Lettre à mon ami automobiliste

Mon bien cher ami automobiliste,

Auprès des personnes inscrites dans ton carnet d’adresse, dont je fais partie , tu t’es fait le relais impersonnel de la Ligue de défense des conducteurs pour une consultation contre les radars. Tu m’as suffisamment reçu chez toi pince au pantalon et cheveux en bataille ou croisé sur les routes marchant d’un pas décidé vers la ville la plus proche, pour que tu te souviennes par contre que je ne fais pas partie des propriétaires d’automobile.

Tu sais pertinemment qu’au delà du choix personnel d’en être dépourvu, il s’agit de ma part d’un véritable engagement contre ce véhicule et ses nuisances. Aussi tu ne devrais être ni surpris, ni blessé que j’aie rapidement réagi à cette campagne en te mettant en garde, ainsi que tout ceux à qui tu avais  transmis le document de campagne de cette « ligue », contre une récupération de ce type de campagne par le FN (récupération avérée voir Gollnisch)  et contre l’épiphénomène que constitue l’histoire des radars par rapport au problème mondial et civilisationnel de l’automobile.

Contrairement à ce que tu crois, il n’y aucune aigreur dans mes propos et je ne déteste pas tous ceux qui se déplacent avec des véhicules à moteur, toi encore moins, mon cher ami. Il y a plutôt une grande tristesse de voir l’humanité en général ne pas tirer les leçons des immenses dégâts causés à son environnement par sa frénésie de conquête, de production et de croissance. Il ne s’agit pas, comme tu m’en prêtes l’intention, de revenir au char à bœuf ni à la diligence, ni d’ailleurs à la bougie comme l’a récemment déclaré avec une ironie toute dépourvue d’imagination un certain chef d’État à propos des mobilisations anti-nucléaires dans le sillage de la catastrophe de Fukushima. Non, rien de tout cela ! Mais l’urgence impose des mesures radicales et non « extrémistes », comme tu l’écris » pour sortir de l’automobile comme l’on doit sortir du nucléaire.

Resolidariser les moments de la vie humaine dans une proximité géographique, échanger et produire localement en petites unités, ralentir et réduire la consommation, mettre en place des transports collectifs et individuels doux (allant du train omnibus à la bicyclette), substituer à la frénésie et à la compétition matérielles la palpitante alternative des oeuvres de l’esprit et de l’imagination: c’est cette utopie, dont tu ne dénigres pas la beauté, qu’il nous faut préparer devant la mort inéluctable de la réalité présente.

Lire aussi :  La vie sans voiture

Je ne pense pas que ces idées soient plus désuètes, comme tu m’en fais le reproche, que celles qui perpétuent les guerres économiques, écologiques, armées, etc… Elles ne sont peut-être pas d’avant-garde, n’en déplaise aux modificateurs de gènes, aux nanotechnologistes, aux robotistes, aux télésurveillants et autres grands amis de la planification capitaliste transcontinentale. Mais elles ont le mérite d’être à la portée de tous les entendements, de toutes les cultures, dans le respect de ce qui est fragile, petit, humble.

Quant au fait qu’un militant déclaré comme moi de la décroissance puisse vivre dans une ancienne station-service, y rester, y monter un projet culturel et artistique, s’inscrire dans un environnement bagnolesque avec carrefour et bientôt rond-point, comment peux-tu y voir un coup du sort? C’est faire fi de l’acte de résistance lui-même, tel qu’il se montre et qu’il s’annonce dans l’environnement immédiat hostile, c’est me dénier la volonté de faire sens dans cet acte, de devenir un symbole! Et je peux t’assurer que par ici, personne ne s’y trompe, ni les pour, ni les contre!

J’espère avoir répondu à tes interrogations à mon égard, bien cher ami automobiliste, interrogations sans doute légitimes dans ta grande ferme loin de la ville quand le front est un peu lointain (là je mets un peu d’ironie tout de même mais non sans panache!)

Le panache: tout est dit ! Relisons Cyrano !

A très bientôt chez toi,  au terme d’une bonne journée de vélo qui aura ajouté au sel des retrouvailles ou bien chez moi, après l’heure de voiture d’où le carrefour embouteillé me fera don de ta visite.

Embrassades affectueuses.

Gwenael

13 commentaires sur “Lettre à mon ami automobiliste

  1. Lomoberet

    Tout ça, c’est bien écrit, c’est bien joli, mais ce n’est que de la littérature.
    Autant qu’il me semble, les automobilistes ne comprennent pas gand’chose, mis à part les coups de pied dans la carosserie.

  2. Thierry

    violence contre violence, c’est toujours violence, et qui engendrera encore plus de violence par un effet de miroir…

  3. LEGEOGRAPHE

    C’est très humain, donc ça peut avoir du beau. La dispute dans l’amitié est quelque chose de parfois fabuleux,… alors que l’invective avec les inconnus (les étrangers, dit-on aussi parfois) est rarement empreinte de sympathie !

  4. Alain

    Voilà ce qu’on peut lire sur le site de mon journal local (la nouvelle république). C’est un commentaire relatif à un article favorable au vélo:

    « Tout le monde n’a pas envie de faire du vélo, encore moins à n’importe quel âge ni par n’importe quelle météo !!! J’en ai fait l’expérience, plus jeune, et je n’ai pas envie de la renouveler ! Que les jeunes aient plutôt une voiture qu’un vélo, c’est dans l’air du temps ! Finie l’époque ou on attendait d’avoir 30 ou 40 ans pour avoir un véhicule automobile, et c’est maintenant QUASIMENT OBLIGATOIRE d’en avoir un, pour ses études ET son travail, l’époque étant aussi à l’alternance dans l’éducation ! De plus, les jeunes sont plus mobiles, en tout. Donc, une voiture est plus pratique, voire plus sécurisant ! Enfin, arrêtons ces inepties : dès que quelqu’un a un semblant de pouvoir, il faut qu’il se mêle absolument de décider pour les autres !!! Ce qui est bon pour M. Gillot ou autres ayatollahs de la sécurité routière ou du vélocipède… n’est pas forcément de l’avis ou du goût des autres !!! MERCI DE LAISSER LA MAJORITÉ SILENCIEUSE S’EXPRIMER, si j’ose dire… Et laissez-nous vivre en paix ! Je doute que les enfants de M. Gillot fassent du vélo tous les jours pour satisfaire Papa et sa fonction publique ! »

    La majorité silencieuse n’est-elle pas tout simplement le royaume des idiots?

  5. JiBOM

    @ Alain
    J’ai vu aussi ce commentaire. Au départ j’ai souhaité répondre, mais devant un tel ramassis d’abrutissement et de mauvaise foi, je n’ai pas eu le courage de commencer une seule phrase ! Il y a des jours où c’est terriblement décourageant…

  6. LEGEOGRAPHE

    @ Alain : Comme il dit, s’il « ose dire », car parler de « majorité silencieuse » au sujet de tous ces moteurs, c’est le comble !

  7. apanivore

    http://www.20minutes.fr/article/867950/mort-tournant

    L’auteur a eu un accident quand il avait 20 ans, le conducteur de la voiture d’en face est mort. Depuis 26 ans il vit avec un sentiment de culpabilité. La peine dont il a écopé à l’époque est ridicule vue d’aujourd’hui : « Poursuivi pour homicide involontaire, il est condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis, 1 500 francs (environ 225 €) d’amende et seize mois de retrait de permis. »

    « Je ne veux pas me poser en donneur de leçons, mais je voulais montrer via ce témoignage, qu’une seule erreur de conduite peut coûter la vie. Et rappeler que la voiture est un paquet de ferraille et aussi un instrument de mort. »

    C’est bien cet éclair de lucidité, mais ça ne lui a pas fait arrêter de conduire. Il va juste « exiger plus de lui-même » au volant. Vaste programme.

  8. Gari

    A propos du commentaire cité par Alain dont je tire l’extrait suivant :

    « Finie l’époque ou on attendait d’avoir 30 ou 40 ans pour avoir un véhicule automobile, et c’est maintenant QUASIMENT OBLIGATOIRE d’en avoir un, pour ses études ET son travail, l’époque étant aussi à l’alternance dans l’éducation ! »

    Ce que je trouve assez incroyable est que les « pro-bagnole » se rendent généralement compte que la voiture est obligatoire (avec un joli « quasi » pour faire bonne mesure), et pourtant ils la défendent… Comme une « liberté ». J’aime beaucoup la « liberté » d’être « obligé » d’avoir une voiture.

    Les pro-bagnoles devraient être les premiers à se battre pour que la voiture ne soit pas « obligatoire » mais « facultative », c’est à dire qu’on puisse effectivement s’en passer…

    On a du chemin à faire !

  9. Alain

    Ce qui est le plus rassurant, c’est que les constructeurs de vélos qui réfléchissent et qui n’appartiennent pas à des grands groupes financiers s’attendent à un doublement de leur vente cette année. Ils appuient leur prévisions sur un changement de mentalité timide mais réel, des décisions d’élus qui sont malgré eux obligés d’appliquer des directives « anti-voitures » (parc véhicules municipaux, PDE…) et un retournement de la situation de la « majorité silencieuse » dû à la hausse des prix du carburant.

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