Les Plans de Déplacements Urbains (1996-2002)
Jean-Marc Offner
Laboratoire Techniques-Territoires-Sociétés (LATTS-ENPC)
La loi sur l’air de 1996 a fait obligation aux agglomérations françaises de plus de 100.000 habitants d’élaborer un plan de déplacements urbains (PDU).Intermodalité, vélo, partage de la voirie… semblent préparer une mobilité « durable ». Mais les conditions d’élaboration des documents, les mesures programmées (transports collectifs en site propre et infrastructures routières, pour l’essentiel) et l’absence de problématisation territoriale ne permettront ni de réduire le trafic automobile, ambition première de la loi, ni de mettre en oeuvre des politiques locales innovantes et cohérentes.(…)
Automobile : une hypocrisie quasi consensuelle
« Diminution du trafic automobile ». Par son imprécision, l’énoncé formel de l’objectif prioritaire des PDU a autorisé toutes les interprétations. Parmi les PDU qui se sont donnés la peine de le quantifier, presque tous ont penché du côté de la relativité, explicitant des objectifs en termes d’évolution du partage modal (pourcentage des citadins prenant la voiture, les transports publics, le vélo, etc.). On comprend bien que ces réductions relatives de quelques pour cent se traduiront par un accroissement absolu des flux automobiles, dès lors qu’augmenteront la mobilité (nombre de déplacements par jour et par personne), la population et les distances parcourues. Seuls font exception les PDU d’Ile-de-France (baisse espérée exprimée en véhicules/km), de Saint-Etienne, de Lille (recherche d’une stabilisation du volume de trafic) et de Toulon (réduction du nombre de véhicules par jour dans le centre). Ce dernier exemple met en exergue la seconde imprécision. La diminution de la circulation automobile est-elle recherchée dans le centre, sur l’agglomération, sur l’aire urbaine ? Là encore, la plupart des PDU jouent l’ambiguïté.
De fait, un schéma dual – que d’aucuns qualifieraient de schizophrénique – s’esquisse dans bon nombre d’agglomérations : un centre-ville ou une ville-centre peu ou prou organisés sur le modèle « rhénan » (desserte en transport collectif, modes doux, restriction de stationnement, réaffectation des espaces viaires, etc.), un espace périurbain correspondant au modèle « californien » (univers automobile, infrastructures routières généreuses). Cette interprétation est renforcée par le constat de l’omniprésence de projets de voiries nouvelles, rocades à achever en particulier. « Moins de voitures avec plus de voirie : un pari ? », écrivent les experts (Certu, 2002) avec une ironie à peine déguisée.
Source : Les Plans de Déplacements Urbains (1996-2002) – Jean-Marc Offner