La flambée du prix du pétrole semble chaque jour atteindre de nouveaux sommets, augmentation irréversible faisant vaciller notre société qui s’est trop longtemps crue à l’abri de toutes pénuries de matières non renouvelables.
Les écologistes, longtemps taxés de malthusianisme, ont sans doute eu le tort d’avoir raison trop tôt en annonçant, dès les années 70, que la raison écologique a ses raisons que la déraison technoscientifique ne saurait méconnaître. Notre société d’abondance a donc vécu à crédit sur le dos des générations futures, absorbant goulument les derniers litres de carburant à bas prix, sans se soucier des conséquences écologiques et sociales qu’une telle attitude faisait peser sur les grands équilibres de notre planète.
Faute d’acteurs politiques aptes à relever le défi du renchérissement des matières premières, nous avons assisté passivement à ce déterminisme écologique. Mais la cigale eut beau chanter tout l’été les louanges de cette société des pétrooliques anonymes, elle n’en fut pas moins frappée d’une violente gueule de bois quand les conséquences d’une raréfaction du pétrole se firent sentir.
Un gaspillage énergétique normatif a permis à nos sociétés occidentales de vivre dans l’illusion d’un surrégime quasi-institutionnalisé. Tour à tour, chaque constructeur automobile a cédé aux sirènes de consommateurs assoiffés de paraître, désirant plus que tout le plus gros, le plus lourd, le plus énergivore, frappé d’une certaine obésité mentale, sorte d’incontinence matérialiste.
Nos constructeurs automobiles hexagonaux n’ont pas échappé à cette règle non écrite qui veut que la stratégie industrielle des constructeurs automobiles soit inversement proportionnelle au coût des carburants. Le 12 juin prochain, Renault mettra en vente son premier 4×4 rejetant plus de 230 g/CO2 par kilomètre parcouru en ingurgitant pas moins de 10 l/100 km ! Quelques jours avant cette commercialisation inopportune, General Motors a pourtant annoncé la fin de la production de ses 4×4 et Ford a reconnu une baisse de 16% de ses ventes de 4×4 en mai!
Le renchérissement brutal du prix des carburants laisse en effet l’automobiliste groggy, assommé par ce retour de bâton historique. A avoir voulu s’abstraire de toute contrainte écologique, l’homauto doit désormais gérer le hiatus existant entre le vouloir et le pouvoir, entre l’être et l’avoir. L’Etat assiste passivement à cette crise énergétique ou, à tout le moins, tente de trouver les solutions les plus indolores quitte à recourir à des mesures coûteuses pour le budget de l’Etat et totalement inefficaces.
Le plafonnement de la TVA sur les produits pétroliers fait partie de ces fausses-bonnes solutions puisque la baisse artificielle du prix de l’essence ne pourra compenser éternellement le renchérissement des matières non renouvelables. Pire, cette politique de courte vue ne produira aucun effet tangible puisqu’il y a fort à parier que les pétroliers profiteront de cette aubaine pour augmenter subrepticement leur prix et accroître encore leurs bénéfices.
Gouverner, c’est prévoir et il y a désormais urgence à prendre les mesures de long terme qui s’imposent. Un règlement européen est actuellement en débat au Parlement européen visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules particuliers commercialisés dans les pays de l’Union dès 2012. La faible mobilisation de l’Etat français alliée à un intense lobbying de certains constructeurs automobiles risquent de déboucher sur un règlement très en retrait des ambitions initialement affichées.
Transport, industrie, habitat, agriculture, pêche, consommation… tous ces secteurs vont être frappés de plein fouet. Un choix s’offre donc à nous : gérer politiquement et rapidement une situation tendanciellement explosive ou la subir collectivement. Des solutions opérantes existent mais nécessitent ténacité et cohérence politique. Pour ce faire, la politique des petits pas visant à écoper les cales du Titanic avec un dé à coudre ne peut tenir lieu de stratégie.
La fin du pétrole à bas prix nous impose un exercice inédit, celui de réduire notre empreinte écologique en prenant enfin en considération les contraintes environnementales. Nous attendons du personnel politique qu’ils prennent ses responsabilités en créant les conditions d’une véritable sortie du tout-pétrole reposant sur une politique de maîtrise de l’énergie inscrite dans le temps et dans toutes les politiques publiques. Nous y sommes prêts et il n’y a plus de temps à perdre !!! Faute de quoi, nous subirons simultanément les conséquences du dérèglement climatique et du renchérissement des matières premières.
Par Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement