Le secteur privé pourrait financer la gratuité du transport public… en disparaissant

Est-ce que la communauté de communes d’Abbeville (32.000 habitants et 111 km²) sera le prochain territoire français à mettre en place la gratuité des transports publics urbains? Un article récent du Journal d’Abbeville le laisse supposer tout en livrant des informations récentes sur les pratiques actuelles dans le domaine du transport public urbain.

En effet, depuis de nombreuses années, on nous rabâche qu’il faut privatiser le transport public, ce serait même quasiment la seule manière de le sauver! Comme le disait Margaret Thatcher, « there is no alternative » (« il n’y a pas d’alternative »). Cette logique voudrait en effet que seul le secteur privé est en mesure de faire fonctionner de manière efficiente une activité économique donnée. Pour les tenants du néo-libéralisme, toute autre approche que la privatisation revient à générer des bureaucraties staliniennes inefficaces et couteuses pour la société.

Dans le domaine du transport public urbain, on a ainsi vu de très nombreux réseaux de transport autrefois gérés en direct par les villes confiés au secteur privé par le biais de ce que l’on appelle des « délégations de service public ». En gros, la municipalité confie à une entreprise privée la gestion d’une activité comme les bus et les tramways, entreprise qui se charge de tout en échange d’une redevance et, accessoirement, de la perception des recettes liées à la vente de tickets.

Or, on l’a vu dans le domaine de l’eau à de maintes reprises, la gestion par le privé n’est probablement pas une si bonne affaire que cela pour la collectivité.

Aujourd’hui, on découvre avec l’exemple de la communauté de communes de l’Abbevillois que reprendre la gestion des bus en direct, c’est-à-dire sans le secteur privé, permet de faire des économies substantielles…

La communauté de communes avait en effet confié, par un contrat de délégation de service public, la gestion et l’exploitation de son réseau de bus à la société Kéolis. D’une durée de douze ans, cette délégation s’achève le 31 décembre 2015.

Au 1er janvier 2016, il fallait donc prendre une décision, faire un nouvel appel d’offres vers le secteur privé ou reprendre la gestion en direct. Apparemment, la collectivité a fait ses calculs et arrive à la conclusion que reprendre la gestion des bus à son compte lui permet d’économiser… 530.000 euros par an. Bigre! On nous serine pourtant à longueur de journée que le secteur privé est le plus efficace et le plus efficient à moindre coût…

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Vous comprenez, la gestion en direct des bus par la collectivité, cela va encore être des fonctionnaires payés à rien faire, qui plus est des grévistes professionnels et sans doute tous de la CGT avec un couteau entre les dents! Bref, une bureaucratie inutile qui coûte trop cher à la société… Sauf que non, c’est bien le secteur privé qui pompe ici abusivement les finances publiques! Peut-être même une multinationale gavant de dividendes des actionnaires assoiffés de profits avec une calculette entre les dents!

En tout cas, c’est une bonne nouvelle pour Abbeville, se passer du secteur privé lui permettrait d’économiser plus d’un demi-million d’euros par an, ce qui n’est sans doute pas rien pour une communauté de communes de cette taille.

Dès lors, un problème se pose… Que faire de tout cet argent obtenu grâce à la collectivisation bolchévique du transport public urbain?

Il se trouve que les recettes commerciales liées à la vente de tickets de bus à Abbeville représentent 410.000 euros par an, soit un peu moins que l’économie réalisée en se débarrassant de la multinationale. En d’autres termes, la communauté de communes pourrait rendre les transports publics urbains gratuits tout en conservant un « bénéfice » de 120.000 euros…

En effet, pour le président de l’intercommunalité, Nicolas Dumont, « des questions peuvent se poser à l’avenir. Parmi elles, la gratuité des transports publics ne semble plus une utopie. »

Morale de l’histoire: pour le même coût, vous préférez des bus payants gérés par une multinationale ou des bus gratuits gérés par la collectivité?

livre-gratuitéMarcel Robert, auteur du livre « Transports publics urbains: Textes sur la gratuité« , 158 pages, 10 euros.

2 commentaires sur “Le secteur privé pourrait financer la gratuité du transport public… en disparaissant

  1. Vincent

    Y a-t-il quelque part une étude sérieuse (non partisane) sur le passage au gratuit des transports en commun?

    Incidemment, « entreprise publique » ne veut pas forcément dire « fonctionnaires » : l’État et les collectivités locales ne pourraient pas fonctionner sans tous ces employés en CDI/CDD et autres vacataires, qui sont indispensables pour assurer de la flexibilité… et un moyen simple de pouvoir virer les incompétents.

  2. Marco

    Il n’y a pas de recette miracle « toujours public! » « toujours privé! » « gratuit! » « payant! »

    À Abbeville ils ont choisi le bus gratuit et public: si ça fait dépenser moins d’argent, c’est la meilleure solution. À Aubagne, le bus et le tram sont gratuits et privés (c’est Transdev qui s’en occupe).

    Dans chaque cas il faut faire une étude, voir les avantages et les inconvénients, et décider quelle est la meilleure option.

     

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