Le gang des bandits en auto a encore frappé : 6 milliards de butin !

[De notre envoyé spécial Avenue de La Grande Armée.]

Oui, David Pujadas, vous m’entendez ? Allo ? Oui, David, je suis en ce moment même devant le siège de Peugeot S.A. De nombreux vigiles barrent l’accès, la fumée de cigare empêche de voir ce qui se passe; mais on entend distinctement les bouchons de champagne qui sautent et les rires gras : “on les a bien niqués, ces bandes de cons, hein ?”

Car il s’agit bien d’un hold-up ! Par ruse. En plein jour. Avec 65 millions de victimes. Et 65 millions de témoins. L’État, vous, moi, qui sommes déjà dans la dèche, vient de consentir un prêt de six milliards d’euros (1.2 Kerviel) au secteur automobile, dont la moitié à Peugeot-Citroën. Prêt qui s’ajoute à d’autres cadeaux, comme la “prime à la casse” qui devrait nous coûter 220 millions d’euros.

La pilule était dure à avaler, surtout après les nombreux Kerviels déjà prêtés sans contreparties aux banksters, un autre gang sans foi ni loi, qui opère toujours en costard-cravate.

Pourtant le gang des bandits en auto avait su trouver les arguments larmoyants pour infléchir l’incorruptible Nicolas Sarkozy, et surtout faire de belles promesses qui avaient finalement emporté la décision :
– Ne pas fermer une seule usine en France pendant les 5 années du crédit
– Ne licencier aucun salarié en 2009.

L’année 2009 étant déjà entamée, la promesse ne semblait pas insurmontable : il fallait tenir 10 mois et demi, en ayant en outre le droit d’utiliser le chômage partiel.

Or ils n’ont pas tenu 10 mois et demi, ils ont tenu… Excusez-moi David, je n’arrive pas à trouver mes mots, c’est l’émotion : il ont tenu… 2 jours !

En effet, par un effet d’annonce dramatique, PSA vient d’annoncer une perte de 343 millions d’euros (un peu moins de 0.07 Kerviel) pour 2008, avec, je cite “l’obligation”, snif-snif, de se débarrasser, c’est trop horrible, de 11000 valeureux collaborateurs, dont plus de 6000 en France.

Exactement l’inverse des promesses de la veille, avant de décrocher le grisbi.

Vous savez à quoi ça me fait penser, David ? A mon gamin capricieux, qui a 3 ans. Quand il veut regarder Télétoon, il vient me voir tout câlin en disant : “je vais être sage, papa, j’te promets”. Comment résister ? Je lui mets donc la télé. Et en général quelques secondes après, il va balancer un jouet sur sa soeur… La seule solution dans ce cas : une bonne fessée ! Mais je m’égare, David, pardonnez-moi.

Oh bien sûr, PSA ne parle pas de “licenciements”, mais de “départs volontaires”. Qui peut en effet douter que des milliers de travailleurs en liesse, déjà étranglés par leurs salaires minables, amputés du chômage technique, et qui doivent rembourser le crédit de leur pavillon, de leur écran LCD, de leur Home Cinema et de leur frigo américain; vont allègrement se précipiter dans le chômage, sans espoir de retrouver un autre boulot vu la conjoncture ?

Ou alors le gang des bandits en auto va-t-il, suivant en cela une tradition française bien établie, demander à l’Etat de payer à sa place de coûteuses préretraites ?

Pourtant, lorsqu’on examine les comptes, on est en droit de se poser des questions. Cette perte financière est la première depuis 1997 ! Ce qui signifie 10 ans de bénéfices consécutifs. Vous voulez des chiffres ? Pas de souci, ils sont publics. Voici les bénéfices de PSA depuis 2003.

2003 : 1 milliard 497 millions d’euros
2004 : 1 milliard 646 millions d’euros
2005 : 1 milliard 29 millions d’euros
2006 : 176 millions d’euros
2007 : 885 millions d’euros

Addition : 5 milliards 233 millions d’euros en 5 ans !

Comment une société qui arrive à engranger une telle fortune (plus de 1 Kerviel) peut-elle hurler à la déconfiture quand elle perd 343 millions d’euros ? La cigale aurait-elle chanté tout l’été ?

Eh oui mon cher David, l’explication est là : comme toutes les entreprises capitalistes, PSA est rackettée par ses actionnaires. Au premier rang desquels la famille Peugeot, qui détient environ 30% des parts, et serait à la tête d’une fortune de plus de 4 milliards d’euros (les chiffres datent de l’an dernier, vu la déconfiture des cours de bourse, c’est sans doute un peu moins), et qui plus est délocalisée en Suisse !

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Car PSA a bel et bien distribué plus de 300 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires chacune de ses trois dernières années, et n’exclut pas de recommencer cette année ! Malgré les angéliques promesses de “modération” (vous entendez ça, David, comme si le capitalisme pouvait être modéré, elle est bonne, non ?) faites à Sarkozy.

Quant à l’autre gang de bandits en auto, dite “la bande de Billancourt”, qui avait réalisé l’an dernier un bénéfice, annonce un nouveau bénéfice de 437 millions d’euros, après s’être goinfré de 1 milliard 675 millions d’euros en 2007. Même le dernier trimestre 2008 à été bénéficiaire ! Tiens, y’a pas de raison, je me livre au même exercice qu’avec PSA :

2003 :     2 milliards 480 millions
2004 :     2 milliards 836 millions
2005 :  3 milliards 367 millions
2006 :     2 milliards 869 millions
2007 :     2 milliards 669 millions

Addition : plus de 14 milliards d’euros en 5 ans ! Dont plus de 1 milliard d’euros de dividendes pour les actionnaires (dont l’Etat, pour 15%) pour la seule année 2007 (883 millions d’euros en 2007 et 680 millions en 2006). Quels que soient les bénéfices, ces voraces d’actionnaires en veulent toujours plus !

Bon, ils vont se faire tintin pour 2008, puisque Carlos Ghosn (qui pour l’anecdote avait touché à lui seul plus de 7 millions d’euros (plus de 11 Vidsmics) a décidé de suivre les consignes de Sarkozy… Tout en annonçant 9000 suppressions d’emplois, la moitié en France, et tous de joyeux volontaires, bien sûr…

Précisons tout de même, mon cher David, que nos chères multinationales françaises ne sont pas toutes dans la mouise, puisque le bénéfice cumulé des 40 entreprises de l’indice CAC40 devrait être pour 2008 de 85 milliards d’euros, certes en léger recul par rapport aux 100 milliards de l’an dernier, mais pas de quoi pleurer dans les chaumières. D’autant que Total décroche le pompon, avec près de 14 milliards d’euros, record absolu de profits pour une société française, presque la moitié d’Exxon Mobil, le recordman mondial ! A ce propos, de bonnes âmes se sont répandues tout au long de la journée sur toutes les radios pour imaginer comment Total pourrait aider les entreprises en difficulté, et ce qu’elle pourrait faire pour dépenser ce tas insensé de pognon. Vous la voulez, la réponse ? Eh bien c’est simple, ils vont se la garder pour eux, se la partager entre actionnaires, et nous faire un gros bras d’honneur ! Inutile d’attendre autre chose d’une société capitaliste, dont le seul but est, faut-il le rappeler, de créer de la richesse pour ses actionnaires.

Je terminerai en rapportant les propos d’un obscur gauchiste, député français, un certain Yves Cochet, qui déclarait hier sur l’antenne de nos confrères de France-Info qu’au lieu de claquer des milliards pour que les patrons du “gang des bandits en auto” puissent continuer à se goberger à nos frais pendant que leurs salariés étaient plongés dans la misère, on ferait mieux de prendre acte du déclin inévitable de cette activité qui consiste à produire d’absurdes voitures individuelles à pétrole, et transformer ces usines en fabriques de moyens de transports et d’énergie alternatives : on pourrait donc y concevoir et y produire des trains, des métros, des trams, des bus, des vélos, des éoliennes… etc.

Mais c’est un utopiste, n’est-ce pas ? Hein ? Hein oui ?

A vous David, à vous les studios !

2 commentaires sur “Le gang des bandits en auto a encore frappé : 6 milliards de butin !

  1. Gilles

    Deux remarques betes et hors sujet.
    Très bien l’unité de mesure en Kerviel, j’aime bien.
    La fessé sur les enfants est un comportement que certains psychologues reconnus réfutent en bloc, car destructrice pour l’esprit en construction d’un enfant. Vous remarquerez que Supernany (quel référence!) ne l’utilise jamais. Voila pour la minute psycho.

    Sinon sur le vrai fond de l’article, je suis en parfaite adéquation avec ce qui est dit.
    bravo pour cet article qui en plus à de l’humour.

  2. Gérard

    Eh oui, c’est tous les jours les bouchons de champagne qui sautent dans les plus hauts étages des immeubles d’affaires et tous les jours aussi qu’un pauvre type se demande comment il va élever ses gamins parce qu’on vient de le foutre à la porte, ou trop vieux, ou trop cher, ou tout simplement de trop …

    Je me dis chaque jour aussi que ça va péter, que cela ne peut pas durer, mais si depuis des années c’est comme ça et la nation, abrutie par TF1, ne réagit pas ou presque … mais où donc sont passés les Lumières ? Passées sans doute !!

    Bravo pour votre article, dommage il ne fera pas la Une de la Une et des autres !!

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