Dans ma ville, en matière de circulation, on cherche le consensus : à la fois favoriser et faciliter aux automobilistes l’accès au centre ville et à ses commerçants, y proposer des stationnements. À la fois développer les transports en communs (bus et tramway), les parkings décentrés, les pistes cyclables, des parkings vélos, des voies vélos à contre sens, etc. On ne peut pas dire que rien n’est fait pour développer l’usage de moyens de transports alternatifs, et entre autres du vélo. En même temps, peut-on vraiment favoriser ces autres moyens sans interdire (ouh le vilain mot qu’on n’aime pas entendre ou lire…) des ruelles, des rues, des quartiers à la circulation automobile?
Comment inciter les citoyens à marcher et/ou à prendre un vélo sans, dans le même temps, faire baisser le nombre de véhicules à moteur en circulation ? Dans ma ville, c’est ce qu’on essaie de faire… Et il faut se rendre à l’évidence : ça ne marche pas vraiment…
Pas très loin, de bons exemples existent : Bâle, Fribourg, Strasbourg… qui prouvent que la volonté politique et les élus locaux ont ce pouvoir de faire évoluer les choses.
Dans ma ville, et bien sûr dans bien d’autres… quand on circule, on voit que la grande majorité des autos n’est occupée que par leur conducteur, que ça bouchonne partout aux heures de pointe, que ça s’énerve, ça klaxonne, etc. Je vois souvent des usagers arrêtés sur le bord des trottoirs, le long d’avenues (voire bien sûr sur les pistes cyclables ou carrément sur les trottoirs…) en train de lire leurs mails et sms et/ou d’y répondre, j’en vois devant les écoles ou à proximité pour déposer leurs enfants (certains rentreraient sans doute dans la cour s’ils le pouvaient, pour être vraiment sûrs que leur progéniture est arrivée à bon port, ou pour ne pas avoir à sortir de leur véhicule pour les y accompagner…), j’en vois prendre leur voiture et faire quelques centaines de mètres pour chercher du pain, des cigarettes, j’en vois arrêtés aux feux tricolores sur les sas vélo (parce qu’ils n’ont souvent aucune idée de à quoi ça peut bien servir un sas vélo…
Il suffit de faire quelques centaines de mètres à pied ou à vélo, de tendre l’oreille (et de sentir…) pour remarquer les autos, camions, camionnettes ou bus arrêtés, dont le moteur tourne au ralenti, à priori sans raison apparente… En hiver pour ne pas avoir froid… En été pour ne pas avoir chaud… Et parfois aussi par flemme ou parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de couper leur moteur (c’est à se demander comment faisaient nos parents, grands parents et arrière grands parents pour survivre sans la climatisation ? Vivaient-ils tellement plus mal ?). Par ce geste, ou plutôt par le manque de réflexe qui consisterait à tourner une clé ou appuyer sur un bouton, ils font profiter à tout l’entourage d’un peu plus d’air vicié…
Ces gens-là, qui sont des citoyens comme moi, des parents aussi pour la plupart, ont-ils conscience qu’un petit geste anodin, couper leur moteur, peut leur éviter de polluer l’air inutilement ? Que quelques dizaines ou centaines de mètres faits à pied feront le plus grand bien à tout le monde ? On est bien d’accord, je ne parle bien sûr pas de personnes âgées ou à mobilité réduite… (quoique là aussi des solutions existent et seraient à réfléchir), mais de la grande majorité des usagers.
Je trouve particulièrement insupportable que ces personnes que, à priori rien ne prédestinait à balancer dans l’air les saloperies dont leurs enfants, petits enfants et toutes les autres générations profitent et profiteront…. sont pour la plupart à des lieues d’avoir conscience de ce qu’ils font. Je dis « pour la plupart » parce qu’une partie n’en a sans doute rien à faire (pour rester poli) des autres !
Mais m…. on attend quoi pour informer encore plus, apprendre et ré-apprendre des gestes civiques élémentaires grâce à ces magnifiques nouveaux moyens de communication que sont les réseaux sociaux (sic !), grâce aux journaux, aux médias, par des gestes simples que nous pouvons tous faire, sans attendre que d’autres les fassent à notre place ? Chacun de nous a son rôle à jouer, sans attendre que ce soit son voisin qui fasse le premier pas.
Oui, ce serait si simple de se dire qu’il suffit d’en faire la remarque aux usagers concernés. Mais c’est s’exposer à des ricanements, des réponses cinglantes du style « occupez vous de vos… » Ou « de quoi tu te mêles ? » dans le cas où on a à faire à une personne polie, sinon ça tournera à l’injure, voire plus. Et je ne parle pas des gens qui viennent avec l’argument massue des libertés individuelles. Là, on touche le sublime, on a vraiment à faire à de vrai-e-s citoyen-ne-s qui défendent bec et ongle leur liberté…. Mais leur liberté de quoi ? De balancer des millions de particules et autres polluants dans le nez de leurs concitoyens, de consommer à outrance, comme avant, comme si on ne savait pas qu’on va droit dans le mur, liberté de faire ce qu’ils veulent sans penser aux générations futures ?
Dans ma ville, la municipalité s’est fendue, l’année passée, d’une campagne d’affichage contre les incivilités : c’est vrai que c’est vilain de jeter des papiers et des détritus dans les rues, c’est vrai que c’est vilain de faire pipi dans les parcs ou lieux publics, de cracher dans les rues et sur les trottoirs, d’abîmer le mobilier urbain et de dégrader des matériels publics, etc. Mais de laisser les habitants s’intoxiquer aux particules fines, aux divers additifs des carburants, aux émissions diverses et variées, c’est pas vilain, ça ??? Ça ne s’apparente pas à de la non assistance à personne en danger ? Ça ne mériterait pas une campagne de sensibilisation permanente sur tous les médias et réseaux sociaux, d’affichage, de limitations sévères ou/et d’interdictions (m…. encore ce vilain mot… mais quand je vois la résistance de certains aux changements de toute nature, je ne peux qu’adhérer, malheureusement…)
Il n’y a qu’une minorité d’individus qui ont compris depuis longtemps, certains commencent à peine à le comprendre. Et les autres, c’est pour quand ? Il me semble que nos gouvernants n’ont pas vraiment pris la mesure du problème ! Déni ? Scepticisme ? Découragement devant l’ampleur de la tâche ? Un peu tout ça sans doute…
Ce qui me frustre à propos de ce coup de gueule, c’est de le pousser sur carfree (mais où d’autre…), un site où paraissent souvent des articles intéressants et documentés, mais aussi un site où la majorité des lecteurs sont des cyclistes convaincus, des vélotafeurs, des défenseurs acharnés de la vie et de l’air sain. D’où ce sentiment désagréable de parler un peu dans le vide, de prêcher des convaincus… mais on va dire que ça fait du bien de crier sa rage, même dans le désert…
Je suis réellement affligé de constater cette résistance incroyable des usagers, des élus, des gouvernants, aux changements pourtant vitaux qu’il nous faudrait adopter… Il a fallu plusieurs décennies pour nous apprendre et nous persuader que le véhicule individuel à moteur thermique (et que dire du transport aérien qui s’est démocratisé, mais à quel prix ?) était indispensable à notre bien être et à notre bonheur, que la consommation, le « consumérisme » reste pour beaucoup le Saint-Graal moderne… Combien de temps faudra-t-il pour que nous comprenions que tout cela est faux, dangereux, écocide, néfaste à la santé de tous, à l’environnement ?
Sans doute trop pour que je puisse voir un changement significatif de mon vivant, mais qu’importe, il faut qu’il ait lieu ! Il n’y a pas d’alternative.
Combien de penseurs-ses, de philosophes, de scientifiques (dont je n’ai pas le dixième des connaissances) essaient-ils-elles de nous alerter depuis des décennies ? Ils ou elles ne sont pas crus ou entendus du grand public… Et ce ne sont pas les réseaux sociaux qui véhiculent tout et son contraire qui vont changer quelque chose. Cela ne peut venir que de la base, des citoyens, de vous, de moi.
Patrick, 59 ans, cycliste au quotidien par tous temps, vélotafeur depuis maintenant pas mal d’années, ancien usager de 2 roues à moteur, et automobiliste sur le déclin.
Salut Patrick,
Ton coup de gueule, je le partage. C’est tellement triste de voir que ça ne change pas, d’avoir l’impression que tout le monde se fout des conséquences de ses actes quad il s’agit de véhicule privé. Aujourd’hui, tout le monde a au moins des notions basiques des impacts des transports motorisés, mais ceux qui en tirent les conséquences pour de bon ne sont qu’une poignée.
J’ai le sentiment que les transports motorisés et spécifiquement la voiture particulière cristallisent tellement de choses dans la société occidentale que toute évolution des mentalités est impossible. Tout du moins à un rythme cohérent pour remédier à temps aux problèmes qu’ils posent sans réglementation forte. Symbole de liberté (d’aller et venir, mais pas seulement), de réussite sociale, de performance, de protection… Et puis le véhicule est un cocon d’espace privé qui accompagne son propriétaire partout où il va avec ses repaires (affaires personnelles, musique aimée, odeurs familières, etc.). Une extension mécanique de sa personne, comme le smartphone est une extension du cerveau.
Le vélo, fragile, complètement ouvert sur l’extérieur, facile à voler, ne fait pas le poids. Sans même aborder la question de l’effort qu’il induit, généralement surestimé par le grand public…
Il ne faut pas compter sur l’augmentation du prix du pétrole pour contrevenir à cette situation. D’abord, peu de chance qu’elle se produise réellement de façon importante. Et puis ils seront encore nombreux à aller chercher les enfants à l’école en voiture avec un plein deux fois plus cher, parce que le coût pour le service rendu reste extrêmement bas quand on y pense.
Acceptons-le, dépassons la tristesse du constat, tout en poursuivant la sensibilisation de ceux qu’on peut sensibiliser. Pour que ça change réellement, il faudra un électrochoc. L’avenir nous en réserve, et chaque trajet motorisé nous en rapproche un peu plus.
Tu as bien de fait de ne pas nommer la ville, comme ça on peut adapter ton texte à beaucoup de villes… Enfin, sauf sur l’aspect développement des autres modes de transports. Dans mon département, une ville à commencer à détruire la seule rue piétonne du centre ville pour améliorer la circulation et le stationnement automobile, dans le but de relancer le commerce.
Autre anecdote, le mois dernier, je discutais avec le maire d’une commune d’environ 2 000 habitants qui a eu, il y a quelques années, une demande de parents d’élèves de primaires de créer un aménagement devant l’école qui permettrait de déposer et de reprendre les enfants sans avoir à se couper le contact… Un « drive-scolaire » qu’il a refusé.
Pour ce qui est de l’éducation et de la résistance, j’ai pu constater que cela fonctionnait lorsque l’on vise les enfants, beaucoup plus que lorsque l’on vise adulte (exemple des propositions faites dans le cadre du Parlement des enfants : réduire la place de la voiture dans les trajets pour aller à l’école).
Quant au fait de poster ton message, c’est clair que tu prêches en terre conquise, mais comme tu dit, « où d’autre ? », alors que dans la forme, on est pas forcément éloigné de ce qu’on peut trouver dans journaux nationaux de la part des opposants au 80km/h et qui ont pourtant un large écho…
Ailleurs ça bouge et ça qui est formidable. Gand en Belgique à un plan de circulation qui favorise le piéton et le cycliste avec un grand centre ville tout piéton, Copenhague aménage l’espace publique et ne se cache pas de marquer « pour une ville plus attractive les travaux en cours donneront plus de place aux piétons et aux cyclistes », Hambourg qui crée des liaisons piétonnes et cyclables entre les parcs, Helsinki où on construit des maisons à la place de parking (http://mashable.france24.com/styles/20171026-tikku-micro-appartement-casagrande-place-parking)…
Il suffit de volonté d’arrêter de croire que le lobby automobile sauvera le monde. Et je crois que je me trompe pas en disant que la France n’en sera pas faire de lance.
Là tu te contredis avec le début de ton article. Informer, sensibiliser etc. ne sert à rien. Ce qu’il faut c’est le courage politique de restreindre la place de la circulation motorisée. Or cela est trop rare en France.
Bien évidement que tout le monde a entendu le message, qui peut ignorer aujourd’hui que la voiture pollue, personne.
Rappelons-nous le tabac, avant la loi Evin nous vivions dans un autre monde : les cigarettes dans les cafés, les trains, les couloirs du métro, les hall de magasins etc… Il a fallu un coup de pouce du législateur.
Et encore la cigarette c’était convivial, la voiture c’est l’anti-communication, le chacun pour soi, la haine du voisin, c’est moche c’est dangereux et ça prend toute la place.
Oui mais les cyclistes grillent les feux rouges. (J’ai bon ?)