Il est dix-huit heures à Neurastène-les-Bains. Cela ne fait pas plus de dix minutes que Émile-Louis, un apprenti boucher, attend de traverser au passage piéton de l’avenue Charles Pasqua. Il a, comme d’habitude, prévu quelques grilles de mots croisés niveau expert en plus d’un thermos rempli de café.
Tout se passe bien, les voitures défilent en formant une longue file. Aucune raison de s’inquiéter a priori. Mais, soudain, la scène va prendre une toute autre tournure. Une employée de la boulangerie située à quelques mètres de là dit avoir eu un mauvais pressentiment en voyant des appels de phare. Plusieurs témoins sont formels, l’homme au volant d’une berline turquoise, aurait accompagné l’arrêt de son véhicule par un geste de la main indiquant à Émile-Louis qu’il pouvait passer. Il est alors trop tard pour ce dernier. La traversée interminable sous les klaxons commence. À l’arrivée du piéton, l’auteur présumé prend la fuite, non sans avoir essuyé des jets de désodorisants Arbre magique et de porte-clés Ushuaïa.
Pris en charge par l’Aide psychologique d’urgence, Émile-Louis prononce avec peine ses premiers mots : « J’ai eu énormément de chance ». Le responsable de la cellule le confirme: « Lorsque ce type d’accident arrive, heureusement très rare, les chances de survie après un tel choc émotionnel sont de 5%. »
Le Ministre de l’Intérieur s’est immédiatement rendu sur place, adressant tout son soutien à la victime. Il s’est voulu rassurant: « L’ensemble des passages piétons de France n’ont aucune vocation à arrêter les véhicules. Aussi tragique soit-il, cet accident ne nous fera pas reculer. Aucun piéton ne doit se sentir en sécurité à un passage piéton. Tous les services de police sont en alerte pour retrouver l’individu et sa peine devra être exemplaire. »
« Aucun piéton ne doit se sentir en sécurité à un passage piéton. Tous les services de police sont en alerte pour retrouver l’individu et sa peine devra être exemplaire. »
Donc si j’ai bien compris cette phrase, les passages piétons ne sont pas des dispositifs de sécurité pour les piéton•ne•s.
@Olivier: cet article humoristique semble avoir pour but de dévoiler le contraste cynique entre la théorie (les passages piétons sont des dispositifs de sécurité pour les piéton•ne•s) et la réalité (les passages piétons ne sont pas des dispositifs de sécurité pour les piéton•ne•s, cette sécurité dépend du bon vouloir d’automobilistes qui enfreignent ou ignorent allégrement les lois).
Pourtant « en théorie » ça pique : Article R415-11
Mais « en pratique » c’est la tolérance (parfois, ou non, avec quelle limite ?), donc l’ignorance de la loi et l’application au bon vouloir de l’autorité, ce qui rend caduque la notion de « loi »…
Bravo, belle article, merci pour ce texte qui ressemble bien à l’image que j’ai conservé des zones automobiles de France métropolitaine. J’ai depuis un an quitté le Rhône-Alpes pour l’île de La Réunion et là, quel étonnement, les voitures s’arrêtent aux passages piétons ! Sans blague, je ne fais pas d’ironie ! Rares sont les automobilistes en infraction.
Je ne connais pas l’origine de cette coutume mais vous verriez le contraste que j’ai perçu ! S’en est réjouissant.
À part ça, le tout-voiture y est bien présent. Sans parler du manque d’infrastructures piétonnes, beaucoup de rues n’ont qu’un seul trottoir, voir pas du tout. Sans parler de la « nouvelle route du littoral », monumentale gabegie d’auto-pont sur la mer tout ça pour ne pas risquer moins de un mort par an.