L’automobile n’est pas, contrairement à ce que voudraient nous vendre les tenants d’un système, l’aboutissement d’une vie sociétale, mais, bien au contraire, un outil d’individualisation, de repli égocentré voulu par un système capitaliste pour se déresponsabiliser d’une société inhumaine et faire porter à l’individu le sort monté par eux qui l’attend.
Cette société marchant tête bêche sert justement au maintien d’un système hallucinant qui privilégie la continuité d’une destruction qu’ils voudraient « naturelle », qu’ils tentent depuis fort longtemps de « darwiniser », laissant penser que le maintien de l’ensemble de la population sous le joug d’une ultra minorité possédante serait dans l’ordre des choses, cette ultra minorité étant, selon leurs dire même, naturelle et issue d’une domination des élites, bien mieux pourvues que le commun des mortels pour affronter le monde tel qu’il est (cf déclarations de Margareth Tatcher sur la société, qui non seulement prétend que la suprématie de l’élite serait « naturelle », du fait d’une supposée supériorité morale et psychologique de cette élite, mais aussi que la société n’existerait pas, et ne serait, en fait, qu’une somme d’individus seuls responsables).
Pour justifier ce monde et le maintien des élites, il leur est nécessaire de favoriser l’individualisme afin de briser les tendances révolutionnaires d’une société humaine dans laquelle, pour reprendre les dire même d’Adam Smith, l’individu tendrait à favoriser, par son action, son capital propre dans un respect philosophique du sentiment moral et du capital de l’autre.
Cet individualisme tend, pour reprendre le sociologue Durkheim, à produire l’impression que chaque individu est l’entier responsable de sa propre existence, enjeu idéologique essentiel pour le capitalisme, pour effacer totalement sa responsabilité historique dans l’organisation sociale basée non pas sur une responsabilisation de chacun, ce que tendrait à faire croire cette idée d’individualisation de la société, mais, bien au contraire, sur un rapport de force, de dominant/dominé qui cherche à effacer sociologiquement et économiquement la responsabilité de la société pour affaiblir, et donc dominer, les éléments humains qui forment la société.
Cette individualisation sert, en fait, à casser l’individu pour l’isoler, à favoriser le pouvoir disciplinaire imposé à cet individu et à justifier la légitimité de l’oligarchie. Et elle nourrit, par la compétition entre les individus qu’elle sous-entend, la névrose collective qui nous ronge, ainsi que le rejet de l’autre, même proche, qu’elle favorise, nous isolant toujours plus, même lorsque nous sommes entourés, par un phénomène de défiance et de méfiance.
La société de consommation qu’on nous vend va, elle aussi, dans ce sens, par ses modes de communication imposés (préférence du téléphone à la conversation dans les lieux publics, par exemple) mais aussi par ses modes de transport favorisant, là encore, l’individualisme, et le poussant même jusqu’aux limites du ridicule quand la préférence au mode de transport individualisé, plus communément appelé automobile, est préféré aux transports en commun qui, pourtant, sont bien plus pratiques dans le quotidien de notre société puisqu’ils ne favorisent pas, contrairement à l’automobile, l’engorgement des cités, des rues, des trottoirs, et le stress lié à ces engorgements.
Ce mode de transport nous isole du monde extérieur, de l’autre, nous conforte dans ce sentiment de combat nécessaire pour se faire une place dans la circulation, sur le trottoir pour se garer, mais il permet aussi, au quotidien, d’exacerber la compétition entre individus aussi par l’appropriation de l’espace public qu’on retrouve non seulement lorsque l’individu travaille, mais aussi lors de ses loisirs, ou lorsqu’il part en vacances.
Même la ballade hebdomadaire, à bord du petit 4×4 pour « découvrir le haut des collines » n’est, en fait, que l’appropriation de cette colline, que l’expression du refus fait à l’autre de pouvoir, lui aussi, profiter des charmes de la nature, de pouvoir faire de ce lieu un lieu de coexistence et de partage.
Et cet état d’esprit n’est, en fait, que le prolongement de l’individualisme forcené qu’on nous impose et sert, surtout, de justification à tous les abus que se permettent ceux qui, réellement, nous exploitent. « Puisque vous avez le droit de vous approprier ce petit bout de terre pour votre week-end en famille, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, nous approprier cette terre, d’autant que nous sommes moins individualistes que vous et que nous ne voulons, en fait, qu’y construire une usine vous permettant d’avoir votre 4×4… »
Et votre petit 4×4 est alors construit dans une usine bâtie sur des terres qui ont été volées à ceux qui y vivaient depuis, pourtant, des décennies (l’exemple de l’usine Tata, à Singur en Inde, est éloquent)… Mais puisque ce n’est pas vous, qui êtes chassés, et qu’on vous permet, grâce à la spoliation de centaines de personnes, de profiter de votre plaisir égoïste…
Merci pour ce bel article, Joshua ! Ah, elle est belle, la colline des goupils…
Contrairement aux routes, où on est tassé, tous ensemble, mais tellement isolé, avec une radio qui nous fait la conversation, la taule qui nous protège, pas de l’accident, mais de tout contact avec nos congénères, de tout partage, la voie cyclable est un lieu de mélange, de repos malgré l’utilisation de nos jambes pour se mouvoir (curieuse façon d’avancer, non?), j’ai le plaisir d’emprunter régulièrement une voie cyclable, où on y trouve piétons, joggers, rollers, chiens, des enfants sur leur tricycle, tous à des vitesses différentes, les gens sont plus détendus, n’ont pas peur de croiser le regard de l’autre, on se double mais sans aucune compétition, chacun son rythme. Il y a bien sur une ligne blanche au milieu (les dessinateurs avaient surement une voiture dans la tête) qui ne sert à rien, personne ne la voit, ce qui compte, ce ne sont pas les règles, mais le partage d’un lieu, d’un moment de liberté, jamais d’accrochage, jamais d’engueulade, et pourtant pas de policiers pour faire régner l’ordre et la discipline. L’ordre et la discipline n’existe pas sur ces quelques kilomètres de circulation autogérée, ce qui assure bien être physique et mental.
Et à vélo, on est aussi rapide qu’une voiture, et plus rapide aux heures de pointe, mais finalement on s’en fout, on est pas pressé, on est en plein air, pas dans une boite de métal.
Je n’ai qu’un conseil, ouvrez la cage aux oiseaux, vous êtes votre propre geolier, il ne tient qu’à vous de vous libérer. La liberté, le regard des autres font peur, franchissez le pas, affranchissez vous de votre individualisme, de votre culte à la technique, vous en serez le premier gagnant, et l’ensemble de la planète y gagnera un peu.
Viva la Velorucion!
bon… alors je me dois de dire que ce billet n’est qu’une humeur (quoi que), un instantanné en réaction à certains trolls présents sur Carfree, mais aussi à un truc entraperçu sur « l’humeur des conducteurs », truc qui, bien entendu, oubliait, de mon point de vue, l’essentiel !
Toutefois, et même si je ne veux pas facher Baille (de toute façon, aucune raison, sur le fond, je suis, moi aussi, assez fréquement un adepte du deux roues, quand la distance ne permet pas à mes jambes de suffir au déplacement), je voudrai apporter un léger bémol à la fin de son commentaire…
Le vélo, tout comme l’auto, n’est qu’un moyen de transport, pour moi, une façon de me rendre d’un point A à un point B (vous énervez pas, j’y reviens plus loin). Si je suis d’accord sur le fait que le stress ressentit à vélo n’est pas celui d’un automobiliste, je dois avouer que, pour ma part, le temps que mettra ce moyen pour m’amener d’un point à un autre m’est totalement égal ! Je n’ai pas de montre, et ne me filez pas de rendez-vous à telle où telle heure, m’attendant au son des cloches, vous seriez contrits de me voir arriver soit avec 30 minutes de retard, soit avec 30 minutes d’avance (me trouvant assis par terre à lire un bouquin où à discuter avec un quidam qui aura accepté de soutenir mes élucubrations -et pourtant je m’appelle pas Antoine-)…
On retombe, dans ce phénomène pressant, dans ce que cette société a de pire ! Avec l’individualisme, cette sanctification de l’horloge me fout, elle aussi, dans une colère noire (remarquez, j’aime assez cette couleur) ! Rien ne m’énerve plus que de devoir suivre un horaire ! Et rien, l’hiver, ne me fait plus rire que ces thons (ça, c’est pour éviter l’insulte induite par le C) hurlant après la neige parce qu’ils vont « être en retard »… Courir, courir, je les laisse donc à leur jogging, à leurs courses éffreinées contre la montre, à leur compétition pour savoir qui sera le plus ponctuel, vivant, pour ma part, à mon rythme, celui des divagations peinardes, celui des rencontres, celui qui sied à mon tain et m’évite encore plus le stress !
Bon, je veux pas facher ceux que j’aime bien, ici, alors, je rassure tout le monde, je met pas le vélo à un pied d’égalité avec l’auto ! Mais pourquoi devrions nous, nous qui préférons, justement, ce moyen de transport, développer les arguments crétins des automobilistes ? Le plaisir, à vélo, existe, et il n’est ni égoïste, ni pressé ! Non, les valeurs développées par le vélo sont même à l’exact inverse de ces valeurs, et, à mon avis, la principale valeur du vélo, c’est d’aider à développer le temps de vivre, ce que hôte, justement, l’auto !
Voilà ! Bon, j’espère pas t’avoir faché, Baille, hein ?
Pas faché, et même d’accord! La remarque du temps est pour ceux qui me disent régulièrement, « j’ai pas le temps, j’ai autre chose à faire… », on ne perd pas de temps, on en gagne même, car le temps de voiture est un temps mort, le temps à vélo, à pied, roller (tout ce qu’a pas de moteur) est un temps de vie.
Mais ce n’était qu’une parenthèse dans mon propos.
Et je suis aussi adepte de la marche, quand mon vélo veut me porter trop vite à ce point B, sans me laisser le temps de vivre mon trajet.
Mais au bout de cette voie cyclable, il y a ma baillecyclette, qui ne sait pas a quelle heure j’arrive, et qui parfois arrive plus tard que moi (elle regarde pas trop samontre non plus), je n’ai plus qu’à l’attendre jardinant un peu, mais surtout flemmardant ds son hamac.
Ce n’était pas une apologie du vélo (ou juste un peu), mais un appel à couper le moteur par un exemple de vie quotidienne simple et agréable.
Et j’adore quand y’a dla neige, parce qu’à vélo, c’est rigolo, et si on peut rien y faire, profitons en pour s’amuser.