Creys-Malville à Flamanville

Radieuse Bérézina… C’est toujours carnaval, farces et attrapes dans les hautes sphères de la République bananière française du nucléaire.

En 2013, il y a eu le « débat des sages » suivi au pas de charge en 2014 de la « loi sur la transition énergétique et la croissance verte » pour sanctifier l’atome dans le bouquet énergie de l’Hexagone. En janvier 2015, dans un one-woman-show, la poupée Monster High intronisée à l’écologie s’est déguisée en poupée Barbie d’Aréva pour annoncer par une pantomime casquée la relance du nucléaire en France. Pourtant, la conjoncture n’est plus à la fête, la Bérézina nucléaire ne peut plus être occultée et la catastrophe de Fukushima réaffirme l’urgence d’une sortie immédiate de cette imposture industrielle…

Trophée Plutonium pour Atomic Ségolène

Depuis le coup Borloo du Grenelle et ses permis de forer en douce pour les gaz de schiste on n’avait pas eu une prestation aussi dégradante au dit ministère de l’écologie.

Pour le cas Royal, l’Aspas, une association naturaliste, avait tranché lors de sa remise des trophées 2014. La ministre fut mise hors concours pour toutes ses basses-besognes contre la biodiversité et, pour finir son portrait dans le registre faunistique gravement sinistré, tombait l’ultime insulte pour les naturalistes « Royal pire que Bachelot » (1). Le triste sire pour décrocher le trophée de Plomb 2014 fut Mr Estrosi maire de Nice et son fanatisme anti-loup dans le parc Mercantour…

Mise hors concours et habillée dans le registre naturaliste… Mais là ne s’arrête pas le pouvoir de nuisance environnemental Royal. Pour toutes ses prestations toxiques en si peu de temps au service de l’atome, qu’il nous soit permis de lui attribuer le trophée Plutonium.

Métal, qui parmi tous les métaux lourds qui polluent irrémédiablement notre environnement, est, le plus lourd et le plus toxique, comme tout le monde le sait aujourd’hui. Dans la foulée des nominés aux trophées toxiques et à ce stade de déchéance avancée de l’écologie en France, la décence élémentaire voudrait pour plus de transparence que soit supprimé du ministère l’intitulé « écologie » afin de le rebaptiser de ce qu’il lui reste en explicitant: « ministère de l’énergie atomique et du développement durable de la Bérézina nucléaire française. » Grandeur et décadence d’un Empire…

Laissons Atomic-Ségolène dans ses sinistres pantomimes et intéressons nous à la Radieuse Bérézina nucléaire française…

Secret de Polichinelle « confidentiel défense »

Ce n’est pas encore tout à fait un secret de Polichinelle, mais ne sachant pas s’il est déjà sorti de la catégorie « Secret défense, » il nous faut rester prudent pour ne point connaître la mésaventure de Stéphane Lhomme.

Rappelons qu’en 2006 cet anti-nucléaire de la première heure dut subir les délicatesses de la DST avec garde à vue et perquisition de domicile, pour « compromission du secret de la défense nationale. » Son crime: avoir révélé un document classé « confidentiel défense. » L’EPR, « le réacteur le plus sûr au monde, » « la vitrine du savoir-faire » français, n’avait pas été conçu pour résister au crash d’un avion de ligne. Un 11 septembre nucléaire était possible en France… Cette vérité révélée venait quelque peu gâcher la fête tant attendue de la renaissance nucléaire dans l’Hexagone. Depuis la Bérézina historique de Superphénix à Creys-Malville, l’équipe de France de l’atome s’était reconfigurée pour gagner avec le grand projet de l’EPR. La langue bien pendue de Lhomme, porte-parole du réseau « Sortir du nucléaire », fut très mal venue à la veille de la première coulée de béton à Flamanville… L’Etat providence de l’atome avait vu rouge.

Aussi, pour ne prendre aucun risque, profitons-nous aujourd’hui de l’étroite fenêtre ouverte par la France s’érigeant en bastion de la liberté d’expression face au monde arabo-musulman pour dire qu’il n’y a plus de risque relatif au crash d’un avion de ligne. Disons le avec prudence, nous sommes peut-être déjà en train d’assister au crash de l’EPR lui-même. La vitrine, tête de série promotionnelle du nucléaire en France perd chaque jour de son lustre et semble plus que jamais inconstructible, confrontée aux exigences économiques des temps de crise.

Les 4 événements antinucléaires de l’après Fukushima

La Bérézina nucléaire s’accélère après Fukushima… Après cette catastrophe ouvrant la seconde décennie de ce siècle, on arriverait au quatrième évènement anti-nucléaire en moins de cinq ans. Précisons, le premier événement antinucléaire de niveau 7 fut la fusion de trois cœurs de réacteur à Fukushima. Les deux autres événements de niveau 7 sont les sorties du nucléaire de la troisième et de la quatrième puissance économique mondiale. Le 4e se profile, l’EPR avant même la divergence a atteint sa limite d’obsolescence. Michel Bernard s’interroge dans la Revue Silence: « Et si l’EPR ne démarrait jamais (2)? » Signalons pour mémoire le lapsus improbable d’un journaliste de la Tribune en novembre 2011: « En pleine polémique sur Flamanville, EDF se prépare à abandonner le modèle EPR… »

Lire aussi :  Qui a le pétrole et qui en a le plus besoin?

Le 5e événement antinucléaire serait la faillite d’Aréva, mais là il ne faut pas rêver avec la Pompe à Phynance et l’arbitraire de l’État Providence de l’atome, les contribuables seront mis à contribution… Si Aréva était le « climat », il y aurait longtemps que l’État l’aurait sabordé. Mais Aréva n’est pas non plus une banque, l’entreprise n’est pas seulement numérique et spéculative…

Avec l’accumulation sans fin de milliards de dettes pour des millions de tonnes de déchets radioactifs, elle pourrit avec une emprise mortifère sur l’espace et l’économie réelle… Des décisions chirurgicales énergiques doivent être prises… Aréva va mal, avec son chantier EPR interminable sur les bras et ses comptes plombés par des dettes se chiffrant entre 5 et 10 milliards. De la vitrine de savoir faire il ne reste plus qu’une décharge à ciel ouvert… Du jamais vue dans la République bananière, même les journalistes, sabre au clair, lancent une offensive à outrance pour une euthanasie médiatique en règle de préparation de l’opinion à la fin de l’Empire: « Aréva un Fukushima industriel », « Aréva victime de la folie des grandeurs », « Aréva: l’heure appelle un traitement de choc »(3)…

Mais passons. Les quatre premiers événements antinucléaires sont largement suffisants, ils plombent au plutonium l’avenir de l’ensemble de la filière… Malgré l’exacerbation de l’arbitraire, les pantomimes Royal et la perpétuelle faiblesse des groupes antinucléaires, ça va de mal en pis dans ce qui s’affirmait encore comme le noyau nucléaire de la « transition énergétique et de la croissance verte. »

En écho de la Bérézina Hexagonale, on a dans l’Empire du Soleil Levant la même mascarade. L’élite politico-polytechnique japonaise, plus nucléariste que jamais, n’est plus en mesure de réanimer son atome national. Là-bas aussi la classe politique est astreinte aux pantomimes patriotiques autour de feu nucléaire, celles spectaculaires du premier ministre restent, à ce jour, désespérément inefficaces…

Les quatre apories ou oxymores de l’atome

Cependant, la gravité de la Bérézina est plus globale et liée à des origines constitutives. Si les groupes anti-nucléaires peuvent revendiquer une part dans la décélération de l’atome, l’essentiel provient de ses tares intrinsèques constamment passées sous silence ou censurées par la rhétorique scientifique. Portée par un arbitraire du pouvoir sans faille frisant le fanatisme, l’industrie nucléaire est irrémédiablement rattrapée par ses inconséquences et atteint ainsi sa véritable transparence.

Les quatre oxymores refoulés de l’atome sont désormais au devant de la scène avec leur budget astronomique. Fukushima a pathétiquement illustré deux d’entre eux: « sureté nucléaire, » mission impossible et « gestion d’une catastrophe, » laissée en sous-traitance aux Yakuza, syndicats du crime au Japon. Le débat public en France sur le projet Cigéo a révélé l’oxymore de la dite « gestion des déchets radioactifs (4). » En Angleterre, le chantier de Sellafield, toujours au point mort tandis que son budget s’envole et frise les 100 milliards de dollars, révèle l’oxymore du « démantèlement des sites atomiques. » Là se situe la Bérézina nucléaire… Seule la sortie immédiate du nucléaire peut répondre à ces inconséquences intrinsèques sans solution…

Jonction neutronique dans les limbes

Superphénix en déconstruction à Creys-Malville et l’EPR en berne à Flamanville, la jonction toujours impossible entre les neutrons thermiques et neutrons rapides ne doit pas être oubliée. Elle participe en sourdine au tableau d’ensemble de la Bérézina scientifique et polytechnique en France. Prévue avant l’An 2000 puis reportée en 2025 puis encore reculée en 2050…

Au moment où les incertitudes s’accumulent sur la viabilité de l’EPR, il faut évoquer le précédent fiasco du Surgénérateur… Après une construction rapide, la machine qui allait permettre de « disposer d’autant d’énergie que l’Arabie Saoudite avec tout son pétrole » fut mise en service en 1984… Trois ans plus tard survenait le premier incident et le premier arrêt; puis les dix ans suivants furent une alternance d’incident-arrêt-redémarrage jusqu’à l’arrêt final en 1997. Martine Barrère, physicienne nucléaire, a décrit en direct la longue agonie du monstre technologique mais surtout l’état d’esprit des nucléocrates dominé par l’aveuglement, la fuite en avant et l’aventurisme en procédure collective de déni de réalité (2).

Dans le mythe de la « transition énergétique » purement atomique, l’EPR (à neutrons thermiques) réacteur vieux modèle rebaptisé pour la cause « réacteur de 3e génération » devait assurer la jonction avec les surgénérateurs (à neutrons rapides) rebaptisés « réacteurs de 4e génération. » Mais il semble que la machine de Flamanville veuille rejoindre dans les limbes celle Creys-Malville.

(1) Goupil Janvier 2015 n° 120
(2) Silence Février 2015 n° 431
(3) quelques titres récents du Monde.
(4) Jean-Marc Sérékian, « Radieuse Bérézina », Ed. Golias 2015. [à paraître]
(5) La Recherche, n° 203 octobre 1988, Martine Barrère « Surgénérateur à la dérive. »

JMS
Mars 2015

Image: www.crilan.fr

2 commentaires sur “Creys-Malville à Flamanville

  1. Guillaume

    Ce pavé est indigeste, c’est vraiment dur à lire. Le style est ampoulé et même un peu prétentieux. Les répétitions d’expressions y sont nombreuses (dix occurrences du mot Bérézina !)

    Je suis d’accord avec le fond, mais la forme me brouille l’écoute…

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