Il faut adapter l’automobile à la ville

Georges Pompidou, ancien président de la République Française, déclarait en 1971 qu’il faut adapter la ville à l’automobile. Cette phrase, devenue célèbre, n’était en fait que la conséquence idéologique d’un processus historique trouvant sa source au début du XXème siècle avec le développement de l’automobile.

La massification progressive de la production et de la consommation automobile s’est traduite par un mouvement continu d’accaparement de l’espace public au profit de l’automobile. Le point culminant de cet accaparement a sans doute été atteint en France dans les années 70, quand les projets d’autoroutes urbaines devaient déboucher au cœur des agglomérations, au pied des cathédrales. Le concept d’espace public se dilue alors dans celui de voirie, destinée à supporter les déplacements motorisés. On atteint les limites de la forme urbaine, du bâti; autrement dit, on ne peut plus repousser les murs, sauf à détruire le tissu urbain historique de nos villes anciennes.

La ville s’est adaptée à l’automobile!

Les espaces publics sont devenus essentiellement des lieux de transit ou de passage dans lesquels il n’est souvent même pas possible de s’arrêter; ils ont perdu leurs qualités d’accueil et de sociabilité.

Alors qu’ils étaient à l’origine les lieux privilégiés des relations sociales, les boulevards et les rues qui invitaient à la promenade sont aujourd’hui, dans bien des cas, délaissés, sans statut et sans âme. Partout, la circulation et les transports posent problèmes : congestion, accidents, bruit, pollution. La ville n’est plus tant lieu complexe d’activités qui se mélangent que juxtaposition de zones spécialisées : habitat, commerce, loisirs,…

La ville-automobile

Cette spécialisation de la ville s’accompagne également d’un processus d’homogénéisation, accompagnant la mondialisation économique. Le système automobile étend ses limites en tous points de l’espace-monde, toutes les villes commencent à se ressembler, comme le montre très bien le dessin de Singer. La ville-automobile devient universelle.

Dans les villages aussi, l’automobile a déstructuré le tissu social; la Grand’rue est devenue «traversée d’agglomération»! La ville-automobile, avec son cortège de nuisances, fait fuir le citadin et le conduit à aller vivre en périphérie ou en banlieue. Cependant, il retourne dans le centre pour travailler, se distraire, étudier ou faire ses achats!

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La ville éclatée et l’urbanisation en tâche d’huile, rendue possible par les progrès automobiles, nécessitent des infrastructures coûteuses. Les trajets s’allongent. En ville, de plus en plus de véhicules motorisés circulent et stationnent, ce qui augmente encore la congestion, la pollution, le bruit et l’agressivité.

Adapter l’automobile à la ville

Pour rompre ce cercle infernal, il devient urgent d’adapter l’automobile à la ville. Une politique d’accroissement de l’espace piéton lentement grignoté par l’élargissement des rues, devient indispensable pour rendre à la ville ses multiples fonctions. Une politique de transports collectifs efficace et une réduction drastique, à la fois de l’espace dédié à l’automobile et de la vitesse automobile, deviennent également indispensables pour rendre à la ville son urbanité.

L’automobile a tout pris dans la ville, la ville doit désormais tout lui reprendre. Il devient nécessaire de favoriser systématiquement les piétons, les vélos, les rollers et skaters, les transports en commun, au détriment de l’automobile. L’automobile doit se faire discrète, doit s’adapter aux nouvelles conditions d’urbanité souhaitées par de plus en plus de monde.

La première priorité est de faire baisser le trafic automobile, par tous les moyens opportuns: réduction drastique du nombre de voies de circulation, aménagements pour casser les vitesses, péages urbains, stationnement impossible… C’est grâce à cette réduction sévère du trafic automobile que se développeront les modes de déplacements alternatifs et qu’un nouvel urbanisme verra le jour, plus dense, plus économe en espace, au sein duquel la mixité urbaine ne sera plus seulement un thème de colloque, mais une pratique urbanistique courante.

L’automobile doit s’adapter aux usagers fragiles de l’espace public, aux jeux des enfants, aux pratiques de sociabilité sur l’espace public, elle doit s’adapter à la ville.