À bas la voiture…vive le vélo !
Par Caroline Granier
La voiture n’est pas simplement un moyen de locomotion, comme certaines personnes particulièrement naïves pourraient le penser. L’invention de la voiture n’a pas non plus été un pas de géant sur le chemin du progrès, comme les publicitaires voudraient nous le faire croire.
Non, la voiture est un instrument de pouvoir et de destruction. Elle est l’ennemie des hommes : non seulement parce qu’elle les tue (piétons imprudents, passants distraits, victimes des meurtriers ordinaires, les chauffards), mais aussi parce qu’elle les déforme, les défigure, les nie : un homme au volant n’est plus un être humain.
Prenez un homme ordinaire, pacifique, réservé et habituellement calme. Mettez-lui entre les mains un volant et sous les pieds une pédale. Jetez-le dans un embouteillage, mettons par exemple le périphérique à six heures du soir. Regardez-le… Vous ne le reconnaissez plus ? Et pourtant c’est lui, cette brute inhumaine, le teint livide, interpellant les autres automobilistes à coup d’insultes obscènes et hargneuses… Il vous fait peur ? Ajoutez-lui un portable, vous multipliez par trois son pouvoir de tuer. C’est comme si vous donnez un revolver à quelqu’un… Rares sont ceux qui vont refuser de s’en servir.
Réjean Ducharme, un écrivain québécois, a particulièrement bien analysé ce processus qui transforme l’humain en automobiliste. D’ailleurs, il propose de ne plus dire automobiliste, mais automobile, tant il est vrai que tout conducteur fait corps avec son véhicule :
« Quand je dis automobiles, je veux dire automobilistes ; l’automobile et l’automobiliste font partie d’une seule et même chose : l’automobile. »
« On n’a pas une automobile ; on est une automobile. »
« On ne peut pas naître automobile : on devient automobile, tout à coup. »
(Extraits de : Le Nez qui voque, NRF, Gallimard, 1967)
Pour finir, voici un poème que compose le narrateur du roman de Ducharme :
Les automobiles
Sur le chemin des édicules,
Passent des hommes et des femmes
Greffés avec des véhicules
Qui éteignent le sang et l’âme.
Il passent en automobile,
Ces hommes fous, ces femmes folles.
Et ils se croient, hélas, habiles
De ne vivre que de pétrole.
Ils ne parlent pas, ils klaxonnent.
Et ils ne marchent pas : ils roulent.
Vu qu’à deux jambes, je fonctionne,
Ils rient ; ils me traitent de poule.
Ils sont jaunes, ou verts, ou noirs.
Entre eux, point de ségrégation :
Ils bougent entre les trottoirs
Côte à côte et à l’unisson.
Soyons vigilants !
Mais que faire, me demanderez-vous, si nous ne voulons pas devenir, à notre tour, des « automobiles » ?
La réponse est simple : soyons des cyclistes ! Le cycliste est le contraire de l’ « automobile » : même sur son vélo il conserve tout son libre-arbitre, il peut s’arrêter lorsqu’il le veut, se garer où bon lui semble… Il ne menace pas constamment la vie de ses voisins. Il est à l’écoute du dehors : au lieu de se blinder peureusement en s’entourant de tôle, il se plonge courageusement dans son environnement – qu’il évite par ailleurs de polluer. Il perd rarement le contrôle de soi, et se laisse guider par deux principes : la liberté et le respect d’autrui.
On voit donc que le choix d’un moyen de transport est avant tout un choix de vie : un état d’esprit.
Refuser la voiture, c’est refuser un mode de vie qui nous rend dangereux (pour nous-mêmes, pour les autres et pour l’environnement), c’est vouloir une vie autre que celles que nous proposent les publicitaires et que nous impose la société moderne.
Ce n’est pas seulement avec des mots qu’on change la société…
À tous ceux qui prônent l’individualisme, le communisme, l’écologisme… etc…
… je réponds : le cyclisme !
Caroline Granier