Voici une information qui nous avait échappée et qui en dit long sur le processus de massification de l’automobile à l’échelle planétaire. Début juillet, un embouteillage de trois jours en Indonésie a provoqué la mort de 12 personnes.
C’était pendant les vacances, un embouteillage de 20 kilomètres a bloqué des milliers de vacanciers pendant trois jours au niveau d’une sortie d’autoroute. Le bilan est de 12 morts, « plusieurs des victimes étaient des personnes âgées, et d’autres sont mortes de fatigue ou d’autres complications médicales. » Un enfant d’un an est même mort des suites d’un empoisonnement causé par les émanations des véhicules.
On ne parle donc pas ici d’accidents de la route, mais simplement d’un embouteillage de 20 kilomètres qui tue des gens, dont des enfants et des personnes âgées.
Selon le ministre des transports indonésien, « il n’y a pas de solution pour résoudre ce problème, causé notamment par la présence à cet endroit d’une station service et des véhicules qui y font la queue, provoquant un rétrécissement de la chaussée. »
Dans les pays occidentaux, on arrive rarement à ce niveau-là d’inconséquence, avant tout parce que l’automobile a déjà montré ses limites depuis longtemps et que son développement anarchique a été plus ou moins maîtrisé.
Dans beaucoup de pays où la voiture est en plein développement, des pays qui n’ont pas forcément les moyens collectifs de mettre en place des systèmes alternatifs, la massification de l’automobile individuelle devient une véritable catastrophe sanitaire.
Car, construire des systèmes performants de transports en commun et des aménagements adaptés permettant de contrôler l’invasion automobile ou de favoriser des alternatives représente un coût collectif important nécessitant un système de redistribution performant.
Beaucoup de pays que l’on appelait encore il y a peu « en développement » ne sont pas passés par cette étape. Ils passent directement au système capitaliste dans sa conception la plus pure, avec très peu de réglementations ou de redistribution. Le résultat, c’est l’accès généralisé à l’automobile individuelle dans un contexte débridé de développement. Et sans surprise, c’est le Carmageddon.
Le problème majeur, c’est que ce mode de développement hyper-individualisé évite les nécessaires coûts collectifs liés à une gestion raisonnable du développement, mais se prépare à une explosion sans précédents de coûts collectifs encore plus massifs liés aux externalités négatives de l’automobile. Cet embouteillage de 20 kilomètres en est un simple exemple.
Mais tout ceci n’a sans doute aucune importance, car au bout du compte, ce sont les plus faibles et les plus pauvres qui en paieront le prix.
« Dans les pays occidentaux, on arrive rarement à ce niveau-là d’inconséquence » ah bon? voyons:
https://www.iledefrance.fr/fil-presidence/200-millions-euros-lutter-contre-embouteillages
On pourrait croire à un hoax, et pourtant les sources qui en parlent semblent sérieuses. Ça m’a rappelé un article du Monde sur un événement comparable en 2010 : http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2010/08/24/un-embouteillage-geant-bloque-une-autoroute-chinoise-depuis-dix-jours_1402305_3216.html
N’ayez pas peur, nous sommes au bord du gouffre, mais nous allons faire un grand pas en avant !
C’est pas un gouffre, juste la fin de la croissance pour des raisons physiques, en premier lieu l’énergie par habitant.
On en a tellement sous le pied, que ça sera progressif, plus ou moins chaotique, mais pas une chute brutale. Après tout, on connait ça en Europe depuis déjà les années 70.
Déjà, progressivement, les gens ne prendront plus leur voiture pour les trajets de moins de 5km. Rien que ça, ça fait déjà une belle différence.
Mais la fiction s’est déjà emparée du sujet ! Et il y a déjà un temps certain : le film de 1979 « Le grand embouteillage« , de Luigi Comencini, d’après une nouvelle de Julio Cortázar « L’Autoroute du Sud« . Une fois encore la réalité dépasse la fiction, et les artistes sont des visionnaires. Vu autrement : l’autoroute est un désert, une zone hostile à toute vie.
On peut imaginer, avec plus ou moins de délectation, toutes sortes de situations provoquant, dans les pays bagnolistiquement développés, une telle situation.