Utilisez le vélo’v … si vous n’en avez pas besoin

Dimanche, huit heures du matin. Je sors de chez moi pour me rendre à la gare de Lyon Part- Dieu. Je dispose de 25 minutes avant le départ du train, soit à peu près du double du temps qu’il m’est nécessaire pour effectuer le trajet avec mon vélo en temps ordinaire. Je descends les pentes de la Croix Rousse en courant et arrive devant la station vélo’v située près de l’Opéra. Il me reste 20 minutes. Je passe mon badge devant le capteur, rien ne se passe. Je passe et repasse mon badge, toujours rien. Je m’apprête à abandonner lorsque, après le vingtième essai, « Retirer un vélo » m’est enfin proposé. J’ai le choix entre … zéro vélo parmi les trois qui se trouvent là.

Tant pis, je sais qu’il y a une autre station de l’autre côté du Rhône. L’heure tourne, j’emprunte le pont Morand en courant et me précipite vers la station située entre ce dernier et la passerelle du collège. Ici, environ six vélos accrochés à leur borne. Il me reste 15 minutes, ce qui commence à faire court. Cette fois-ci, le badge est reconnu immédiatement. Je compose le code sur l’écran brisé. Un seul vélo m’est proposé … la roue arrière complètement dégonflée.

Je continue en courant en direction de la gare. Je tombe sur une station place Edgar Quinet. Là encore, une demi-douzaine de vélos. Il me reste 12 minutes. Je commence à me faire à l’idée que je vais rater mon train. Une fois encore, un seul vélo m’est proposé. Les pneus sont bien gonflés, miracle ! Je m’apprête à prendre le vélo … Impossible, la roue est complètement coincée et tordue dans la borne.

Je continue ma course folle. Quelques minutes plus tard, je rencontre une nouvelle station. Je ne suis plus très loin de la gare. J’essaie, c’est peut-être ça qui me permettra d’avoir mon train. Je passe mon badge. Deux vélos sont libres ! L’un des deux est en état de fonctionnement. L’autre a la roue arrière déjantée. Tant pis pour la personne qui vient d’arriver et qui attend derrière moi. Je monte sur le vélo. Il me reste 7 minutes.

Arrivé à la gare, je range le vélo. Pour cette opération, aucun problème. Je cours dans la gare. Voie J. Me voilà dans le train. J’ai même deux minutes d’avance. Je suis trempé de sueur, mais j’aurais le temps de me reposer pendant le trajet.

Vélo’v: un outil de déplacement ou de communication?

Suite à cette mésaventure sans conséquence dramatique, je suis tout de même de mauvaise humeur. À qui en vouloir ? Aux personnes qui ont dégradé de nombreux vélos et ignorent le civisme ? À la société J.C. Decaux qui fournit ce service en échange d’espaces publicitaires ? J’en conclus néanmoins qu’il est périlleux de compter sur le service vélo’v pour prendre un train ou se rendre à un rendez-vous important. Comme pour la plupart des lyonnais, ce mode de déplacement restera donc pour moi réservé aux trajets sans importances, aux sorties le soir ou aux petits déplacements le dimanche.

Mais cela n’est-il pas la manière dont est perçu le vélo’v à Lyon ? Loin d’en faire un véritable service public où la collectivité s’engagerait financièrement, les villes de Lyon et Villeurbanne ont préféré en confier la gestion à une société privée, à un grand groupe publicitaire qui enlaidit nos villes avec des affiches qui souhaitent nous voir consommer toujours plus. La ville de Lyon n’a pas déboursé un seul centime pour les vélo’v, en dehors des campagnes de publicité, de marketing et de « communication ». Le vélo’v est un moyen moderne, cool et très tendance de se déplacer et de faire bonne impression devant les journalistes.

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Le vélo’v est aussi un moyen pratique de faire beaucoup de tapage sans engagement financier et sans réellement remettre en cause la place de l’automobile en ville. C’est facile, mais peu courageux politiquement. Le vélo’v n’est pas un service public, mais un service privé. Puisque toute critique doit être accompagnée de propositions pour être pertinente, en voici quelques-unes, qui engageraient fortement les mairies de Lyon et de Villeurbanne au niveau politique. Nous gagerons donc qu’elles ne seront jamais mais en œuvre.

Pour commencer, il me paraît indispensable de limiter la vitesse des automobiles à 30 km/h sur l’ensemble du territoire du Grand Lyon. Les risques d’accidents en seraient ainsi fortement réduits. L’impression d’insécurité est aujourd’hui encore un frein pour de nombreux cyclistes à s’engager sur les chaussées de l’agglomération. Se limiter à la presqu’île comme c’est le cas aujourd’hui est une blague. En effet, les embouteillages y sont fréquents et l’étroitesse des rues ne permet de toute façon pas aux automobiles de rouler raisonnablement plus vite à cet endroit. De plus, la zone 30 actuelle se limite à l’hyper centre où se trouvent les commerces chics et les populations privilégiées. Les habitants de la périphérie n’ont-ils pas le droit eux aussi à un environnement préservé ? Cette limitation de vitesse serait un signe fort d’encouragement à prendre son vélo et à abandonner l’automobile.

Le vélo’v pourrait devenir un véritable service public. Les habitants du centre-ville ont un accès facile aux transports en commun, bénéficient de nombreuses bornes de vélo’v et d’un cadre de vie préservé là où les populations de la périphérie ont le droit aux voies rapides, au bruit et aux panneaux publicitaires géants. Le grand Lyon pourrait s’engager financièrement pour couvrir l’ensemble de l’agglomération et fournir un service de qualité sans avoir à accepter une augmentation des surfaces destinées à la publicité. Ce serait le vélo’v des lyonnais et non celui de J.C. Decaux. Il serait alors plus facile de sensibiliser les citoyens d’être respectueux de leur moyen de locomotion.

Ensuite, il est souhaitable de développer tous les aménagements facilitant la vie des cyclistes : parkings à vélo, espaces couverts et surveillés de grande envergure à proximité des gares. Les points noirs tels que le pont Raymond Pointcarré ou le pont de La Mulatière doivent être aménagés pour sécuriser le passage des cyclistes. La liste des choses à faire est immense. Ce ne sont pas les idées qui manquent, mais la volonté et le courage politique du Grand Lyon à les mettre en œuvre.

Enfin, le développement des parkings pour automobiles et le développement du vélo me semblent inconciliables. Pour promouvoir l’usage de la bicyclette en ville, il faut bouter les autos hors de l’agglomération lyonnaise en arrêtant tout nouveau projet de parking, en réduisant l’espace dédié aux automobiles et en développement les moyens de transport collectifs. L’automobile est un moyen de transport inefficace, polluant, coûteux en espace et consommateur d’une essence dont le prix ne cessera plus d’augmenter.

Le principe du vélo’v est une bonne idée. Dommage que Lyon et Villeurbanne l’aient confié à un publicitaire et se soient limités à une opération de « communication ». L’agglomération lyonnaise mérite mieux que cela.

Denis CHEYNET
http://denis.chey.net/