Le vélo jetable arrive en France

Il sera dit qu’on pourrira tout, jusqu’au bout, et même ce qui au départ a tout d’une solution d’avenir. Avec l’arrivée massive des vélos en libre-service dans les villes françaises, il semble que l’on soit en train d’achever la solution vélo.

Attention, on ne parle plus ici des systèmes de vélos en libre-service type vélib (Paris) ou vélove (Lyon). Ces systèmes étaient déjà plutôt critiquables, en particulier pour leur lien avec l’affichage publicitaire, mais ils avaient au moins le mérite d’être à peu près cadrés.

Depuis quelques mois, c’est une soi-disante « nouvelle solution de mobilité » qui débarque en France, à savoir les vélos en « free floating », c’est-à-dire en libre-service sans stations. Ce sont des vélos sans système fixe de verrouillage sur la voie publique. Entièrement privés, ils sont balancés sur l’espace public par des start-ups concurrentes du nom de gobee.bike, obike, ofo ou bluegogo…

C’est censé être simple d’accès, il faut « juste » un smartphone pour déverrouiller le vélo, pas très cher (0.5 euro par demi-heure quand même!) et on « jette » le vélo ensuite où on veut quand on a fini… On peut dire « jette » car c’est ce que semblent faire plus ou moins les clients de ces services de location de vélo à l’arrache. Cela fait à peine quelques semaines que le service se développe dans certaines villes françaises et on trouve déjà de nombreuses épaves garées un peu n’importe où.

Zéro contrainte, zéro prise de tête, c’est la Uber-economie stupid! Du bon vélo jetable à la sauce Macron: même plus besoin de salariés qui gèrent la flotte de vélos comme vélib, vous savez cette entreprise de la vieille économie.

Évidemment, pour développer un tel service, on parle de vélos sans vitesse, sans selle réglable, de la bonne grosse jaille quoi!

Et ce concept semble venir d’Asie où il a déjà bien pourri le paysage urbain.


Des vélos abîmés, provenant de différentes entreprises de vélos en libre-service, empilés dans une résidence de Shenzen en Chine

Sans tomber dans les stéréotypes, il est quand même de notoriété publique que les Asiatiques sont en règle générale quelque peu plus policés et respectueux des règles que les Européens. Et pourtant, le phénomène est devenu là-bas un « véritable problème d’urbanisme » avec des milliers de vélos transformés en épaves qui envahissent les rues.

Et les gars veulent introduire le concept en France? Ils sont fous ou quoi? Déjà qu’on retrouvait parfois des vélib dans la Seine ou à l’autre bout de l’Europe… Là, ça va être carrément la jungle!

Aux premières nouvelles, beaucoup de vélos se font, sans surprise, vandaliser. Quand ils ne sont pas carrément volés, certains se servent sur la bête, un éclairage par-ci, une selle par-là… Il semble aussi y avoir des concours du type « où balancer le vélo dans l’endroit le plus improbable qui soit? »


Différentes manières de garer un vélo en libre-service…

Mieux, dans certaines villes comme Reims ou Lille, les centaines de vélos mis à disposition ont quasiment entièrement disparu de la circulation en quelques semaines seulement. Les entreprises censées être responsables de ces vélos sont plutôt évasives sur le sujet et évoquent des « retours pour mise en sécurité ». Certains accusent plutôt le vandalisme et le vol massifs.

Lire aussi :  Les premiers réfugiés climatiques arrivent en France

Bref, tout ceci semble virer à la pantalonnade. Vous me direz peut-être que ce n’est pas bien grave et que le principal (pour le vélo) est d’avoir de nouveaux services comme celui-ci afin de pousser un maximum de gens à prendre le vélo?

A vrai dire, rien n’est moins sûr. Vu le prix du service (beaucoup plus cher que vélib par exemple), on est moins en face d’un service destiné au vélotaf régulier que destiné à l’utilisateur occasionnel, voire pour certaines villes, aux seuls touristes.

Si le résultat est d’obtenir une invasion de vélos vandalisés en voie d’épavisation sur la voie publique pour déplacer des touristes, le gain en terme d’image pour le vélo en général semble assez faible. Déjà qu’il n’est pas toujours facile de stationner son propre vélo sur la voie publique, cela risque de devenir de plus en plus compliqué. Sans compter le fait que cela va vite exaspérer les riverains ou la police.


Gestion des épaves de vélos en libre service en Chine…

Le plus surprenant dans tout cela, c’est le vide juridique dans lequel s’opère cette invasion. Apparemment, les municipalités ne sont même pas toujours prévenues et découvrent parfois le lancement d’un service sur leur commune en même temps que la population. Pas d’autorisation de l’occupation de l’espace public, pas de demande officielle nécessaire…

Et comme les start-ups en question se tirent la bourre entre elles, leur but est de balancer le maximum de vélos sur la voie publique dès le départ pour occuper le terrain, en partant du principe que les clients n’utiliseront à la fin qu’une seule application smartphone, leur application évidemment!

Aux dernières nouvelles, la ville de Paris étudierait la possibilité de faire payer à ces entreprises une taxe d’occupation de l’espace public. Mais, pour beaucoup de villes, on ne va pas se mentir: ces entreprises « mercenaires » du vélo sont plus une opportunité qu’autre chose. Plus besoin de mettre en place un système plus ou moins lourd et subventionné type vélib. Laissons faire le marché!

Ce que ces villes ne maitrisent plus, c’est l’image très dégradée qu’elles sont en train de donner à la fois du vélo et d’elles-mêmes avec des épaves de vélos qui trainent à tous les coins de rues.

Bon j’arrête là, il faut que j’aille me trouver un éclairage complet avant que la nuit tombe…

18 commentaires sur “Le vélo jetable arrive en France

  1. Tom70s

    J’ai testé le Gobee Bike un soir ou je cumulais les problèmes de métro / bus et devait aller récupérer rapidement mon fils. La facilité et rapidité pour télécharger l’appli, s’inscrire et trouver/déverrouiller un vélo est bluffante (5mn pour le tout!). Le nombre de vélos disponibles à proximité à Paris (et 1ere couronne) également.
    De ce point de vue, le Velib fait pâle figure.
    Sur le long terme, je pense que les 2 services sont complémentaires. Le tarif de 50ct la 1/2h sans abonnement est très attractif pour une  utilisation occasionnel (en complément des transports en commun ou lorsqu’on n’a pas son vélo avec soi). La possibilité de stationner son vélo juste devant son lieu de destination également.
    Rendez-vous dans quelques mois pour voir on en sont ces « floating-bikes ».
    (PS : sur les 3 services déployés à Paris, seul Gobee Bike n’a pas de vitesse, ce qui lui confère cependant un atout de poids sur le Vélib !)

  2. The Flying Dutchman

    Bonjour le stéréotype quant aux « asiatiques policés »!

    Surtout que c’est plutôt l’inverse; les Chinois n’ont pas inventé les baguettes par raffinement, mais pour pouvoir mieux pousser le riz du bol à la bouche… La très haute société chinoise était peut-être autrefois extrêmement raffinée, mais cela n’a concerné qu’un nombre très restreint d’individus…

    Jamais entendu paler de ces soi-disant services, mais je ne vois pas bien l’intérêt; comment ces entreprises peuvent-elles faire des bénéfices si ces biclous se transforment en épaves que personne ne voudra louer? Qui aurait envie de « louer », de « payer », même 0,5 euro pour une épave? C’est un concept mort-né!

  3. pedibus

    les collectivités ont le bon vieux « domaine public » et le droit administratif pour se défendre de l’invasion biclouteuse à zieux bridés… :

    bien sûr preuve n’a pas été faite de leur utilité pour ce qui concerne tous les encombrants réutilisés, que sont les véhicules motorisés à n roues et qui ont tendance fâcheuse à faire l’anschluss sur le territoire à pédibus…

    mais ça pourrait changer… et par ricochet concerner la sainte bagnolardise et leurs cousines les pétoires où n = 2 ou 3, voire 4 pour les quads…

    pourquoi ne pas « sacrifier » sur l’autel de la commodité et de l’embellissement une place par-ci par-là,  dévolue au stationnement des pratiquants de Ste-Gnognole, pour stocker sagement son esclave jetable à pédales… ?

    quant aux clients de la chose que la collectivité se retourne contre leur fournisseur ! lequel devrait les mettre devant leurs responsabilités de cocontractant, le tout pour un juste dédommagement :

    pareille entreprise ne peut qu’aboutir à l’avènement des bonnes moeurs…

    que les millions de zélus, techniciens territoriaux et autre tordus du sujet de l’urbanisme et de l’aménagement, qui ne manquent jamais de s’abreuver de mes sages paroles, s’imprègnent de cette suggestion…

     

    ce soir j’ai les guiboles qui enflent, va falloir changer de godasses…

  4. Nioulgui

    ces entreprises font du bénéfice car selon les infos que j’ai pu en glaner leur appli smartphone vous geolocalise pendant l’utilisation du vélo afin de tracer votre déplacement. Elles peuvent ensuite revendre ces données à des tiers qui pourront par exemple vous envoyer de la publicité correspondant aux enseignes que vous rencontrez sur votre parcours …

     

    Quand c’est pas cher ou gratuit c’est que c’est toi le produit…

  5. Laurent

    Ce système est déjà utilisé à Bruxelles et j’avoue avoir déjà observé pas mal de ces vélos abandonnés n’importe où et souvent cassés… l’article et les photos qui l’étayent sont assez réalistes 🙂

    A bon entendeur ami Français.

  6. Vince

    Ce qui me désole ce n’est pas la mise en place d’un nouveau service (privé) de prêt de vélo, après tout pourquoi pas, c’est l’usage qui en fait par nos concitoyens.

    Vélos non attachés = vol et dégradation très rapides. Ce n’est pas à moi alors je casse. Fermez le ban.

    C’est navrant.

     

  7. Julien Langé

    Bonjour tout le monde,

    et merci Marcel Robert pour l’article, qui ouvre le débat. Merci aux premiers commentateurs, notamment celui qui précise (je confirme l’information) que ces vélos sont destinés à « capter les données » des utilisateurs : c’est dans ce « vol » que réside le pseudo modèle économique de ces vélos. Personnellement je les ai déjà rebaptisé des « chevaux de Troie », « trojans » en langage informatique : le vélo n’est plus qu’un vulgaire (et bien peu avenant, si peu fonctionnel) prétexte pour une autre vision du monde.

    Cela ne faisait par ailleurs aucun doute que ces vélos seraient vandalisés par les uns, abandonnés négligemment par les « moins » négligeants et très rarement rangés correctement pour ne pas gêner les autres usagers de l’espace public. J’en tire provisoirement deux enseignements :

    1/ quand « on » (le marché, le monde mû par des start up qui sortent d’on ne sait où, les villes qui disent « amen » parce que ça semble miraculeusement les dispenser de dépenser un centime pour les mobilités actives, pourtant la seule véritable solution pour faire respirer nos espaces de vie) propose un pseudo service qui se présente d’emblée comme jetable, il ne faut pas s’étonner qu’il soit utilisé comme tel. Je n’incrimerais donc pas trop vite les utilisateurs indélicats…J’attends plutôt des villes, des pouvoirs publics, une réaction rapide et fermer pour rectifier ce qui s’apparente tout simplement à une privatisation de l’espace public;

    2/ les photos sélectionnées des « garages » improbables me font plutôt sourire, et m’inspirent que certains utilisateurs montrent la voie d’une saine réaction : sans pour autant vandaliser les vélos, ils pointent par ce jeu assez drôle le fait qu’on nous prend vraiment pour des imbéciles. De même qu’il faudrait se débarasser des téléphones portables « mouchards » de nos existences, il faut mettre hors d’état de nuire ces vélos qui n’en sont pas et qui nous pistent. Qui sont même l’antithèse du vélo, source de liberté dans la ville, d’autonomie, de reconquête du temps social individuel et collectif, etc, etc. Le vélo, source de civilisation et de civilité, de belles rencontres, de ville plus douce, d’espace public à tous. J’ai presque envie de dire merci à ceux qui juchent dans des endroits improbables ces « trojans » de la pire espèce.

    Quant à savoir si ces bidules font reculer le moment où nous prendrons (citoyens, pouvoirs publics) vraiment au sérieux la force du vélo pour changer la ville et la rendre vivable à ses habitants :

    • à court terme, vous avez raison…le petit effet de mode du « nouveau bidule » à essayer va jouer un temps;
    • mais le prix, les désordres sur la voie publique, le vandalisme et surtout l’absence d’entretien (j’imagine assez bien que ces compagnies vont tout simplement en remettre en circulation régulièrement, et n’ont aucune intention de récupérer ou d’entretenir ceux qui disparaissent dans le canal…) vont je l’espère faire apparaître au grand jour l’inanité de cette solution…On aura quand même perdu encore quelques mois ou quelques années, et ça c’est vraiment navrant.

    Regardons plutôt ce que proposent les associations, les entreprises d’insertion qui recyclent des vélos, les collectifs bien sûr, les petites sociétés comme cyclofix, ridy et bien d’autres (réparation à domicile), veloptimo et leurs solutions de partage de vélos recyclés et d’aménagement des locaux à vélo, etc. Et soudons nous pour soutenir, fédérer, faire connaître ces solutions, les aider à se développer : nous ne voulons pas le changement, nous sommes le changement! Nous sommes des millions qui aspirons à partager de bons vélos et sa civilité. Beaucoup de gens ignorent encore qu’ils ont encore un petit vélo en eux…

    A bientôt pour amplifier le mouvement

    Julien

     

  8. Vince

    Un simple vélo vert un cheval de Troie parce qu’il est connecté, que dire de la voiture hyper-connectée dès lors ??

    Nul doute que la voiture autonome sera tracée, les voitures de prêt ou de location doivent déjà l’être, il s’en faut de peu pour que l’ensemble du parc auto le soit, on parle déjà de remplacer la clef ou la carte par le smartphone.

    Peut-être êtes-vous passé à côté de l’article du code la route qui instaure la possibilité d’un traçage par les forces de l’orde  Code de la route – Article L311-2

    Pour ma part je préfère toujours croiser un vélo quel qu’il soit qu’une de ces carapaces monstrueuses qui nous enfume.

  9. Jurvillier

    On peut quand même douter de l’efficacité des parents et de l’école à former des citoyens responsables.

    Soudain, je me souviens, mais c’est un autre sujet, que lorsque j’étais gamin (disons il y a 60 ans), il était d’usage de garer son vélo en ville dans le caniveau, pédale calée sur trottoir. La chaussée n’était pas réservée aux 4 roues.

  10. pedibus

    Nul doute que la voiture autonome sera tracée […]

    putain qu’on la trace celle-là, et qu’on ponctionne autant de fois 135 balles sur le compte en banque de l’indélicat qui l’aura posée sur le trottoir…

    idem pour les hétéronomes des captifs du système bagnolotrope…

    à 15 millions d’€ le km de tram ça fait 112.000 bouseux à roulettes à siphonner, pour reconquérir l’espace viaire des villes…

    et avec les quarante millions de pétainistes de la digne association, en coller un une seule fois ça fait rien de moins que 360 km de tram…

    36 lignes de 10 km…

    12 réseaux de province à trois lignes… :

    offrez-en gratis à :

     

    – Amiens

    – Lorient

    – Boulogne

    – Calais

    – Arras

    – Dunkerque

    – Quimper

    – Poitiers

    – Limoges

    – Bourges

    – La Rochelle

    – Angoulême

    – Périgueux…

     

    … pour commencer. La treizième agglo c’est un accompte pour la suite.

     

     

     

    principe emmerdeur-payeur… : ça rapporte…

  11. Jeannot

    On peut tout de même se réjouir que le vélo grignote un peu de l’espace public dans nos villes envahies par la bagnole.

    La simplicité et le coût raisonnable d’utilisation incite des millions de chinois à utiliser ce type de vélo chaque jour…C’est toujours mieux que de prendre la bagnole ou de s’enfermer comme une sardine dans un bus.

    Pour ce qui est du vandalisme et du vol, je trouve étonnant cet inversement des valeurs qui consiste à blâmer les sociétés gestionnaires de ces vélos plutôt que les racailles qui volent et détruisent tout ce qui leur tombe sous la main. C’est la même façon de penser à propos des femmes victimes d’agression sexuelles qui « l’ont bien cherché » avec leur tenue provocante…

    Enfin, les gens de gauche devraient se réjouir de voir ces tas de vélos. L’abondance de biens qui permet la « prise sur le tas » est l’objectif des sociétés communistes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_au_tas

     

  12. pedibus

    oui Jeannot, après la « raison d’Etat » place à la raison des tas…

    non, non… pas boaaa

  13. Florent

    @Jeannot:

    Effectivement, je me dis que j’aurais du en profiter, en voyant un de ses amoncellement dans un recoin d’une ville de banlieue parisienne il y a quelques jours, que j’aurais du me servir en pièces détachées…

    Malheureusement, le « service » n’est pas encore arrivé chez moi…

  14. vince

    Ils s’en vont c’est un peu normal, si je prête mon vélo et qu’on me le bousille j’aurais du mal à le prêter une seconde fois.

    Balancer son vélo par terre ou le casser parce que ce n’est pas le sien, c’est un peu comme jeter des sacs plastiques dans la nature ou des boues rouges dans la mer…

     

  15. pedibus

    oui Tomô, peut être que les municipalités auraient dû se concerter avec l’entreprise pour prévenir cette issue…

  16. achkael

    comment on peut etre aussi abrutis et croire que la population va utiliser un service gratuit sans le détruire.

    Penser que les gens sont respectueux c’est comme penser que le racisme n’existe pas.

  17. Guillaume

    Cela fonctionne très très bien à Shanghai, c’est tout simplement génial et j’utilise tous les jours (comme la plupart des gens ici en fait).

    C’est un peu plus le bordel dans d’autres villes de Chine où les gens sont en général moins civilisés c’est vrai.

    Mais OFO et Mobike (les 2 plus gros en Chine) ont embauché beaucoup de monde pour ranger les vélos là où il y en a beaucoup, et c’est maintenant très clean.

    Mais comme d’habitude les français ne sont pas ouverts à l’innovation.

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