2014, « annus horribilis » pour le transport ferroviaire

Un Président qui, sur une radio de service public, passe plusieurs minutes à affirmer que l’autocar, c’est moins cher et plus écologique, en un mot mieux que le train… c’était François Hollande le 5 janvier dernier, et cela résume le néant de la stratégie ferroviaire des dirigeants de notre pays.

C’est malheureusement le dessert de l’année qui vient de se clore, qui aura été un « annus horribilis » pour le réseau ferré français. D’abord, dans l’attente des chiffres définitifs, tout montre que tous les trafics, TGV, TER, Intercités et Fret sont orientés à la baisse. C’est lié à la conjoncture, évidemment, mais aussi aux problèmes qu’affronte le système ferroviaire, qui vont autrement plus loin qu’un simple trou d’air.

L’année s’est ouverte par la hausse de la TVA, laquelle, certes, ne concerne pas que le transport ferroviaire, mais celui-ci, du fait de son économie fragilisée, ne peut que s’en trouver particulièrement touché.

La suite des événements a malheureusement montré que cette hausse n’était qu’une mise en bouche. A l’automne, une succession de mesures très défavorables au transport ferroviaire se sont succédé.

D’abord, le 9 octobre, l’annonce du report sine die de l’écotaxe, cette taxe qui devait avoir pour assiette les kilomètres effectués par les poids-lourds de plus de 3,5 tonnes sur un réseau de routes nationales et départementales. Les recettes de la taxe, de l’ordre de 400 millions d’Euros dans sa dernière mouture, devait financer l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Cette taxe, certes, avait des airs d’usine à gaz, inutilement complexe au regard de l’objectif défini. Par ailleurs, les routiers l’auraient répercutée sur les chargeurs, ce qui aurait touché par effet de cascade les consommateurs. Ce mécanisme, à la manière de la gabelle d’Ancien Régime ou de la TVA d’aujourd’hui, ne pouvait que toucher davantage les revenus modestes.

Or le gouvernement ne l’a pas abandonné pour ces « bonnes » raisons, mais à cause du lobby du patronat routier. Le MEDEF était d’ailleurs officiellement opposé à cette taxe. J’ajoute que les actionnaires de la société Ecomouv’ seront indemnisés, mais que le gouvernement a exclu toute rallonge pour les quelque 230 salariés de la société qui se retrouveront à pointer au chômage.

Au même moment ou presque, le gouvernement annonçait l’abandon du projet de Versement transport interstitiel, prévu par la Loi ferroviaire du 4 août 2014, qui aurait consisté à taxer les entreprises situées en dehors d’un périmètre de transport urbain (PTU) pour financer les TER. L’Assemblée nationale a définitivement enterré ce projet le 14 novembre.

Toujours au mois d’octobre, le Parlement a discuté la Loi sur la Transition énergétique. Mais en matière de transport, le seul axe retenu par le Gouvernement est celui de la voiture électrique, avec notamment des primes à la casse pour celui qui fait l’achat d’un véhicule électrique et la construction d’un réseau de stations. Le transport ferroviaire, comme plus largement le transport public d’ailleurs, est pour ainsi dire en dehors du radar du gouvernement. Par son silence sur le sujet, la loi consacre en quelque sorte par le silence l’abandon du réseau ferré.

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Plus tard encore, l’annonce de la libéralisation du transport par autocar, avec à l’appui des arguments dont le seul but est de donner satisfaction à la Fédération nationale des Transports de Voyageurs, l’organisation patronale des autocaristes.

Et au mois de novembre, la mise en place d’une commission sur l’avenir des trains Intercités, qui va probablement établir la suppression d’un certain nombre de ces trains, dont l’offre, tendanciellement à la baisse depuis plus de 20 ans, va devenir de plus en plus résiduelle.

D’un point de vue plus matériel, des lignes ont fermé au trafic de voyageurs en 2014, ce qui laisse craindre une nouvelle vague de fermetures comparable à celle de la fin des années 60. Par exemple Laqueuille – Eygurande : dans ce cas, c’est moins les localités directement desservies qui importent, que le fait qu’il s’agit d’un « bout » de la ligne qui relie Limoges et Clermont-Ferrand : c’est le signe que bientôt, il n’y aura plus aucun train sur un nombre croissant de liaisons interrégionales.

Comme toute politique, cette politique génère son discours, qui glorifie l’autocar par rapport au train, en forme de resucée du discours des années 60 ; ou encore, sur le mode « l’autocar, c’est pour défendre la veuve et l’orphelin », ou, selon le Ministre Macron, « les pauvres » – l’histoire ne dit pas si le service de marketing d’idBus a apprécié.

Les pouvoirs publics camouflent par ce discours leur inaptitude à concevoir des dessertes ferroviaires de qualité, qui répondent aux besoins de la mobilité de la population. Mais ce discours n’est en réalité que la resucée du discours des technocrates de l’époque gaulliste, époque bénie où on a fermé l’ensemble du réseau secondaire breton par exemple. Aujourd’hui, avec le déclin du Fret et des Intercités, le financement du réseau par le seul TGV et par les Régions trouve ses limites, limites qui atteint un point critique aggravé par les dernières décisions du gouvernement. C’est la tendance que je décrivais il y a sept ans dans le livre La Fracture ferroviaire qui devient réalité, un peu comme la vapeur d’eau devient buée.

Si les citoyens de ce pays veulent un chemin de fer performant, ils devront imposer cette politique à leurs dirigeants…

Vincent Doumayrou
auteur du livre La Fracture ferroviaire – Pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer,
Préface de Georges Ribeill, Editions de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2007.

5 commentaires sur “2014, « annus horribilis » pour le transport ferroviaire

  1. pedibus

    Le ferroviaire et l’environnement en général en France, complètement absents des politiques publiques à tous les échelons, exceptée la touche design vert pâle du produit standardisé de communication institutionnelle, sont l’indice d’un système idéologique à bout de souffle, plus à abandonner qu’à réformer :

    les partis politiques actuels ne répondent plus aux exigences socio environnementales  passé-présent-futur.

    Il faut qu’émergent une offre politique nouvelle, une éthique globale qui fasse sortir du performatif, mais surtout des relais crédibles chez les sécréteurs de doctrine :

    des secrétaires du bien commun qu’ils doivent être, et non plus des colporteurs des marchands du temple sans toit ni lois…

    Les horloges semblent figées à jamais à l’an I de l’attente déçue, avec de plus en plus de tyranneaux qui rodent, impatients d’imposer leur calendrier .

  2. Vincent

    > Ce mécanisme, à la manière de la gabelle d’Ancien Régime ou de la TVA d’aujourd’hui, ne pouvait que toucher davantage les revenus modestes.

    Oui et non : oui, un surcoût est, le plus souvent, répercuté en bout de chaîne sur le consommateur; mais non, parce que le produit d’une taxe peut servir justement à amortir voire supprimer l’impact sur les plus pauvres.

    C’est justement ce que propose Jancovici : puisque l’énergie va de toute façon coûter de plus en plus cher (because fin des énergies fossiles), autant programmer sur 20-30 ans une hausse des taxes sur l’énergie (fossile) afin de 1) donner de la visibilité, 2) encourager les gens à faire les investissements qui vont dans le bon sens (isolation des logements, remplacement des chaudières à énergie fossile par des pompes à chaleur, développement du chauffage urbain, achat de petits voitures à pétrole et/ou électriques, développement des logements proches des gares, etc.), et 3) utiliser, donc, une partie de cette taxe pour aider les plus pauvres à supporter cette augmentation. Avec une taxe, l’argent ne quitte pas le pays, (l’argent passe d’une poche à une autre), alors que si on ne fait rien, l’argent part chez les quelques pays qui possèdent ces énergies fossiles (Moyen-Orient, Russie, etc.)

    « La transition énergétique, un choix évident ? »

    http://www.youtube.com/watch?v=FTvoDwZkm2U

  3. rétropédaleur

    Je suis descendu à Toulouse derniérement en intercités, le wagon n’était pas chauffé (pourtant le billet était de 80 €). Ils voudraient dégouter les gens de prendre le train qu’ils ne s’y prendraient pas autrement (en revanche on avait droit tous les quart d’heure à des annonces au haut parleur pour aller acheter leurs snacks!)

  4. pédibus

    mon vieux Rétropédaleur qui pédale plus félicitations d’avoir résisté si longtemps au supplice de Tantale du steak de mammouth soviétique décongelé!

    mon dernier épisode mémorable d’intercités c’est précisément à Toulouse avec trois heures en carafe pour rallier Bordeaux-bordels, l’automne dernier : m’apprendra d’avoir goûté au Mégabus Toulouse-Barcelone des Rosbeef tathchériens…

    boaaaa

     

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