Une transition en trompe-l’oeil

Une bonne partie des aides débloquées par le gouvernement dans le cadre du plan de relance a bénéficié à des entreprises et des secteurs très polluants, à commencer par celui de l’automobile (prêt de 5 milliards d’euros à Renault, plan de soutien de 8 milliards d’euros au secteur et plusieurs milliards via le plan de relance) et celui du transport aérien (prêt de 7 milliards à Air France et plan sectoriel).

Même le groupe pétrolier Total, l’un des premiers responsables historiques de la crise climatique, a bénéficié de soutiens publics indirects via la baisse des impôts de production – qui profite principalement aux secteurs les plus nocifs – et les achats d’obligation de la Banque de France. Hors CAC40, le groupe parapétrolier Vallourec devrait bénéficier d’un apport en capital de la part de Bpifrance, alors qu’il vient d’annoncer la suppression d’un millier de postes, dont 350 en France…

LES PLANS DE RELANCE MASSIFS ADOPTÉS DANS TOUS LES PAYS SONT UNE OCCASION HISTORIQUE DE TRANSFORMATION DE NOS MODÈLES ÉCONOMIQUES ET DE DÉVELOPPEMENT.
EMMANUEL MACRON
DISCOURS LORS DE L’AG DE L’ONU PAR VISIOCONFÉRENCE,
22 SEPTEMBRE 2020

Lorsque les aides publiques à Air France et Renault ont été annoncées, de nombreuses voix se sont élevées au Parlement et dans la société civile pour exiger qu’elles soient conditionnées à des objectifs et des critères clairs et ambitieux en matière environnementale. En vain.

Engagements sans substance

Le gouvernement a beaucoup communiqué sur les « engagements » verts que prenaient Renault et Air France, justifiant qu’il ne fallait pas ajouter de conditions contraignantes inutiles. En ce qui concerne Air France, les “engagements” de l’entreprise ont été annoncés par le gouvernement, mais on n’en trouve aucune trace dans la communication du groupe. Le principal de ces “engagements,” la suppression de certaines lignes intérieures, a été dénoncé comme insuffisant par les associations écologistes pour réduire véritablement les émissions de gaz à effet de serre du trafic aérien français. Il se pourrait bien que ces lignes soient maintenues ou simplement transférées à des filiales.

En ce qui concerne Renault, le président du constructeur a déjà déclaré que les engagements demandés par le gouvernement n’étaient « pas très compliqués, » puisqu’il ne s’agit que de respect des délais de paiement aux fournisseurs et de mise en conformité avec les objectifs climat en vigueur – bref, ce que le groupe était déjà censé faire.

Lire aussi :  Un détournement massif de la publicité dans Paris dénonce la mainmise des multinationales sur la COP 21

Subventions pour de fausses solutions

La plus grande partie des promesses écologiques mises en avant par le gouvernement et les groupes du CAC40 sont en réalité des “fausses solutions” : elles reposent sur le déploiement de technologies qui changent le moins possible le modèle industriel établi et les sources de profit des multinationales, et dont les bienfaits réels sont limités, voire inexistants.

La voiture électrique, mise en avant à l’occasion du prêt accordé à Renault et du plan de soutien au secteur automobile, en est l’exemple typique. Elle ne représente véritablement un progrès que si l’électricité générée n’occasionne pas elle-même des émissions importantes de gaz à effet de serre ou d’autres pollutions.

Elle ne change rien aux émissions liées aux pneumatiques et aux systèmes de freinage. Enfin, il faut tenir compte de l’ensemble du cycle de vie des véhicules.

Il en va de même pour “l’avion vert” dont il a abondamment été question lors de l’annonce du plan de soutien à l’aéronautique, et qui semble surtout une vue de l’esprit. Les solutions privilégiées aujourd’hui par les industriels du secteur sont le recours aux agrocarburants et la compensation carbone, qui entraînent des changements d’utilisation des terres (y compris de la déforestation) encore plus néfastes pour le climat.

Une bonne partie du volet “vert” du plan de relance semble lui aussi taillé pour les besoins des industriels, avec par exemple le soutien massif (7 milliards d’euros) à la filière hydrogène (qui, rappelons-le, n’est pas à l’heure actuelle une énergie “propre” et ne pourra pas le devenir avant de nombreuses années). Il inclut même un appui au nucléaire…

Même sur la rénovation énergétique des bâtiments, le groupe de travail mis en place pour plancher sur le sujet était présidé par le groupe Saint-Gobain et n’a laissé aucune place aux acteurs syndicaux ou associatifs. « On va avoir un plan et on va pouvoir surfer sur la rénovation énergétique pendant cinq ans, déclarait le PDG de Saint-Gobain en juillet dernier. Il y a beaucoup d’argent à Bruxelles. »

Tout est dit.

Source: 3e édition de « CAC40 : le véritable bilan annuel« 

2 commentaires sur “Une transition en trompe-l’oeil

  1. pedibus

    La voiture électrique, mise en avant à l’occasion du prêt accordé à Renault et du plan de soutien au secteur automobile, en est l’exemple typique. Elle ne représente véritablement un progrès que si l’électricité générée n’occasionne pas elle-même des émissions importantes de gaz à effet de serre ou d’autres pollutions.
    Elle ne change rien aux émissions liées aux pneumatiques et aux systèmes de freinage. Enfin, il faut tenir compte de l’ensemble du cycle de vie des véhicules.

    pis que ça, Ste-Gnognole électrisée c’est toujours autant d’espace public dévoré pour la circulation et le stationnement dans les agglos…

    et autour toujours autant d’incitation à l’étalement urbain, avec son corolaire, la consommation d’espace agricole avec le robinet à permis de construire grand ouvert, pour tous ceux qui tâchent de rester solvables en satisfaisant leur besoin de se loger en fuyant la rente foncière centrale…

     

    grande occasion perdue donc, ce plan de relance, pour abonder très largement les établissements publics fonciers afin de réaliser de nouveaux quartiers de ville dans la ville ou en continuité immédiate :

    préemption des terrains vacants ou mal utilisés, par exemple pour fabriquer des parkings…

     

    grande occasion gâchée enfin pour provisionner les sommes énormes nécessaires à la construction de l’offre alternative aux déplacements automobiles dans et vers les agglos :

    vrais réseaux de tram, avec des lignes supplémentaires pour bien couvrir leur territoire et désengorger les rares existantes ; vrais réseaux de RER de province avec une fréquence élevée et des lignes de cars en rabattement dessus…

     

    avec Kronkrounette on a affaire au même populisme menteur et emberlificoteur que les Trump, Bolsonaro, Erdogan et autres Poupoute :

    autant de temps perdu pour les sociétés de plus en plus urbanisées face au réchauffement climatique et à l’appauvrissement de la biosphère…

     

    à ce propos je m’inquiète du devenir d’un très bon pourfendeur de la politique de notre grand marcheur qui nous fait marcher… :

    a-t-on des nouvelles rassurantes de Jean-Marc Sérékian… ?

  2. jol25

    Il me semble acquis, moyennant quelques lectures, que « transition énergétique » et « développement durable » ne sont que des enveloppes qui verdissent la continuité d’une économie délétère.

    Le pouvoir et l’argent n’a aucun intérêt à changer un système mis en place depuis 2 siècles. Les gouvernements se succèdent avec une similarité déprimante.

    Nous (citoyens) n’avons rien à dire sur les lois et les décisions de ceux qui nous gouvernent. Le passage aux urnes est une telle plaisanterie que de moins en moins d’électeurs se sentent concernés. Le réel décideur aujourd’hui n’est pas l’homme politique, celui-ci n’est que la marionnette de la finance. Rothschild a gagné : « Donnez-moi le contrôle de la monnaie d’une nation, et je me moque de qui fait ses lois ». Nous sommes dedans : les états ne frappent plus monnaie, ils empruntent aux banques, comme tout un chacun.

    Aucune surprise donc, je pense, dans le « monde d’après », de voir que l’argent public continue à se sauver, entre bénéfices privés et « optimisation » fiscale, pour profiter à une minorité au lieu d’aller à l’intérêt du grand nombre.

    Le bonus, c’est de faire peur aux gens, avec le chantage à l’emploi par ex., si nous changions de paradigme, ou si nous ne sauvions pas telle ou telle grosse boîte (x milliers d’emplois perdus mon bon monsieur!). Et les mêmes qui sont sauvés, sans contrepartie, liquident des emplois, des sous-traitants ou sous-traitent à l’étranger… au temps pour la « préservation » des emplois…

    Vaste plaisanterie, le changement ne viendra pas par le haut.

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