Ralentir la vi(ll)e

Créé le 14 juillet 2007 sous l’impulsion de Paul Ariès, intellectuel prolifique et l’un des fers de lance du mouvement de la décroissance, Le Sarkophage oeuvre à la déconstruction de « tous les sarkozysmes », cette droitisation alarmante de la société française. Dans le même mouvement de révolte, ce journal travaille à la création d’une gauche antiproductiviste. Alors que de nombreux titres de la presse écrite s’écroulent voire disparaissent (c’est malheureusement le cas du très bon Plan B), lui franchit un nouveau cap en diffusant un premier hors-série : Ralentir la vi(ll)e. 

Ralentir : à travers ce « mot-chantier » dissensuel, Le Sarkophage ébauche une autre ville. A l’opposé du modèle dominant, de ces métropoles où règnent le gigantisme, la mégalomanie (Lyon, Toulouse, Grand Paris…), de ces lieux hyper-capitalistes : centre-ville transformé en boutiques de fringues, périphérie pourrie de hangars à consommateurs, d’immenses panneaux publicitaires et de ronds-points, envahissement de l’automobile, grandes infrastructures, culte de la vitesse, règne du béton, multiplication de la vidéosurveillance, flicage et gentrification… Ces verrues de la modernité produisent inévitablement de l’exclusion et de la violence. Elles isolent les individus et les déboussolent. Tout est artificialisé, voué à la consommation. L’homme est nié.

Une ville antiproductiviste et conviviale se doit au contraire de mettre l’homme au coeur de la cité, et non pas de l’écraser sous la domination de l’économie. Elle cherche d’abord à émanciper. La commune est l’échelon indispensable de la démocratie directe, comme le prône le fédéralisme anarchiste. Investir le peuple dans toutes les décisions collectives est un préalable nécessaire. Non pas berner les citoyens dans des opérations de com type comités de quartier, mais lui donner la possibilité de voter un budget participatif, comme à Grigny.

Une ville antiproductiviste préfère les circuits courts, les marchés et les commerces de proximité aux grandes surfaces. La mixité sociale contre l’apartheid urbain. La coopération entre collectivités plutôt que la concurrence. Elle cherche à désenclaver les ghettos, à relocaliser les activités et à permettre la polyvalence des quartiers : logement, travail, culture, sport, tissu associatif, services publics, nature, tout doit être au plus proche des habitants. L’urbanisme repensé permet de limiter le temps aliénant perdu dans les transports et les bouchons. Une ville antiproductiviste veut en finir avec la puanteur, la pollution, le bruit, le stress, l’étalement urbain et la monopolisation de l’espace par l’automobile. La rue est à reconquérir, alors que « le marcheur s’est marginalisé en « raseur de murs » pour laisser la place libre au déplacement motorisé ». Pour se défaire de l’emprise automobile, l’instauration de la gratuité dans les transports publics est efficace, comme le prouve Châteauroux.

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Mais surtout, l’aménagement du territoire doit en finir avec la centralisation de tout dans quelques métropoles qui drainent la population et dépeuplent les territoires. Alors que, depuis 2007, plus de la moitié de l’humanité vit dans des zones urbaines (contre 14 % en 1900…), basculement historique consécutif au fort exode rural, il est urgent de repenser nos lieux de vie. Ces questions étaient centrales dans les années 60 et 70, notamment portées par les situationnistes et mai 68. Elles ont quasiment disparu du débat d’idées, et révèlent la nullité abyssale d’une gauche mollassonne, dont les nombreux élus locaux ne font que conforter le standard de capitales vouées au capital. D’où l’urgence d’un large mouvement antiproductiviste.

Le hors-série n°1 du Sarkophage est disponible en kiosques jusqu’en juin 2010, au prix de 4,50 euros. C’est ce qu’il faut débourser pour une presse indépendante et anticonformiste, à soutenir en ces temps d’effondrement généralisé.

Source: http://pedaleurop.over-blog.com/

3 commentaires sur “Ralentir la vi(ll)e

  1. Tassin

    « A l’opposé du modèle dominant, de ces métropoles où règnent le gigantisme, la mégalomanie (Lyon, Toulouse, Grand Paris…), de ces lieux hyper-capitalistes : centre-ville transformé en boutiques de fringues, périphérie pourrie de hangars à consommateurs, d’immenses panneaux publicitaires et de ronds-points, envahissement de l’automobile, grandes infrastructures, culte de la vitesse, règne du béton, multiplication de la vidéosurveillance, flicage et gentrification… Ces verrues de la modernité produisent inévitablement de l’exclusion et de la violence. Elles isolent les individus et les déboussolent. Tout est artificialisé, voué à la consommation. L’homme est nié. »

    Tout est dit! Paris est un excellent exemple : une ville vidée de ses habitants, dispositifs anti-sdf dans toutes les rénovations de rues…
    Il est loin le temps de Paris-village.

  2. joshuadu34

    Si je suis d’accord avec le propos (voir d’ailleurs l’excellent article de Lémi sur Article XI : http://www.article11.info/spip/spip.php?article823 ), j’ai sur cet article un petit soucis, je l’avoue… Pourquoi cette surenchère sémantique ? Pourquoi parler d’hyper-capitalisme, pourquoi laisser croire que, sans Sarkozy, ce serait mieux et que ce que nous vivons ne serait, en fait, qu’une dérive droitière du capitalisme ? Il n’y a, dans cette volonté de cloisonner, de séparer, de déshumaniser la ville, aucune dérive ! C’est même, et ça l’a toujours été, une pratique normale dans une société capitaliste ! Et Sarkozy, s’il a une responsabilité, a la même responsabilité qu’un Zapatero où un autre membre de gouvernement se disant de droite où de gauche : celle de l’acceptation sans condition de la mise en place d’une société inhumaine basée sur un capitalisme total, sans aménagement possible et réduisant autant que possible (pour emporter l’adhesion populaire) l’aspect social intégrant une urbanisation proche de l’homme (celle dont tu parle, en fait) !

    Il n’y a, en fait, aucune dérive ! Tout les aspects immonde que nous ressentons ne sont pas une hypertrophie du capitalisme, mais tout simplement LE capitalisme !

    Il faudra bien, à un moment, que nous remettions en cause le discours médiatique propagandiste qui, quand il s’interesse enfin un peu à l’inhumanité évidente d’un système, laissant enfin de côté le discours populiste compationnel tendant à faire de faits divers des outils d’acceptation du pire, ne le fait que pour détourner l’attention qui devrait se porter sur les vrais responsables !

    Ça ne retire, évidement, rien au fait que ce président porte sa part de responsabilité dans la mise en place des saloperies, mais les mêmes politiques sont menées, et ce quelle que soit l’étiquette politique collée aux gouvernants, dans tous les pays (Grèce, Espagne, Italie, Belgique, Allemagne, Canada, etc… tous mettent en place la « politique d’austéritée » qu’on retrouve, étrangement, comme étant le corolaire nécessaire au capitalisme dans les écrits de Friedman ainsi que dans les recommandations de l’école de Chicago misent en place, il y a une trentaine d’années, au Chili, en Argentine, en Grèce, déjà, en Indonésie, etc, avec le résultat catastrophique socialement que l’on pourrait savoir par une plongée historique qui n’a pas besoin d’être profonde pour pouvoir se poser des questions, à la demande du FMI, organisme qui, s’il n’a pas changé sa vision du monde, est maintenant dirigé par un… socialiste -arf-)

    Arrétons donc d’utiliser la sémantique officielle ! Comme je l’ai dit ailleurs, la déconstruction de l’imagerie officielle doit faire parti de nos propos, si nous voulons changer les choses !

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