Cet été, c’est à pied ou à vélo et doucement, pour emprunter la grandeur du temps

En ce début du mois de juin, le temps passe à la musarde. Le souffle de l’air est enfin chaud en milieu de journée. Nous entrons dans les jours à coucher dehors. Le même rythme de marche, la même vitesse à vélo qu’il y a deux mois à peine, fait désormais perler l’eau sur les tempes. Le corps prévient en sudation les esprits distraits qui n’auraient pas admiré les frondaisons foisonnantes. Le corps alerte les cerveaux habitués au fouet des frimas: ralentissez, l’été rapplique.

L’automobiliste est en danger. Il respire le même air climatisé à longueur d’année. Sa carcasse ne lui signale pas l’exigence de passer du tracé hâtif à l’indolence ajustée à la nouvelle saison. Sa tentation est de traverser le temps à température constante sans se poser pour goûter aux beautés des beaux jours.

Et pourtant, après les traits vifs de l’hiver, les jaillissements débordants du printemps, l’été est la saison du ralentissement et de la contemplation.

L’été presse l’automobiliste à lever le pied, garer sa voiture et prendre le temps du cycle ou de la marche. L’été invite les piétons et cyclistes à ralentir. Le marcheur est convié à passer de la balade saccadée au pas flegmatique. Le cycliste du pédalier fou aux circonvolutions paisibles.

L’enjeu est de taille. Il s’agit de ne pas laisser s’échapper l’été mais de s’y arrêter, de vivre la faveur propre de la saison chaude.

Et quelle est l’offrande estivale à ne surtout pas rater? Le plus sage est de le demander à une poète qui écrivait à l’été 1946: « Il y a ici, chaque soir, un moment admirable: la rentrée des bœufs sous le char de moisson. Conduits par un prisonnier allemand taciturne au torse nu qui les précède d’un pas cadencé et les touche de l’aiguillon sans même retourner la tête, ils ont l’air, lents, majestueux, de sortir de l’éternité. (…) Peut-être nos Cathédrales ont-elles été conçues et bâties sans précipitation ni fièvre, avec le calme sûr du cerveau et des mains et la seule vigoureuse peine qui suffit chaque jour. Peut-être toute œuvre humaine, qu’elle soit de l’âme ou du corps, a-t-elle besoin, pour sa beauté, d’emprunter la grandeur du temps. » (1)

Lire aussi :  Tragédie lors de la Masse Critique de Porto Alegre

(1) Marie Noël – Notes intimes – Hauterive Août 1946

Loïc Tertrais

https://blogavocat.fr/space/loictertrais

2 commentaires sur “Cet été, c’est à pied ou à vélo et doucement, pour emprunter la grandeur du temps

  1. peter

    Le velo

    Magnifique engin pour se déplacer, travailler, s’amuser, se détendre, découvrir; mais que fait la nation permettant un engouement de la population. Tout le monde parle de mobilité douce mais immédiatement les médias, la société de consommation nous abreuve de bagnole de SUV les plus propres du monde et pourtant ce n’est que mensonge. Arrêtons le massacre.

    Tant que le marketing, les média ne changeront pas dans l’image véhiculée et sans une véritable volonté politique de lutter contre les lobby par paresse et facilité les évolutions se feront très très lentement. Inspirons nous des solutions qui fonctionnent dans les autres pays en les adaptant à la FRANCE pays avec ses propres forces et faiblesses. Arrêtons les mensonges.

    Cherchons dans notre communication à mieux parler du concept de mobilité sans sectarisme et donner envie, du rêve. C’est la seule manière de gagner l’adhésion à la nécessité de préserver notre environnement en changeant notre mobilité.

    Beaucoup de personne souhaite changer mais ne savent pas comment le faire et ne se sente pas accompagnés ni soutenus malgré que nous soyons abreuvé d’information.

    A chacun d’observer de s’impliquer de se dynamiser pour améliorer sa qualité de vie et l’environnement

  2. Prolo

    L’été comme saison du ralentissement, c’est une piste intéressante. Je pensais plutôt que ce serait l’hiver, avec ses tas de neige et son brouillard, avec ses activités économiques ralenties ou totalement à l’arrêt, ses travailleurs bloqués dans une congère..

     

    En été, au contraire (en tout cas là où j’habite), c’est la ruche. Les cyclistes sont bien plus nombreux, mais ce sont des cyclistes saisonniers, équipés pour être rapides : lunettes anti-vent, vêtements aérodynamiques et vélo de route. Les routes sont encombrées de tracteur qui promènent des remorques chargées au maximum, et qui roulent à fond : les tracteurs vont à 40km/h maintenant, avec une remorque pleine derrière c’est assez impressionnant à croiser. Les journées plus longues font que toute l’activité en extérieur (les paysans, les paysagistes, les maçons..) a tendance à commencer plus tôt et finir plus tard, parce qu’il faut profiter des longues journées pour « amortir » la perte d’activité en hiver, surtout pour les gens qui sont à leur compte.

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