Grand Débat… sur la gratuité du transport public

“Gratuité des transports publics”, “bus gratuits”, “transports en communs gratuits pour tous”: voilà l’une des propositions qui remonte dans les contributions au site du grand débat national, parmi des milliers d’autres sujets. Les transports publics urbains gratuits, pour inciter par exemple les citoyens à moins prendre leur voiture et rendre les déplacements plus “verts”. Permettre aussi un accès à la mobilité, aux déplacements, plus abordable voire donc carrément gratuit. Une mesure qui pourrait en partie répondre à l’enjeu de pouvoir d’achat et au coût de l’essence, élément déclencheur du mouvement des “gilets jaunes”.

En France, plusieurs villes ou agglomérations ont fait ce choix, d’autres y pensent sérieusement, y compris en Île-de-France.

Qu’en disent les contributeurs du grand débat ?

Cette proposition est majoritairement faite dans deux catégories du site internet granddebat.fr : “transition écologique” et “organisation de l’État et des services publics” à plusieurs centaines de reprises, environ 500 messages (au 6 février 2019), et sous des intitulés très divers. “Rendre les transports publics gratuits incitera les gens à laisser leurs voitures au domicile” explique par exemple BS. Les citoyens estiment notamment que la gratuité pourrait “faciliter l’accès aux transports en commun” et “réduire la pollution de l’air”. Charlotte estime quant à elle que cette mesure peut coûter cher mais qu’il est nécessaire de l’étudier : il faut selon elle s’inspirer des communes comme Dunkerque. Mais “tant qu’il faudra trois fois plus de temps en bus qu’en voiture, la voiture sera privilégiée” regrette un autre contributeur.

Sur le site du « grand débat », plusieurs centaines de personnes proposent de rendre les transports publics gratuits.

Lire aussi :  Projet de “Hummer vert”

Source: https://www.franceinter.fr/societe/zoom-sur-une-contribution-du-grand-debat-transports-en-communs-gratuits-pour-tous

Photo: Compiègne fait partie de la quarantaine de villes a avoir rendu les transports gratuits. © Maxppp /

10 commentaires sur “Grand Débat… sur la gratuité du transport public

  1. pedibus

    “tant qu’il faudra trois fois plus de temps en bus qu’en voiture, la voiture sera privilégiée”

    Là est bien la difficulté…

    Déjà avec un budget à prévoir d’une centaine d’euros par mois pour une formule d’abonnement TER + transports urbains en Gironde, beaucoup de communes (de l’aire urbaine bordelaise) de ce département qui bénéficient d’un arrêt sur leur territoire connaissent une part modale des transports en commun ridiculement faible, voire nulle, chez les salariés ayant le job à l’extérieur… Enregistra-t-on un changement avec la gratuité instaurée…?

    Les économistes du transport parlent de BTT, budget-temps-de transport. Lequel serait de 71 minutes dans les grandes agglomérations, jusqu’à 77 minutes pour les agglos sous influence métropolitaine (1). On est un peu revenu sur cette constante mondiale de BTT « découverte » par Zahavi (2), avec une réalité locale un peu plus complexe et des comportements qui changent avec la durée (3). En France, dans les villes moyennes, comme dans les grandes agglomérations, un habitant sur six passerait plus de deux heures par jour dans les transports : ils constituent le groupe des « grands mobiles » (4). Je ne peux mentalement m’empêcher de penser aux grands invalides et leur place réservée dans les transports en commun… : quand on aura suffisamment investi dans le foncier et l’immobilier au sein même des agglos on n’aura peut-être plus à déplorer leur existence, sans doute, avant la St-Glinglin faut-il espérer.

    Pour en revenir au BTT, Zahavi et tutti quanti, les déplacements de la vie quotidienne se feraient à budget-temps constant – avec les réserves énoncées plus haut -, avec une portée spatiale fonction de la vitesse du mode de déplacement. D’où la responsabilité d’un système automobile à infrastructures dédiées pour la faciliter dans le phénomène de l’étalement urbain, et la nécessité de cesser d’investir là-dedans puisque l’objectif ne peut être atteint du fait de la thrombose circulatoire qui s’aggrave avec le temps (Bordeaux quatrième ville embouteillée de France si on en croit le tam tam de 2016 de Tom Tom…). Ce budget temporel doit intégrer tous les moments « stériles », comme par exemple les temps de battement pour ceux qui renoncent à l’automobile et doivent se confronter aux correspondances, même en mettant de l’huile dans les rouages – avec un vélo pliant en particulier, pour faire face aux horaires ou  la géographie hostiles -, ou encore au temps perdu dans les embouteillages pour les motorisés.

    Et on en vient à une autre difficulté : comment sont appréciées ces pertes de temps? De façon identique qu’on soit automobiliste ou carfriste, jeune ou vieux, pauvre ou riche, aujourd’hui ou demain, suivant qu’on  pourra « valoriser » ces trous, par exemple avec le ouifi généralisé dans les transports en commun…? Et n’approchons-nous pas du terrain mouvant idéologique, qui se prête mal aux sorcelleries de la science dure (mon culte ouais… ) de l’économie et sa supercherie qu’est l’économétrie, avec les croyances et les choix fluctuants, tant pour les adeptes de Ste-Gnognole que pour ceux qui attachent de la valeur aux impératifs socio-environnementaux…? Si on croaaaaaaaaaaaa au changement, qui pourrait surgir du côté de la « génération millénium »(5), avec une dévalorisation de l’objet bagnole,  il semblerait qu’il faille attendre encore un peu… : mettre une croix sur le grand Y.

     

     

    (1)D’après une base unifiée 2009-2014 des enquêtes ménages-déplacements pour les populations résidentes de 11 ans et plus ; in Cerema, Mobilité dans les villes moyennes. Trois échelles territoriales d’analyse, 2019, p. 18.

    (2)ZAHAVI Y., A. TALVITIE, 1980, Regularities in travel time and money expenditures, Transportation Research Record, n°750, pp. 13-19.

    (3)Yves Crozet, Mobilité, temps de transport et investissements, Annales des Mines – Réalités industrielles, 2018/2 Mai 2018 | pages 12 à 15.

    (4)Ravalet E., Vincent-Geslin S., Kaufmann V., Leveugle J.,Tranches de vies mobiles, Éd. Loco, 2014.

    (5) http://www.leparisien.fr/magazine/grand-angle/entre-l-auto-et-les-francais-tout-roule-02-06-2017-7002858.php

     

  2. vince

    On parle du temps comme si il fallait le gagner, en perdre le moins possible (pour en faire quoi d’ailleurs), comme si tous les temps se valait.

    Seulement le temps passé dans les embouteillages est nocif (stress), mais pas la marche! On vit plus longtemps avec 10.000 pas.

    La marche ça va bien avec les transports en commun  : se rendre à la station etc..

     

    Je gagne du temps en voiture pour en faire quoi ? Pour aller marcher pour être en bonne santé ? Absurde.

  3. Tom70s

    C’est contradictoire de demander moins de taxes et en même temps des transports gratuits!
    S’ils sont gratuits ils seront payés à 100% par nos impôts, alors qu’aujourd’hui une partie est payée par l’usager, et une partie également par l’employeur.

    Ce n’est pas le coût qui empêche les automobilistes de passer aux transports en commun. En Ile-de-France, l’abonnement annuel revient à 70€, dont la moitié remboursée par l’employeur, soit 35€.
    Une voiture coûte environ 200€ par mois.

  4. vince

    On ne s’attarde jamais sur le coût de l’automobile pour la collectivité qui est financé également par nos impôts mais dès qu’il s’agit de la gratuité des transports publics là tout le monde sort le drapeau rouge.

    On vous explique que c’est un choix politique et non un choix économique.

    Mais si on voulait chercher dans le détail, pas sûr que la voiture soit plus économique pour nos impôts.

  5. pedibus

    …la bagnole c’est une belle rente pour l’Etat en causant « Quarante millions de pétainistes »… ! je veux dire une rente négative, avec toutes les externalités négatives que ce mode de transport et son système génèrent, prises en charges pour l’essentiel par les budgets sociaux, au nombre desquels – partie immergée du glaçon kilométrique… – figure la santé :

    – la seule pandémie d’obésité liée à l’inactivité physique, avec ses co-morbidités : les classes d’âge de moins de 25 ans sont particulièrement concernées ;

    – la mortalité prématurée ou surmortalité chez les seniors, quatrième âge en particulier, due à un abandon de la marche du fait de l’environnement urbain rendu hostile – qu’on pense au seul stationnement automobile sur trottoir, massivement pratiqué, platoniquement contrôlé -, ce qui engendre une perte d’autonomie par la coupure des seuls réseaux sociaux latents qu’offre une promenade dans la rue, laquelle est l’amorce de la spirale du déclin accéléré et de la mort sociale puis biologique ;

    – la grande question de santé publique des affections mentales : relégations dans le « périr-urbain » ou les banlieues, coupures urbaines, environnement urbain sensible infecte… autant d’ingrédients poussant au repli sur soi ;

    – et bien sûr la qualité de l’air.

  6. Bernard

    Tous les arguments ci-dessus sont valables pour  (peut être) inciter les bagnoleux à moins rouler en teu-teu. Si leur faire « peur pour leur état de santé » fonctionne, tant mieux.

    Mais je connais des bagnoleux qui font des dizaines de km avec leur caisse pour marcher quelques km dans la campagne, ou faire une partie de tennis.

    La gratuité des TC peut inciter à les prendre plus (dans mon cas perso d’urbain Lyonnais sans voiture, ce serait sans doute vrai : je marcherai et Velo’verai donc moins. Pas bon pour ma santé !).

    Mais il n’est même pas dit que la gratuité incite beaucoup d’automobilistes (CSP + qui ont conçu leur mode de vie sur la bagnole, avec villa confortable dans des banlieues mal desservies par les TC) à basculer sur les TC « des pauvres ». J’ai même un gros doute.

    La gratuité diminue à coup sûr les recettes de l’Autorité organisatrice des transports. Rien ne dit qu’elle arrivera à compenser suffisamment par rentrées fiscales ou assimilables. Csq :  le matériel roulant et fixe sera moins renouvelé, moins bien entretenu, il se détériorera progressivement et cumulativement. => Qualité et quantité de service baisseront, alors que la fréquentation augmente du fait de la gratuité.

    Résultat : Davantage de gens dans des métros, trams et bus de plus en plus minables.

    Les premières victimes de la détérioration des TC seront les pauvres,  parfois déjà ghettoïsés dans des quartiers mal foutus, et qui n’ont pas les moyens financiers de passer à la motorisation (voire la multi-motorisation) privée.

    C’est eux qui s’entasseront davantage dans des TC gratuits, mais de plus en plus dégueulasses. Où est le gain ?

    Les CSP+ continueront à rouler dans leurs multiples, belles et polluantes voitures.

    (on peut faire le parallèle avec l’éducation : quand le niveau de l’école publique gratuite baisse par manque de moyens, ceux qui le peuvent collent leur gosses en école privée payante).

     

  7. vince

    Pourquoi faire des suppositions alambiquées qui n’ont pas encore eu lieu.

    Les routes sont gratuites et pourtant elles sont entretenues (quoique), refaites, agrandies, des projets faramineux sont en cours sur l’argent public : c’est une question de volonté politique.

    Si on ne prends pas les mesures sous prétexte qu’elles ne convainquent pas les csp+ on ne fera rien car on ne convaincra JAMAIS tout le monde d’abandonner son fauteuil chauffant et vrombissant.

    On ne peut QUE contraindre et limiter la pratique.

    On pourrait tripler le coût déjà exorbitant de ce hobby qu’il se trouvera encore nombre d’adeptes.

  8. Bernard

    Je suis d’accord, @Vince : La gratuité des transports publics ne fait pas partie des mesures qui peuvent convaincre en masse d’abandonner son fauteuil chauffant et vrombissant.

    Il faut pour ça leur limiter la voirie disponible, taxer, interdire le passage …

    Réserver de la place aux TC en l’enlevant aux VP, ça va dans le bon sens. Si au lieu d’être embouteillé dans une marée de bagnoles un bus ou car roule librement sur la chaussée prise à ces bagnoles, il devient productif et attractif.

    Il faut pour ce qui précède de la volonté politique, … et de l’investissement pour rehausser la qualité et quantité d’offre TC. Surtout ne pas réduire la capacité d’investissement en renonçant aux recettes apportée par les clients.

     

  9. Yan

    La charrue avant les boeufs, comme toujours…

    Il n’est certes pas inutile de s’emparer de cette problématique, mais il faut avoir conscience que la plus vertueuse des politiques des transports ne peut que mal réussir tant nos urbanismes et aménagements du territoire sont d’une bêtise navrante ; dédier à ce point les zones géographiques à des fonctions exclusives – ici l’on réside là on consomme là-bas on travaille…-  oblige à d’innombrables déplacements… Qu’ils soient effectués à vélo ne change « rien » à l’affaire…

    Néanmoins et comme l’urbanisme d’aprés-guerre a été « pensé » (un bien grand mot…!) pour permettre la généralisation de l’usage systématique de l’automobile, on peut peut-être mettre…lacharrue avant les boeufs..!

  10. pedibus

    https://www.urbislemag.fr/dunkerque-la-gratuite-bouleverse-les-habitudes-billet-538-urbis-le-mag.html

     

    Progression époustouflante de la fréquentation à Dunkerque d’après l’article d’avant-hier… Reste à connaître le report modal : il faudra patienter jusqu’à septembre prochain. Dès lors on verra si Frédéric Héran* est dans le vrai quand il prétend que la gratuité des transports urbains est coûteuse et inefficace, ne siphonne pas ou peu la part modale bagnole.

    *Par exemple ici au sujet des cyclistes :http://heran.univ-lille1.fr/wp-content/uploads/Gratuite%CC%81-TC-ve%CC%81lo.pdf

     

     

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