Le véhicule autonome tue à nouveau

Gros titres : « Un véhicule autonome Uber tue une piétonne« . Non ! En vérité il s’agissait d’une usagère de la bicyclette, qui traversait la route en poussant un vélo chargé de sacs…

lun, 19/03/2018 – 21:17 – AFP

Un taxi autonome Uber a renversé et tué une femme traversant la route avec un vélo chargé. Elle s’appelait Elaine Herzberg, était âgée de 49 ans. Il s’agit du premier accident fatal impliquant une voiture sans conducteur circulant sur la voie publique.

Il s’agit du premier accident fatal impliquant une voiture autonome et un piéton. Dimanche soir, vers 22 heures (heure locale) dans la ville de Tempe, en Arizona (États-Unis), une femme traversant la route hors des passages protégés a été renversée par un taxi autonome Uber. Transportée à l’hôpital, elle a succombé à ses blessures. Une enquête a été ouverte par la police locale ainsi que la National Highway Traffic Safety Administration (agence fédérale en charge de la sécurité routière) et le Conseil national de la sécurité des transports (National Transportation Safety Board) pour connaître les circonstances de ce drame.

Selon Uber, « le véhicule était en mode autonome lors de la collision, avec un opérateur derrière le volant » lorsqu’il a heurté « une femme qui traversait en dehors des clous« . Celle-ci a été transportée à l’hôpital où elle est décédée, a précisé Uber.

Dans la séquence filmée par la caméra positionnée à l’extérieur du véhicule, on voit effectivement la victime, Elaine Herzberg, surgir de l’obscurité par la gauche. La chef de la police de Tempe a déclaré au vu des images « qu’il aurait été difficile d’éviter cette collision dans n’importe quel mode (autonome ou humain) en fonction de la façon dont elle est arrivée de l’ombre jusque sur la route ». Analyse contestée par des experts cités par Associated Press qui estiment que les capteurs de la voiture autonome Uber auraient dû détecter la piétonne en train de traverser.

Cette image montre une vue extérieure quelques instants avant que la voiture Uber ne frappe une femme à Tempe, Arizona (Service de police de Tempe via AP).

On remarque en effet sur les images que la femme évoluait dans une zone dégagée sur cette route à double voie. Or, les radars et Lidar qui équipent les voitures autonomes sont conçus pour fonctionner de nuit. La victime n’a pas sauté depuis le bas-côté de la route juste devant la voiture. Elle a traversé la voie sur plusieurs mètres avant d’être percutée. De surcroît, elle poussait un vélo chargé de sacs en plastique, créant une masse en mouvement assez importante.

Par ailleurs, la caméra située dans le véhicule montre que le conducteur de sécurité, censé pouvoir reprendre la main en cas de problème, ne regardait pas la route juste avant l’impact (photo du haut). Il lève les yeux au dernier moment et découvre horrifié que l’inévitable va se produire. Regardait-il son téléphone ? Était-il en train de surveiller des données sur le fonctionnement du système de conduite autonome ? Il est clair que dans ces conditions, il ne pouvait pas réagir de façon appropriée.

Les déclarations de la police suggérant que la voiture autonome était aussi impuissante que le conducteur sont hâtives. D’autant plus qu’une voiture autonome est justement conçue pour pouvoir mieux anticiper ce type de situation qu’un humain et éviter ce genre de drame.

« Nous collaborons pleinement avec les autorités locales dans leur enquête », a encore dit le service de réservation de voitures avec chauffeur (VTC), qui n’a pas donné davantage de détails. dans l’attente, Uber a toutefois décidé de suspendre son programme de voitures autonomes dans les villes de Phoenix, Pittsburgh, San Francisco (États-Unis) et Toronto (Canada).. Ils restent au passage particulièrement intéressés par les véhicule autonomes, car l’essentiel de leurs coûts passent dans la rémunération des chauffeurs.

N.B. : General Motors a demandé récemment l’autorisation aux autorités américaines de tester une voiture sans volant ni pédales dans le cadre de son programme de développement d’un véhicule autonome qu’il veut mettre sur les routes en 2019.

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Ce n’est pas le premier accident impliquant un véhicule automatisé.

Paradoxe, les défenseurs de la conduite autonome estiment que cette technologie peut diminuer le nombre d’accidents, précisément parce que les machines seraient plus fiables qu’un humain. Mais cet accident devrait venir renforcer les interrogations quant à la sécurité des voitures autonomes, d’autant que l’événement de lundi n’est ni le premier incident, ni le premier accident mortel impliquant un véhicule ayant des fonctions de ce type.

Il s’en est produit un sans gravité en mars 2016 avec une voiture autonome de Google. Plusieurs Tesla, dont les conducteurs utilisaient le système de conduite assistée Autopilot, logiciel qui permet un certain nombre de manoeuvres sans l’intervention du conducteur, ont également été impliquées dans des collisions.

Un automobiliste américain d’une quarantaine d’années avait lui trouvé la mort en 2016 alors qu’il conduisait une berline Model S de Tesla équipée du système Autopilot. Le NTSB avait alors estimé que le système était en partie responsable de l’accident et n’aurait pas dû être utilisé sur la route où était survenu l’accident parce que celle-ci n’était pas adaptée à cette technologie. La « trop grande dépendance » du conducteur à Autopilot « a entraîné un désengagement prolongé » ayant conduit à la collision, avait simplement conclu le NTSB.

Autopilot « n’est pas une technologie de conduite autonome » et « les conducteurs doivent rester attentifs à tout moment pendant la conduite », avait alors plaidé Tesla.

Uber n’est pas non plus en reste. L’année dernière, en mars, l’un de ses SUV Volvo XC90 autonomes avait percuté une autre voiture avant de basculer sur le flanc. Un autre choc s’est produit la semaine dernière à Pittsburgh, là encore sans gravité.

Hasard du calendrier, c’est le jour même de la publication des conclusion du NTSB au sujet de l’Autopilot Tesla que l’administration Trump avait autorisé plus de tests de voitures autonomes sur les routes, estimant que cette technologie pouvait, outre le fait de réduire les accidents, aussi améliorer la mobilité des personnes âgées, handicapées et autres personnes isolées. Une aberration pour l’association des défense des consommateurs Consumer Watchdog : « C’est une feuille de route autorisant les constructeurs à faire ce qu’ils veulent, quand ils veulent et où ils veulent, faisant de nos routes des laboratoires privés pour des voitures robots sans aucune considération pour notre sécurité », avait alors réagi l’association.

Preuve de l’enjeu économique énorme de la voiture autonome, un procès pour vols de technologies entre Uber et Waymo s’est soldé début février par un accord amiable à près de 250 millions de dollars. La filiale de Google réclamait jusqu’à deux milliards de dollars à Uber, l’accusant de lui avoir volé des brevets portant sur le développement des voitures autonomes.

Conclusion personnelle : Il est malheureusement peu probable que le drame du 18 mars mette un coup d’arrêt à la merveilleuse voiture autonome criminelle. Tout au plus les éminents philanthropes dont les compagnies humanistes ont pour seul objectif de s’en mettre plein les fouilles avec ce marronnier technologique feront le dos rond et la bouche en cœur en penchant la tête -tel le loup pour montrer qu’il est bon- devant les pouvoirs publics. D’aucuns parlent même de « l’Appolo I de la voiture autonome ». Il semble qu’on ne soit plus ni à une connerie de verbiage, ni à une mort près.

Je reste persuadé que seul le très prochain « Peak Everything » fera revenir tout ce beau monde sur la terre ferme… En attendant, ce joyeux abandon de la raison aux considérations « technicistes » fait froid dans le dos.

A bon entendeur !

5 commentaires sur “Le véhicule autonome tue à nouveau

  1. Pierre Virlogeux

    Bonjour,

    C’est pas gagné pour la voiture autonome sur la voie publique. Par contre en site propre cette technologie est au point. Il y a actuellement près de 1000 km de métro automatique dans le monde dont certains fonctionnent depuis 30 ans environs (la ligne A de Toulouse est en service depuis 1993 et celui de Lille a été mis en service avant mais je ne connais pas la date exacte) et il n’y a pas eu à ma connaissance d’accidents mortels il y a parfois des pannes mais pas d’accidents mortels. L’environnement de la route est bien plus complexe qu’une voie en site propre ou il n’y a aucun obstacle imprévu. Comment réagirait une voiture autonome en cas de traversée d’un sanglier sur l’autoroute (ne riez pas, c’est arrivé sur l’autoroute Toulouse Albi et je crois que l’accident a hélas été mortel) ? Certainement pas mieux qu’un conducteur. Par contre, ça pourrait être utile pour piloter des petits trains à faible capacité mais à fréquence à élevée sur des lignes de chemin de fer dans des zones rurales qui sont actuellement abandonnées. Voir avec ce type d’engin :

    https://www.youtube.com/watch?v=vd_VYjANi7M

    https://www.youtube.com/watch?v=rnCUEeTE_p8

    https://www.youtube.com/watch?v=r98GS4LAIl0

    Sur les vidéos il y a un conducteur mais on peut imaginer que ce type de véhicule soit automatisé avec des détecteurs d’obstacles sur la voie qui devrait être grillagée pour éviter des intrusions de gros animaux sauvages ou de bétail. on peut même rêver avec une plate forme à niveau pour les vélos les chariots pour handicapés poussettes ….

  2. Vince

    Ce qui embête beaucoup les concepteurs de voitures autonomes est que le système qui les fait fonctionner est basé sur le deep-learning : l’auto-apprentissage par grande accumulation de données. Essai-erreur etc..

    On tue mais ce n’est pas grave on apprend : on tuera moins la prochaine fois. Bah oui mais….

    Tant que la voiture autonome n’aura pas été confronté à tous les cas de figures possibles et imaginables, ce qui n’arrivera jamais, il y aura un risque inconsidéré d’accident.

     

     

     

     

     

  3. JMB

    J’aime bien :

    « on voit effectivement la victime, Elaine Herzberg, surgir de l’obscurité par la gauche »

    Pourtant, ce n’est pas parce que l’image de la dash cam est très foncée qu’il faut en déduire que la rue est sombre :
    https://arstechnica.com/cars/2018/03/police-chief-said-uber-victim-came-from-the-shadows-dont-believe-it/

    D’autre part, avec moins de capteurs et la présence d’angles morts, forcément, ça n’aide pas :
    https://ca.reuters.com/article/businessNews/idCAKBN1H337Q-OCABS

    — JM

     

  4. jol25

    On a déjà aujourd’hui les « simples » capteurs de proximité perturbés par la neige/glace/saleté. Comment le véhicule « autonome » gère cela ? Un véhicule autonome n’aurait de sens que sur des voies dédiées (type autoroute) où les interactions sont limitées, et, dans ce cas quel intérêt, par rapport au train ? Quant au conducteur, proposer cette solution et lui demander de rester attentif est aussi débile que de mettre des connexions bluetooth dans les voitures actuellement, tout en interdisant téléphone ou kit main libre par ailleurs.

  5. Moimoi

    Pour Vince :

     

    Il faudrait faire tourner cela dans une simulation de la réalité d’abord mais bon mais c’est hyper chaud et puis les actionnaires kiffe l’argent facile !

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