Le premier accident automobile mortel de l’histoire

Environ 4 000 personnes sont tuées chaque jour sur les routes du monde, soit près d’1,5 millions de morts par an. Mais quand a eu lieu le premier accident mortel de la route et qui en a été victime? C’est a priori en 1869 que Mary Ward, une naturaliste et astronome irlandaise, est morte en voiture; elle est devenue pour la postérité la première personne au monde à mourir dans un accident de voiture.

Mary Ward s’est d’abord fait connaître en tant qu’artiste, naturaliste, astronome et microscopiste, mais elle n’a jamais reçu de marques officielles de distinction. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque les femmes ne pouvaient pas devenir membres de sociétés ou d’institutions, ni obtenir de titres ou de diplômes au cours de leur vie. Il leur était très difficile de s’établir ou d’être reconnues dans les domaines scientifiques ou littéraires jusqu’au dernier quart du 19e siècle.

Néanmoins, Mary Ward a été la première femme à écrire et à publier un livre sur le microscope en 1858, en dépit du fait qu’il était très difficile de trouver des éditeurs qui acceptent les manuscrits de livres écrits par des femmes. Elle a écrit plusieurs livres sur des sujets scientifiques et de nombreux articles scientifiques, tout en assumant ses fonctions d’épouse et de mère d’une famille de huit enfants. Son livre sur le microscope a été réimprimé au moins huit fois entre 1858 et 1880.

Mary Ward était donc une pionnière, une scientifique avant l’heure à une époque où cette activité était essentiellement réservée aux hommes.

Cependant, sa carrière a été brusquement interrompue le 31 août 1869, à l’âge de 42 ans, par une étrange curiosité de l’époque: l’automobile. Il ne s’agissait pas tout à fait des mêmes voitures qu’aujourd’hui, mais sa mort a été la première mort en voiture enregistrée dans l’histoire, et elle a préfiguré le carnage que l’automobile continue de laisser derrière elle.

En août 1869, Mary Ward et son mari le capitaine Henry Ward, étaient en effet en visite chez un des cousins de Mary, William Parsons, le 3e comte de Rosse, qui possédait un château près de la ville de Birr, à environ 16 km du lieu de naissance de Mary Ward.

Le comte de Ross vivait lui aussi avec son temps; il possédait un petit télescope et s’était également livré à la construction de fourneaux crachant de la fumée noire de charbon à l’approche de son château. C’était l’époque de la révolution industrielle et de la croyance dans les bienfaits du progrès scientifique et technique.

Malheureusement, cet amour du progrès a fini par condamner la cousine du comte, Mary Ward. À la fin des années 1860, Parsons a construit à la main l’une des premières automobiles au monde. Tout comme les moteurs les plus avancés de l’époque, la voiture était propulsée à la vapeur et non à l’essence. Elle était fabriquée en métal noir, avec un corps en forme de gros baril de pétrole couché sur le côté. Une sorte de cheminée au sommet libère la pression de la vapeur.

L’engin devait ressembler grosso modo à la photographie illustrant cet article. Cette voiture avait trois roues épaisses en fer pour affronter les routes locales cahoteuses, une petite roue à l’avant et deux grandes à l’arrière.

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Ainsi, en août 1869, lorsque Mary Ward visita le château et que quelqu’un lui suggéra de faire un tour en voiture à vapeur, elle dit sans aucun doute oui en un clin d’œil.

Malheureusement, quatre autres personnes voulaient également monter à bord. Et au lieu de les faire attendre, le cousin de Mary les a tous laissés s’entasser. Il y avait donc sur le véhicule Mary Ward et son mari Henry Ward, mais aussi Clare et Charles Parsons, les enfants du comte, ainsi que M. Biggs, le précepteur des enfants qui était aussi le conducteur de l’engin.

Il n’y a aucune trace de qui s’est assis où, mais il y avait donc a priori cinq personnes sur le véhicule. Le groupe a décidé de faire le tour du parc municipal de Birr. Selon un témoin, le conducteur « roulait à un rythme tranquille » alors qu’il s’approchait du virage de l’église Saint Brendan.

Ce qui s’est passé ensuite n’est pas clair. Peut-être qu’une roue a heurté un caillou ou un nid-de-poule. Peut-être que les voitures artisanales de 1869 ne fonctionnaient tout simplement pas très bien. Quoi qu’il en soit, la voiture surpeuplée a été secouée pendant le virage et Mary Ward est tombée du véhicule. Une seconde plus tard, elle heurtait le sol et l’une des énormes roues de fer l’écrasa.

Un médecin local est arrivé deux minutes plus tard, mais il était trop tard. La roue avait brisé le cou et la mâchoire de Mary Ward, et elle saignait des oreilles – signe, pensa le médecin, d’une fracture du crâne. Son visage était déjà décoloré et sa langue tremblait alors qu’elle respirait. Une minute après l’arrivée du médecin, elle était morte.

Une enquête a bien évidemment lieu suite à l’accident. Sans parvenir réellement à clarifier les circonstances exactes de l’accident, le jury en charge de l’enquête a exprimé sa sympathie à l’honorable capitaine Ward dans son triste deuil et précise qu’aucune personne n’était responsable de l’accident. Il est ainsi possible de constater que le premier accident automobile mortel de l’histoire est donc aussi la première « faute à pas de chance » de l’histoire.

Selon la tradition familiale, la voiture aurait été ensuite démontée et peut-être enterrée sous la cour du château.

Depuis Mary Ward, des centaines de millions de personnes sont mortes dans des accidents de la route à travers le monde; peu d’autres inventions dans l’histoire ont provoqué un tel carnage, illustrant ainsi les bienfaits infinis du progrès scientifique et technique. Ce premier décès se démarque non seulement par sa nouveauté, mais aussi par le fait qu’il a provoqué prématurément la mort de l’une des rares stars féminines de la science victorienne.

 

Source: https://www.sciencehistory.org/stories/disappearing-pod/historys-first-car-crash-victim/
Image: Un véhicule à vapeur Rickets des années 1860, semblable à la voiture d’où Mary Ward est tombée. (Musée national de l’automobile / Getty)

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