Gaz de schiste, le choix du pire

La Grande Guerre à l’ère du déclin pétrolier

Les visiteurs assidus du site carfree ont eu l’exceptionnel privilège de lire en avant première quelques-uns des chapitres de cet excellent livre faisant le point sur l’imposture historique des gaz de schiste. Le mythe de « l’Age d’or du gaz » a fait long feu, seuls éclatent aujourd’hui au grand jour la bulle spéculative et son désastre environnemental…

Aux États-Unis, la technique de fracturation hydraulique de la roche mère a laissé des traces indélébiles dans le paysage qui apparaît comme un territoire bombardé. Mais le pire se situe sous terre. Si les mesures actuelles de pollution des aquifères confirment les craintes depuis longtemps exprimées, nul ne peut prédire l’ampleur du risque sanitaire. Pour ce qui est des fuites de méthane dans l’atmosphère, la question de ses conséquences sur le dérèglement climatique est définitivement tranchée, « pire que le charbon… »

Extractivisme et capitalisme du désastre

L’idée générale du livre est de mettre en filiation ce paroxysme extractiviste planétaire sur les énergies fossiles avec les multiples conflits qui ont marqué l’époque contemporaine depuis la Grande Guerre. On sait en effet que depuis la « boucherie de 14-18 » le pétrole s’est imposé comme le déterminant essentiel, l’essence, le nerf et l’objectif de la guerre.

Par sa logique délibérément criminelle, écocidaire, l’extractivisme s’intègre bien dans liste des furies militaro-industrielles, génocidaires, du 20e siècle. Ces deux types d’activités, minière et militaire, sont facilement reliés et éclairés par le concept de « capitalisme du désastre » développé en 2007 par Naomi Klein dans son livre « La Stratégie du Choc. »

Au sujet du trio Bush, Rumsfeld, Cheney, figures emblématiques du complexe militaro-industriel étatsunien, la journaliste altermondialiste avait parlé de « proto-capitalistes du désastre. » Sur le problème qui nous intéresse ici, ce sont aussi eux qui ont ouvert le territoire des États-Unis à la ruée vers la roche mère…

“Oil’s tipping point has passed”

Les gaz de schiste, voici un enjeu énergétique typique de cette nouvelle ère du capitalisme d’offensive à outrance. Le désastre environnemental est connu d’avance, mais les élites dites dirigeantes se figent dans un déni de réalité. Qu’elles soient nationales ou supranationales, elles s’illustrent par une servilité affligeante au profit d’acteurs économiques transnationaux, groupes financiers, pétroliers et parapétroliers…

Lire aussi :  Le Peak Oil est de retour !

En face d’eux, les peuples du monde conscients de l’entreprise criminelle éco-systémique et « climaticide » des élites sont entrés en résistance… Nous sommes à l’ère du déclin pétrolier et, par cette bipolarisation conflictuelle, nous pouvons y voir les prémices d’une nouvelle Grande Guerre mondiale. Son premier champ de bataille, avec ses milliers de victimes actuelles et à venir, fut le territoire des États-Unis.

Le conflit va-t-il s’étendre au reste du monde avec la même violence suicidaire qu’outre-Atlantique? On connaît le contexte historique explosif, le passage du « peak oil » comme « tipping-point » (moment de basculement) annonce la fin irrévocable des énergies fossiles (1)…

Quels sont les rouages et complicités économiques, politiques, scientifiques et médiatiques à l’origine de l’aveuglement persistant des élites politico-polytechniques pour cette fatale surenchère dans le crime environnemental?

Gaz de Schiste le Choix du pire
La Grande Guerre à l’ère du déclin pétrolier

Jacques Ambroise, Jean-Marc Sérékian
Éditions Le Sang de la Terre 2015

Sommaire
Introduction Présentation
1. D’une Guerre à l’autre… toujours le pétrole
2. « L’Halliburton loophole » européen
3. Gaz de schiste et capitalisme du désastre
4. L’extractivisme stade suprême de l’impérialisme.
5. « Torquemada de l’obscurantisme toi-même »
6. Gaz de Schiste, l’imposture médiatique aussi
6. Postscriptum, d’un automne à l’autre…
7. L’Académie des Sciences fossilisée dans la Roche Mère.
8. En compagnie des Académies Royales
9. « Pétrole bon marché » et « Arme du Pétrole »
10. Août 2014, « la guerre du gaz fait rage »
11. Transnationales de schiste en lice et coulisses
Épilogue : Crépuscule et furie de l’Hydre extractiviste

(1) NATURE | VOL. 4 8 1 | 26 JANUARY 2012 | James Murray and David King. “Oil’s tipping point has passed”

2 commentaires sur “Gaz de schiste, le choix du pire

  1. Jean-Marc

    Les gaz de schiste serait une « manne économique et financière » selon certains politicards, et certaines personnes voulant profiter des aides d’état pour faire des trous un peu partout.

    Mais, en dehors des problèmes de pollutions, en particulier de pollutions des eaux, et de la non-potabilité et de l’impossibilité de les utiliser en agriculture et en aqua-culture qui résulte de l exploitation des gaz de schistes,

    même la réalité est financière différente : dans le pays qui a misé sur les gaz, les USA, son choix est en train d’amener une toute nouvelle crise des subprimes  :

    – après avoir très massivement prêter de l argent à des pauvres pour qu’ils s’offrent une maison, alors qu’ils n’ont pas l argent pour la rembourser,

    – les même banques ont très massivement prêter de l argent à des entrepreneurs, pour qu’ils investissent dans le gaz de schiste, remboursable par leurs rendements, alors que le rendement est aléatoire..

    http://www.lesechos.fr/journal20160106/lec2_finance_et_marches/021587935778-le-petrole-trop-bon-marche-menace-les-banques-americaines-1189852.php

     

    « le cours à chuté de 66% depuis le pic du 20 juin 2014″

    ..
    « S’il se poursuit, l’effondrement des cours du pétrole sera certainement l’un des sujets de préoccupation des banques américaines cette année. Ces dernières ont en effet massivement financé le boom du pétrole et du gaz de schiste depuis 2008, qui s’est traduit par un accroissement de la production de plus de 80 %. Problème : le cours du brut américain a été divisé par trois depuis dix-huit mois pour tomber à 36 dollars ces jours-ci, plombant non seulement les compagnies pétrolières, qui ont pullulé ces dernières années, mais aussi la valeur des réserves sur lesquelles sont assis certains de leurs financements. « 
    ..

    « Pourtant, le sujet préoccupe suffisamment les régulateurs bancaires pour que trois d’entre eux se soient rendus à Houston en septembre afin d’interroger les grandes banques – une première. Dans un rapport paru en novembre, ils ont chiffré le total des créances à risque dans l’énergie à plus de 34 milliards de dollars, soit 15 % du total des encours douteux des banques. Et cinq fois plus qu’en 2014. Parmi les motifs d’inquiétude, le rapport pointe une « stratégie d’acquisition et d’exploration agressive », menée par les compagnies pétrolières depuis 2010, qui a accru le risque et placé nombre d’emprunteurs en situation de fragilité. « 
    ..
    « 
    Ce qui inquiète les régulateurs et les marchés, c’est à la fois le souvenir cuisant de la crise des « subprimes », mais aussi celui du contre-choc pétrolier de 1986, qui, avec un pétrole tombé à 10 dollars, avait emporté une flopée de banques. »


    p.s. même les banques européennes plonbent, du fait du pétrôle trop bas :
    http://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/021634006603-les-bourses-europeennes-devissent-plombees-par-lasie-et-le-petrole-1193801.php

    (baisse due à 2 conjonctures : la crise (et un tout petit peu la décroissance), donc moins d acheteurs
    et Daech + arabie saoudite qui ouvrent les vannes à fond, donc la mise en vente à bas prix de grandes quantités de pétrôle, faisant chuter les cours… t posant des pbs à ceux qui ne peuvent plus compter sur leur manne (USA avec schiste, mais aussi URSS avec pétrôle et gaz, et algérie avec gaz => les rentiers de l’énergie fossile, qui achetaient la paix sociale avec des distributions d argent à certains, se trouvent politiquement fragilisés))

  2. pedibus

    La Chine qui tarde à prendre le virage de l’économie résidentielle comme relais de « l’atelier du monde »,

    l’Iran aux relations internationales normalisées qui ouvre les vannes pour rattrapper les effets de l’embargo-sanction,

    l’Arabie saoudite bien décidée à bousiller le secteur pétrolier américain au schiste en submergeant le marché…

    et la prochaine crise phynancière qui pompe les derniers espoirs de ceux qui croyaient encore au bon vieux paradigme croissanciste rance comme une vieille croûte :

    tous les ingrédients sont là pour nous plonger dans une crise centenale ou millénaire comme diraient les millénaristes de la géographe antiréchauffiste Yvette Veyret!!!

    Quant aux espoirs des partisans de la transition énergétique et des modes de vie les projets difficilement dessinés risquent de basculer dans l’autre moitié du XXIe siècle, voire au XXIIe…

    pas boaaa tout ça, pas glop du tout…

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