Banksy et la civilisation automobile

Banksy est un artiste d’art urbain qui travaille sous pseudonyme. Son véritable nom et son identité exacte sont inconnus et font toujours l’objet de spéculations. Apparemment britannique originaire de Bristol et actif depuis les années 1990, il utilise principalement la peinture au pochoir pour faire passer ses messages, qui mêlent souvent politique, humour et poésie. Ses œuvres sont souvent des images humoristiques, parfois combinées à des slogans. Le message est généralement anarchiste, antimilitariste, anticapitaliste ou antisystème et ses personnages sont souvent des rats, des singes, des policiers, des soldats, des enfants, des personnes célèbres ou des personnes âgées.

Dans le cadre de ses multiples œuvres, extérieures (principalement sur les murs) ou intérieures (sous formes de tableaux par exemple), Banksy s’est intéressé à la question de l’automobile et, de manière plus large, aux questions de pollution et de dérèglement climatique. Voici quelques exemples de travaux de Banksy sur ces thématiques.

Petrolhead

Une parodie de panneaux routiers ou un avertissement satirique sur la destruction écologique ? Le pochoir sur toile Petrolhead réalisé par Banksy en 2003, qui représente un bonhomme tenant le pistolet d’une pompe à essence contre sa tête, pourrait être interprété comme les deux. Le titre « Petrolhead » fait référence au surnom donné à un individu passionné par l’automobile jusqu’à l’obsession et préférant les véhicules à moteur à toutes les autres formes de transport. L’interprétation spirituelle de Banksy suggère que cet amour des voitures est un pistolet métaphorique sur la tempe, non seulement pour ce conducteur individuel, mais pour l’humanité, en raison du lien entre les combustibles fossiles et la crise climatique.

Petrolhead, 2003, Tirage : 25, Pochoir acrylique et peinture en aérosol sur toile, 30×30 cm (11 3/4 x 11 3/4 pouces)

 

Crude Oils

En 2005, Banksy réalise une exposition de peintures intitulée « Crude Oils » qui présentait 20 versions de peintures à l’huile classiques, réinventées par l’artiste. L’exposition était également « peuplée » d’environ 200 rats vivants et présentait des sculptures d’accompagnement uniques. Cette « galerie de chefs-d’œuvre remixés, de vandalisme et de vermine » a duré environ une semaine dans une petite boutique de Notting Hill, située au 100 Westbourne Grove.

En face de ces œuvres, sur le mur d’en face, se trouvaient un certain nombre de peintures à l’huile modifiées.
Il s’agissait d’huiles sur toile traditionnelles achetées dans des marchés aux puces de Londres qui présentaient diverses modifications de Banksy: des motifs ajoutés qui évoquent les retombées du déclin social actuel. Des paysages de boîtes de chocolat sont interrompus par des voitures calcinées ou des panneaux d’incident de police, une Vierge de la Renaissance et un enfant Jésus écoutent un iPod, tandis que les sujets de portraits traditionnels sont transformés en modèles portant des masques à gaz.

Car Wreck, 2005

 

Toxic Beach (after Jack Vettriano), 2005

 

Crude Oils, modified oil painting, 2005

 

Landscape with Crashed Car, 2006

Flag Silver

Flag Silver est peut-être une des œuvres les plus connues de Banksy. Elle représente un groupe de jeunes montant  sur une vieille voiture cabossée pour y hisser un drapeau américain. La composition est pyramidale, ayant comme base la voiture et culminant dans le drapeau des États-Unis. Avec une seule touche de couleur, représentée par un grand soleil ou une lune dorée ou argentée (selon l’édition), la scène porte un ton mélancolique et lugubre.

Le travail de Banksy est ici une référence directe à la photographie emblématique Raising the Flag on Iwo Jima du photographe américain Joe Rosenthal, prise le 23 février 1945. La photo représente six Marines américains soulevant le drapeau étoilé au sommet du mont Suribachi pendant la bataille d’Iwo Jima. Mais Banksy, lui, bouleverse l’image, en réalisant en quelque sorte une caricature du cliché de Rosenthal. L’ambiance n’est plus victorieuse, au contraire elle est sombre. Banksy semble raconter la jeunesse marginalisée des banlieues, perdue et sans guide.

La signification de cette œuvre peut résider dans la critique de la guerre comme le laisse penser la photographie originale de Rosenthal, mais elle dit aussi quelque chose sur le « rêve américain » de la société de consommation caractérisée entre autres par l’automobile, et dont de plus en plus de monde est désormais exclu.

Flag (Silver), 2006
Tirage : 1 000 non signé

I don’t believe in global warming

Le mépris de l’humanité pour la nature a longtemps été une vive préoccupation pour Banksy, dont les créations fonctionnent comme une forme de commentaire social. S’inscrivant dans une trajectoire qui s’étend de la satire de William Hogarth au XVIIIe siècle aux vases en céramique de Grayson Perry, ses œuvres tendent un miroir au monde, utilisant fréquemment l’humour comme moyen de dire la vérité au pouvoir. L’environnement est un thème récurrent dans cette pratique: en 2009, à l’occasion de la fin de la conférence internationale sur le climat de Copenhague (la « Conference of Parties » ou en abrégé COP15), Banksy s’est moqué des climato-sceptiques en peignant les mots « I don’t believe in global warming » (« Je ne crois pas au réchauffement climatique ») s’enfonçant dans l’eau du Regent’s Canal, au nord de Londres.

I don’t believe in global warming, 2009 (Londres)

Take that

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En 2010, Banksy réalise cette œuvre intitulée « Take that » (« Prends ça »), qui relève plus de l’installation ou de la performance que du graffiti. L’œuvre était située apparemment à Toronto, à côté de Pittsburgh aux USA, à moins que ce soit à Portland, USA. Ce qui est sûr, c’est que l’œuvre est bien revendiquée par Banksy sur son site internet et qu’elle a désormais disparu.

C’est un excellent exemple de la façon dont Banksy utilise le paysage tel qu’il le trouve pour créer ses œuvres. Cette œuvre simple et pleine d’humour, due au fait d’avoir été placée sur un arbre tombé, constitue évidemment une œuvre éphémère. On peut la voir comme une métaphore du retour de bâton du dérèglement climatique contre ce qui provoque l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, à savoir la voiture entre autres…

Take that, 2010 (Toronto, USA)

Swing Girl

Swing Girl est apparu en 2010, quelques jours avant la première à Los Angeles du film de Banksy, Exit Through The Gift Shop. Situé dans un parking de Broadway, dans le centre-ville de Los Angeles, Swing Girl est un excellent exemple de la façon dont Banksy intègre son travail dans la scène urbaine et dans le paysage existant.

La partie « ING » du panneau « PARKING » a été blanchie à la chaux pour mettre l’accent sur le mot « PARK ». Banksy a ensuite peint au pochoir une jeune fille sur une balançoire suspendue à la lettre A. L’artiste commente très probablement le manque de parcs ou d’endroits où les enfants peuvent jouer en toute sécurité dans ce qui est un quartier assez difficile de Los Angeles. On peut aussi voir dans ce travail la démonstration qu’il n’y a pas besoin de quelque chose de spécial pour s’amuser quel que soit l’environnement dans lequel on vit.

Swing Girl, 2010 (Broadway, Los Angeles, USA)

Crazy Horses Riding Through the Lower East Side to a WikiLeaks Soundtrack

Cette œuvre s’inscrit dans le cadre de la résidence d’un mois de Banksy dans les rues de New-York. Cette installation est sans doute l’œuvre la plus politique et la plus novatrice créée par Banksy lors de sa résidence à New-York. Il présente une dynamique visuelle complexe avec des hommes armés dans le viseur des armes, des chevaux portant des lunettes de vision nocturne, ainsi qu’un numéro de téléphone gratuit pour entendre l’audio d’une frappe aérienne… Cette nouvelle pièce se distingue par le fait qu’aucune partie de celle-ci ne se trouve réellement sur un mur : elle est rendue sur les côtés d’une voiture abandonnée et d’un camion, ajoutant une profondeur visuelle impressionnante.

Crazy Horses Riding Through the Lower East Side to a WikiLeaks Soundtrack, October 2013 (New York)

 

Kid Rolling a Burning Tire

Une nouvelle peinture murale de Banksy a été découverte à l’école primaire Bridge Farm à Bristol en 2016. Il s’agit d’une œuvre faite par Banksy en guise de cadeau de remerciement aux enfants qui ont donné son nom à l’un des bâtiments de l’école.

Quelques semaines avant, l’école avait organisé un concours pour changer les noms des bâtiments, et avait fini par décider de les nommer d’après des légendes de Bristol: Brunel, Blackbeard, Cabot et Banksy. Les responsables de l’école ont écrit à l’équipe de Banksy pour l’en informer. À leur retour de la mi-trimestre, les enfants, le personnel et les parents ont découvert dans l’école une grande fresque murale installée par le célèbre artiste.

L’image montre un enfant faisant rouler un pneu en feu, commentant ainsi l’environnement dans lequel les enfants grandissent de nos jours.

Kid Rolling a Burning Tire, 2016, Bridge Farm Primary School, Bristol, England

Rhinocéros

En 2024, Banksy dévoile une nouvelle fresque murale d’un rhinocéros qui semble grimper sur le toit d’une voiture à Londres – la huitième œuvre d’art sur le thème des animaux dans une collection qui comprend des éléphants, une chèvre, un loup, des pélicans et plus encore, réalisées toutes au cours de quasiment la même semaine. La dernière œuvre en date à Charlton, au sud-est de Londres, représente un rhinocéros sur un mur et donne l’impression que l’animal monte sur une voiture en panne garée devant le bâtiment, un peu comme si le rhinocéros cherchait à se reproduire avec la voiture…

Rhinocéros, 2024, Londres

Sources

https://www.banksy.co.uk
https://banksyexplained.com

Un commentaire sur “Banksy et la civilisation automobile

  1. pedibus

    chapeau l’artiste !…

    un talent à dézinguer ce qui reste encore de la symbolique bagnolarde, déjà bien rayée et cabossée…

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