Un certain regard sur Ivan Illich

Voici un document exceptionnel. Imaginez une émission de télévision de plus de 50 minutes avec Ivan Illich qui passerait à la télévision un soir de semaine. Impossible aujourd’hui, mais cela s’est passé à l’époque de ce que l’on appelait l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française). Peu d’images filmées d’Ivan Illich sont disponibles. C’est pourquoi, ces 50 minutes où il parle en français en plus, sont précieuses.

C’est à l’occasion d’un voyage en France en 1972, que Jean Marie Domenach a pu s’entretenir quelques heures avec Ivan Illich dans le cadre d’une émission de télévision intitulée « Un certain regard ».

Voyageur infatigable en quête de justice, utopiste sans patrie, « déloyal à tout drapeau par conviction », Ivan Illich est tout le contraire d’un rêveur; son utopie est nourrie d’une expérience concrète qu’il a acquise au contact des pauvres et des paysans, dans les rues de New-York, avec les porto-ricains, puis en parcourant à pied l’Amérique du Sud et l’Afrique où il a appris à connaître « l’indignité de la misère ».

Évêque non conformiste, Ivan Illich a accepté d’être le fils d’une mère indigne – l’église décadente. Il trouve dans le message évangélique et l’amour du Christ « une raison de croire dans l’essentielle beauté de l’homme, même s’il est aujourd’hui gravement blessé ». Si Ivan Illich s’est fait le prophète de la déscolarisation, c’est que pour lui « l’école enseigne à l’enfant qu’il a besoin de l’institution pour apprendre, et que l’éducation et le savoir sont devenus des marchandises dont l’école introjecte la capitalisation ».

A Guernavaca, au Mexique – son seul point fixe -, Ivan Illich a fondé une petite « République intellectuelle indépendante », le Centre d’Information et de Documentation – CIDUC. Dans cette université libre – qui survit en « vendant » de l’enseignement de la langue espagnole et où professeurs et étudiants viennent de partout s’informer et discuter sur les problèmes de l’Amérique latine -, Ivan Illich poursuit avec des amis, des analyses similaires à celles sur l’éducation dans le domaine de la santé, de la vitesse et des transports ou de l’habitation où les besoins interpersonnels ont également été transformés en marchandises.

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Toutes ces recherches s’inscrivent en effet dans un vaste projet: la nécessité « d’inverser les institutions », c’est-à-dire d’arrêter le mouvement qui spécialise, miniaturise et paralyse les hommes, de les inciter à retrouver une « convivialité humaine », une « disponibilité à la surprise par l’autre » qui sont le fondement de toute espérance.

Ivan Illich ne souhaite pourtant pas un retour en arrière mais plutôt « l’instauration d’un monde technologique sans spécialistes, qui limite les bienfaits de la technologie au seul bien des peuples ». Pour que notre civilisation technologique survive et que le « navire spatial terre » ne sombre pas, il est désormais nécessaire de fixer « non plus un minimum que tout le monde doit avoir, mais le maximum sur lequel tout le monde peut se mettre d’accord ».

3 commentaires sur “Un certain regard sur Ivan Illich

  1. Vincent

    > Si Ivan Illich s’est fait le prophète de la déscolarisation, c’est que pour lui « l’école enseigne à l’enfant qu’il a besoin de l’institution pour apprendre, et que l’éducation et le savoir sont devenus des marchandises dont l’école introjecte la capitalisation »

    Mouais :-/

    On peut apprendre des trucs de base soi-même ou en observant les autres, mais si on veut aller plus loin, on ne coupe pas à l’école. On ne devient pas ingénieur, médecin ou pilote de ligne en bricolant tout seul dans son coin.

    Je comprends mieux le refus dogmatique des ateliers-vélos d’organiser des cours de mécanique…

  2. jean-marc

    Discours parfois un peu nébuleux mais percutant   .. inverser la fonction des institutions,  oui ! j’adhère à fond sur sa vision de l’école .. les sociétés technologiques sont les sociétés les plus malades !

  3. Jean-Marc

    « Je comprends mieux le refus dogmatique des ateliers-vélos d’organiser des cours de mécanique… »

    Chaque atelier-vélo est indépendant, et chacun gère la formation comme ses membres et membres-administrateurs le définissent.

    Dans l atelier-vélos auquel j appartiens, on dispense des cours aux employés, volontaires et bénévoles, et même les simples adhérents peuvent y participer, en payant leur cote-part.

    Par contre, la majorité des réparations se font à chaud, sans cours donné aux adhérents au préalable : les gens viennent réparer leur vélo, pour qu’il roule, et pas avoir un cours théorique sur le cantilever ou le V-brake.

    (don’t feed the troll?ouais..

    mais, recadrer, en disant la vérité, c est pas mal non plus)

    Par contre, tu devrai te connecter au wiklou.org :

    les fiches techniques qui y sont présentées sont là pour être utiles à tous, atelier-vélo ou particuliers (et tu peux contribuer à l améliorer, en y contribuant).

    Comme quoi, la formation, l éducation populaire, et la mise en commun de connaissances, sont loin d être absentes des atelier d auto-réparation vélo (c est même leur mission de base…)

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