aïeux se mettaient en selle à cheval. Jean d’Ormesson a ainsi écrit que : « Peut-être, la bicyclette, dans ce monde de machines, était-elle à nos yeux une héritière du cheval ?
Alors, en selle !
non Maître…
régime sans sel pour moaaaaaaaaa…
boaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
Sinon, il n’y aura jamais trop de poésie pour changer la représentation qu’on peut avoir encore du trajet automobile. Que piétons et cyclistes, comme Tertrais, s’en donnent à cœur joie.
: – ))