Tous les jours, on lit dans la presse qu’une personne a été tuée par une autre en voiture, sans trop de commentaires. L’état des routes est comme l’état de guerre: tant de tués pour tant d’engagés, et un petit papier pour chacun (et encore, la rubrique des « chiens écrasés », malgré son nom, ne parle que des humains!).
Nous nous y sommes habitués, comme on s’habitue à quelque catastrophe indéfinissable et chronique. Comme s’il n’y avait pas de responsable, ni donc de solution. Et pourtant, comme à la guerre, il y a quelqu’un qui en a tué un autre.
Alors c’est comme la foudre qui frappe ici ou là, à coups plus ou moins rapprochés, un peu au hasard comme des bombes éclatant ça et là pour « maintenir la tension ». A bilan de guerre, état de guerre.
C’est intolérable. Nous savons tous ce qu’il en est. Nous ne pouvons pas ignorer que les responsables sont partout, que nous faisons et laissons faire cette sorte de guerre sans objet, sans ennemi, mais avec des victimes. Des vraies victimes. Des tués, des éclopés… Comme à la guerre, il faut une attention terrorisée pour survivre. On ne peut lever le nez un seul instant, les enfants sont tenus enfermés, de même que les vieillards et les infirmes: malheur à qui ne sait pas, malheur à qui ne court pas assez vite. Et partout, le stress incessant des bruits coutumiers aux villes assiégées: klaxons, sirènes, freins, des bruits qui sentent la souffrance et le danger. Les murs de sécurité ou anti-bruit semblent des sacs de sable à demeure…
Mais l’ennemi n’est jamais déclaré, il est partout, dans la masse, il se faufile ou déboule d’un coup, frappe et disparaît. L’automobiliste est un sniper. La guerre des rues, la pire de toutes: la plus meurtrière, durable, omniprésente.
Désertez* !
- La bagnole.
Source : Pour une ville sans voitures, format pdf (7,5 Mo)