La scène se passe dans le 92, la banlieue chic parisienne. Un jeune cadre qui a peut-être voté Balkany rentre chez lui après une dure journée de labeur où il a encaissé les remarques acerbes de son chef de bureau. « Elle est là », annonce-t-il fièrement à son épouse qui l’embrasse à son grand étonnement.
Après quinze ans de mariage, pensez ! « Elle », c’est leur nouvelle voiture. La dame et leurs deux enfants, accompagnés du chien, se précipitent dehors. « Elle » est là en effet, une superbe auto grise, devant le pavillon. La famille en extase contemple le magnifique tableau de bord, en ronce de noyer, si ça se trouve, comme celui des limousines anglaises. Les voisins vont s’étouffer de jalousie ! Las ! L’orgasme ne dure pas : le vrai proprio de cette merveille, le voisin abhorré, se met au volant de sa voiture sous les yeux navrés de la famille. C’est pas elle, leur nouvelle bagnole. La nouvelle, un tacot informe non identifié d’un bleu pisseux, est plus loin. Le père de famille a suivi sa progéniture pour bénéficier des acclamations. Mais on lui tourne le dos avec un air méprisant. La mère, surtout, a une moue de dégoût : elle le savait bien qu’elle avait épousé un nul. Et de rentrer sans un regard pour cet incapable à qui elle avait cédé un jour de faiblesse, certainement. Une voix off donne la raison de ce drame familial : « Il aurait mieux fait d’acheter une Scénic ».
Cette pub, qui se veut humoristique, donne bien le ton de l’époque misérable où vivent les pères de famille, ces « aventuriers du monde moderne », contraints d’acquérir des marchandises pour mériter le respect de leurs proches. Car les chiarres sont à l’unisson de la mère. Ils pourraient dire au pauvre homme : « C’est rien, mon papa, elle est belle ta nouvelle voiture bleue. Maman est conne de te faire la gueule. Une bagnole, ça sert à rien qu’à se déplacer pour aller voir mémée dans la Creuse. On s’en fout que ce soit pas une Scénic ! On t’aime quand même ! ». Mais non, les deux mômes suivent leur mère et snobent le papa désolé, seul sur le trottoir de ses déceptions. Même le chien manifeste sa honte d’avoir un tel maître !
Il convient donc de féliciter la boîte de pub qui a imaginé cette réclame : elle bien de son temps et a su capter le mépris qui accompagne la possession des objets, seuls capables d’élever l’homme au dessus de l’animal. Dépossédé de sa vie, l’homme moderne n’est qu’un homo consommateur que l’on classe en fonction de sa cylindrée. Reste à espérer qu’habitant dans le 92, ce minable bénéficiera de l’élévation de son pouvoir d’achat promis par Sarkozy et pourra un jour retrouver l’estime de sa famille en s’achetant enfin la Scénic de ses rèves !
Auteur: www.bakchich.info