Les principaux médias officiels de la presse écrite ou audiovisuelle l’ont assez rabâché récemment: il faut li-bé-ra-li-ser le transport ferroviaire! Ce qui, pour tous les éditocrates de TF1 à BFM en passant par RTL ou Europe 1, veut dire: bienvenue dans le monde merveilleux de l’ouverture à la concurrence et de la privatisation des services publics!
Déjà, il y a l’idée très thatchérienne qu’il n’y a pas d’alternative (« There is no alternative« ): tous les autres pays se plient aux règles libérales de la mondialisation alors pourquoi que nous on ferait autrement?
Quand on écoute ces éditocrates, il n’y a plus d’argent (il est parti où?), les déficits explosent et les dettes sont faramineuses. C’est bien simple, nous sommes quasi-ruinés alors il faut arrêter les conneries du genre se permettre le luxe indécent d’avoir un service public ferroviaire à peu près en état de marche.
C’est quand même bizarre, la Sécurité Sociale a vu le jour en octobre 1945, dans une France meurtrie et ruinée par quatre années d’occupation. La SNCF, créée en 1937 sur les vestiges de compagnies privées en faillite et quelques années seulement après la grande crise de 1929, a connu un essor phénoménal à la même époque. Et aujourd’hui, on ne serait plus en mesure d’avoir un service public ferroviaire digne de ce nom?
La faute à la dette de la SNCF? Là aussi, il est assez étrange de se rappeler que l’Etat français a été moins regardant quand il s’agissait de renflouer les banques françaises en 2008 à hauteur de dizaines de milliards d’euros…
Si on résume, quand c’est la dette de la SNCF, il faut ouvrir à la concurrence et privatiser, quand ce sont des banques privées, il faut subventionner grassement avec de l’argent public?
Donc, la messe est dite. Il sera dit qu’on cassera tous les services publics jusqu’au dernier.
Et tous les éditocrates indépendants récitent en général la même leçon: regardez les autres pays qui ont li-bé-ra-li-sé comme ils sont bien! Pourquoi que nous on a des syndicalistes CGT avec un couteau entre les dents qui bloquent le progrès en restant assis sur leurs privilèges de cheminots grassement subventionnés?
Comme c’est quand même un peu difficile de vanter les bienfaits de la libéralisation des trains en Grande-Bretagne, ces éditocrates patentés ont toujours un autre exemple plus ou moins exotique à nous sortir pour nous prouver que l’ouverture à la concurrence est un monde merveilleux « chez nos voisins européens ».
Comme tout le monde le sait, l’herbe est toujours plus verte ailleurs et c’est un travers bien français de toujours prendre comme modèle les autres pays, et en particulier l’Allemagne. Il y a même une certaine forme de masochisme à le faire sous l’angle « regardez comme nous sommes nuls en France alors que c’est tellement bien ce qu’ils font ailleurs. »
Comme nous aussi, on est « En Marx », euh pardon, « En Marche », on a regardé un peu ailleurs ce que ça donnait le monde merveilleux de la concurrence et de la privatisation.
Grande-Bretagne
A tout saigneur (sic!), tout honneur, la Grande-Bretagne qui a privatisé British Rail il y a une vingtaine d’années. Pas besoin de chercher bien loin pour dresser le bilan catastrophique de l’opération, un article de la Tribune, ce journal gauchiste bien connu, le fait très bien: « Hausse incontrôlée du prix des billets, trains supprimés et réduction du personnels conduisent près de deux Britanniques sur trois à souhaiter une renationalisation complète. A cela s’ajoutent de nombreuses grèves, notamment dans le sud du pays, où les conducteurs et les chefs de train entament demain leur 33e jour de mouvement en moins d’un an. »
Allemagne
L’Allemagne, c’est le modèle par excellence. Comme le contre-exemple anglais est un peu difficile à vendre aux Français, on nous ressort fréquemment l’exemple allemand de l’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire. Pas de chance, un article du journal suisse Le Temps, pas vraiment bolchévique, nous raconte une autre histoire: « La privatisation du rail allemand est aujourd’hui en accusation. » Selon le journal, la privatisation de la Deutsche Bahn s’est traduit par un programme d’austérité massif avec de nombreuses suppressions d’emplois dans le seul objectif d’ouvrir le capital aux investisseurs. Alors oui la Deutsche Bahn a renoué avec les bénéfices, mais ceux-ci ne sont pas réinvestis dans le réseau ou les matériels, critiquent les experts.
La Suède
Un reportage récent de France 3 nous apprend comment l’expérience suédoise en matière d’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire a tourné au vinaigre. La Suède est le tout premier pays en Europe à avoir mis en place l’ouverture du rail à la concurrence. La réforme est entrée en vigueur il y a plus de trente ans. Dans ce pays, la libéralisation du transport ferroviaire ne fait pas l’unanimité. Dans leur majorité, les Suédois souhaitent un retour au service public du rail. Globalement, le système leur coûte plus cher pour des prestations pas toujours à la hauteur, et il n’existe pas de lignes à grande vitesse.
Italie
Les médias et le gouvernement nous expliquent depuis des années que la privatisation de la SNCF devrait s’inspirer du merveilleux modèle italien, une privatisation réussie contrairement à celle de la Grande-Bretagne. Pourtant, lorsque l’on regarde au delà de l’emballage médiatique, les dessous sont bien plus sombres, que ce soit pour les cheminots ou pour les usagers. Les dessous désastreux du « modèle ferroviaire » italien, ce sont d’abord des morts et des accidents à répétition. Au moins 8 accidents ferroviaires depuis le début de la privatisation du rail transalpin en 2001, soit 38% des accidents italiens depuis 1944… Un pourcentage qui en dit long sur l’effet de la mise en concurrence du rail. En 2016, deux trains se sont percutés sur une ligne entre Corato et Andria, dans les Pouilles. Bilan, 23 morts et plusieurs centaines de blessés. Le 25 janvier 2018, entre les stations de Segrate et Treviglio, dans la banlieue de Milan, un train a déraillé. 3 morts et une centaine de blessés dont 5 graves. Alors que la compagnie Trenord, détenue à parts égales par le groupe public Trenitalia et Ferrovie Nord Milano (FNM), parle de problème ou d’une panne, le préfet, lui, parle de « défaillance structurelle ».
Espagne
En Espagne, la libéralisation du rail avance à petits pas. L’Espagne qui s’était engagée à marche forcée dans la libéralisation de son secteur ferroviaire ralentit brutalement le rythme. Le processus, entamé fin 2012 sous la pression de la commission européenne, n’aboutira pas comme prévu le 31 juillet 2013. Au même moment, l’Espagne connaissait un accident ferroviaire dramatique, à Saint-Jacques-de-Compostelle avec le déraillement du train Alvia 151 survenu le 24 juillet 2013 (79 morts et de l’ordre de 140 blessés). Depuis, l’Espagne a connu de nombreux accidents, dont le déraillement d’un train reliant la ville espagnole de Vigo (nord-ouest) à Valença de Minho en septembre 2016 (Quatre personnes mortes et une cinquantaine de blessés), celui de Barcelone en juillet 2017 (56 blessés, dont un grave), le déraillement du train Malaga-Séville en novembre 2017 (Vingt-et-une personnes blessées, dont trois grièvement), l’accident de la gare de Alcala de Henares, à 40 km de Madrid, en décembre 2017 (une quarantaine de blessés dont deux grièvement), etc.
Le Japon
Sortons un peu d’Europe pour voir la situation japonaise avec le journal L’Opinion. Le 1er avril 1987, JNR, l’équivalent nippon de la SNCF, a été scindée en sept compagnies, six pour le transport de passagers, une pour le transport de marchandises. Une division essentiellement géographique qui, au terme de 30 années d’exploitation, soulève quelques questions car les compagnies JR (Japan Railways) n’ont pas toutes été logées à la même enseigne et leur situation aujourd’hui exige qu’on se penche sur elles pour s’assurer du maintien d’un service au public de qualité. La décision de privatiser JNR avait été prise en raison de l’endettement colossal de l’entreprise publique lié à la construction du shinkansen, le train à grande vitesse, en 1964. Tiens tiens, cela nous rappelle quelque chose… Aujourd’hui, on a des compagnies régionales qui s’en tirent très bien, en l’occurrence JR Central qui exploite entre autres la ligne à grande vitesse reliant Tokyo à Osaka et qui engrange des milliards de profits et des « petites » compagnies régionales qui tirent la langue. C’est un peu le débat français avec des lignes évidemment très rentables du type Paris-Lyon et des zones géographiques où le train n’est pas rentable (« les petites lignes »). Comment font ces « petites » compagnies régionales? Soit elles mettent les gens dans des autocars (bonjour les bus Macron!), soit elles se lancent dans de nouvelles activités, comme la distribution de médicaments! Comme le dit un directeur d’une de ces compagnies, « le rail seul ne sera pas en mesure de nous faire manger. »
La notion de bien public disparaît peu à peu. Ainsi des lignes SNCF non rentables. Les régions pauvres resteront pauvres et les régions riches resteront riches…
Un service collectif devrait être géré de façon collective, c’est à dire par l’Etat (celui que nous avons construit au gré des élections – au moins depuis 1945), comme les routes, le rêve des pistes cyclables, feues les autoroutes, l’eau, le savoir, la santé,…
La méthode Macron me rappelle le consulting d’entreprise. Leurs trois préceptes :
– Appliquons céans, de suite et à grands frais des méthodes qui ne marchent déjà pas ailleurs. Quitte à encenser ses échecs passés en diffusant la liste des clients du « cabinet » sur le site internet de ce dernier.
– La présentation cache (mal) le manque de compétences. Même si je ne sais pas de quoi je parle, j’ai du bagout, des formules chocs préconçues en bouche, un super costard, et je sais bien faire les powerpoints avec pleins de couleurs et des slides qui en jettent.
– J’ai fait une grande école alors je détiens la Vérité. Si on commence à écouter les geignards et les bouseux qui ont les mains dans le cambouis, on a pas fini.
En France, un pays assez peu densément peuplé par rapport au reste de l’Europe, la libéralisation du rail c’est la mort du train, à patr sur l’axe Lille-Paris-Lyon-Marseille et les grazndes traversales genre Paris-Nantes ou Paris-Strasbourg.
Le train n’a pas à être rentable et pourquoi les routes (pas les autoroutes) restent publiques alors?
Et quand vous écrivez je cite « La SNCF, créée en 1937 sur les vestiges de compagnies privées en faillite et quelques années seulement après la grande crise de 1929, a connu un essor phénoménal à la même époque » tout est résumé ici.
Garder le train dans le giron publique c’est luttre efficacement contre le transport polluant et le gaspillage de notre planète dont la France a déjà dépassé le maximum des ressuorces utilisables de la planète en 2018.
« Faites ce que je dis (conférence de paris) pas ce que je fais » disait déjà ma grand-mère en parlant du monde politique et des gens « d’en haut »…
Depuis plusieurs années j’ai quitté la Suisse, je ne sais plus exactement ou elle en est. Pourtant je pense que les SBB/CFF sont toujours aussi efficaces, bien organisés et largement utilisés par la population. Tout ça sans que j’aie entendu de rumeurs de privatisations. Spéciaux les suisses?
Le macronisme, c’est comme le thacherisme : Et le thacherisme, c’était les vaches folles anglaises qui regardaient dérailler les trains ! D’ailleurs il y a une petite erreur dans l’article la privatisation de British Rail, c’était dans les années 80 donc plus de 30 ans, mais ça ne change rien sur le fond. d’ailleurs depuis, il ont renationalisé les infrastructures mais pas l’exploitation ni le matériel roulant tellement la situation était catastrophique. En gros, il ont nationalisé les pertes et privatisé les profits et il parait que les billets ont énormément augmenté. En plus il est impossible de voyager avec son vélo dans les trains anglais sauf avec un vélo pliant (c’est peut être ce qui a fait le succès des mythiques Brompton et Moulton)
Comme d’habitude l’Etat prendra en charge les déficits (infrastructures,..) et le secteur rentable sera dépecé entre les multinationales du secteur.
Autrement dit ce sont les contribuables de base qui rembourseront la dette et qui paieront les investissements nécessaires tandis que le prix du billet sera augmenté pour garantir encore plus de subsides aux entreprises et à leurs actionnaires.
Trouvez vous normal que les contribuables renflouent à hauteur de plus de 3,3 milliards d’euros chaque année le régime de retraite des cheminots ?
Pourquoi un contrôleur peut partir à la retraite à 57 ans un conducteur de train à 52 ans et un ouvrier du batiment à 62 ans?
voir :
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/03/16/la-retraite-des-cheminots-un-regime-special-largement-deficitaire_5272123_4355770.html
Ne déplaçons pas le problème. La rémunération des cheminots est une chose, la libéralisation du transport ferré, avec forte probabilité de disparition à terme du train dans les régions pauvres, en est une autre.
Quant aux retraites, ne confondons pas l’âge du « peut partir » avec l’âge de départ habituel. Le taux plein ne s’obtient qu’après 164 trimestres de cotisations. Certains commentaires de l’article cité sont intéressants. Doit-on toujours pousser au dumping social…
Ah… ! ma bonne vieille Equité… !
Je sens que tu vois rouge pour les comptes publics, comme ma Kronkrounette… !
Encore un coup et tu vas nous éructer :
« à mort les saigneurs du rail ! »
boaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
@ équité :
Je trouve normal de payer un million de profs et leur retraite. Pareil pour les infirmières, les policiers, et les cheminots.
Pour la retraite à 52 ans des conducteurs on peut en débattre, remettre un peu d »équité » mais il faut garder en tête que l’argent ainsi économisé n’ira pas renflouer les retraites ni le pouvoir d’achat de qui que ce soit.
Il y a une extrême porosité entre le monde financier, le monde politique et les grandes entreprises : on a été suffisamment alertés sur le sujet.
L’un des 6 pays fondateurs de l’Europe au moins a organisé la fuite des capitaux en son sein et vit de cela :http://www.france24.com/fr/20141106-avantage-luxembourg-luxleaks-paradis-fiscal-multinationales
C’est là que finit tout accroissement de richesse : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/12/14/les-inegalites-dans-le-monde-en-hausse-depuis-quarante-ans_5229478_4355770.html
Et la privatisation de la SNCF ira encore augmenter les comptes off-shore de quelques uns.
On peut alors s’occuper de la retraite des cheminots mais il y a plus à récupérer ailleurs avant, et c’est aussi une question d’équité.
@R.TIA : »Quant aux retraites, ne confondons pas l’âge du « peut partir » avec l’âge de départ habituel. Le taux plein ne s’obtient qu’après 164 trimestres de cotisations. »
la formule de calcul doit être trés spéciale car M LE RESTE (CGT) ex contrôleur est parti à la retraiteen 2010 à 55 ans et avec 34 années d’activité seulement il perçoit une retaite de mensuelle de 2.500 euros(rappel pour les retraités du privé la décore est de 2,5% par trimestre manquant
voir :
https://www.marianne.net/art-de-vivre/didier-le-reste-prend-sa-retraite-55-ans-les-limites-franchies-de-l-indecence-syndicale
@R.TIA « Doit-on toujours pousser au dumping social… »
on peut très bien s’opposer à la politique libérale de MACRON qui rend les riches encore plus riches tout en dénonçant les avantages exorbitants de certains salariés(régimes spéciaux…).
Bien sûr il faut par nos impots payer les salaires des fonctionnaires mais pourquoi devrait on contibuer à payer leurs retraites ?
@pedibus : « Encore un coup et tu vas nous éructer : »
d’habitude vos commentaires me font plutôt rire mais là non je n’éructe pas je donne mon avis
Les cheminots peuvent effectivement partir plus tôt, mais ils doivent progressivement effectuer la même durée que les autres secteurs.
L’âge de départ est déjà en train de converger vers celui des autres catégories selon le site Les Echos.
Ce que dit aussi le magazine Challenges.
Le métier de conducteur de train parait bien avantageux, pourtant selon le site BFM Business (pas vraiment un média de gauche non plus) la SNCF peine à recruter des conducteurs.
Pas d’inquiétude, donc.
Pour M. équité qui doit être un farouche défenseur de l’équité, je ne vois pas trop ce qui est choquant dans tout cela. Qu’un contrôleur de la SNCF puisse partir plus tôt à la retraite, où est le problème? A ma connaissance, les personnels de la SNCF ont des sujétions que beaucoup de salariés n’ont pas (travail samedi et dimanche, très tôt le matin, tard le soir, etc.). Si on veut parler d’équité, il est entendu alors que tout le monde doit travailler le week-end et en horaires décalés.