L’automobile est une arme

Un parallèle intéressant peut être fait entre les armes légères et les automobiles : 639 millions d’armes légères sont en circulation alors que le nombre total de voitures et utilitaires sur Terre est d’environ 880 millions en 2005. (Source: Carfree France)

Environ 80 millions d’armes légères sont produites chaque année. On produit environ 45 millions d’automobiles chaque année (42 millions en 2002).

Chaque année, les armes légères tuent environ 300 000 civils dans le monde… L’insécurité routière provoque la mort d’environ 1,2 million de morts et de 20 à 50 millions de blessés chaque année… (Source OMS)

Les carcasses métalliques sont les tanks dans lesquels s’enferment les soldats de la guerre de consommation outrancière. La prise de contrôle est anti-sociale, et dangereuse qui plus est! Une véritable arme contre le développement humain harmonieux.

Ces chiffres ne concernent sans doute que les accidents directement provoqués par des véhicules motorisés et ne tiennent pas compte des atteintes indirectes : morts des suites d’insuffisances respiratoires, de maladies ou cancers dus à la pollution, etc.

L’auto est peut être devenue indispensable et incontournable pour beaucoup, mais force est de constater qu’elle est aussi nuisible qu’une arme à feu.

Il y a un phénomène de transfert de l’arme, du fusil à la voiture

Dans des sociétés guerrières qui se sont élevées au rythme des arquebuses, des fusils et des canons, et qui sont constamment nourries de films avec des acteurs armés, la soupape de sécurité, hormis le football et la TV, est bel et bien la voiture.

La voiture est le moyen d’assouvir sa petite dominance sur un terrain civilisé que nous voyons sauvage à travers des yeux d’enfants qui n’ont jamais désiré autre chose que le statut social et sexuel par le plus simple des moyens.

Dans notre société d’accès à la consommation et aux richesses matérielles, l’effort de vie n’est pas bien vu; au contraire, la conformisation est de mise, et le chemin le plus court vers cette richesse de pacotille est celui le plus souvent abordé. Le seul moyen dans cette société qui ne nous laisse que le choix de la facilité dégueulasse ou de la lutte quelque peu marginale, les gens ont vite fait leur choix; et chaque jour, les gens manifestent les pulsions et l’envie de dominance/possession par le biais des outils qui sont mis à disposition: les richesses-gadget, l’attitude agressive (« me pique pas ma richesse », « ne me diminues pas dans ma position de riche »).

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L’objet où passe toute cette dominance/possession est la voiture, symbole de la liberté d’évolution dans ce milieu.

Pour en revenir au concept de l’arme, certes les gueux n’ont jamais détenus le droit de chasse (réservé aux rois), ni même possédé les armes à feu jusqu’à une certaine époque, mais cette époque est arrivée et le fusil s’est démocratisé.

Certes, nous n’en sommes pas au stade de la société « Etats-unienne », entièrement fondée sur le port de l’arme à feu et de la paranoïa, mais nous connaissons les armes nous aussi dans notre Histoire, notre vécu national, et de même par le biais des films sacralisant l’arme comme objet spectaculaire et dominant.

Cela nous atteint, et inconsciemment régit quelque peu notre attitude face à cet environnement construit sur un modèle de domination par l’arme, quelle qu’elle soit.

Le mélange du symbole domination/possession de la voiture est très vite mis en rapport avec la domination de l’arme.

Le cerveau a encore beaucoup de secrets, mais il est facile d’entrevoir que l’être humain, bercé depuis son enfance dans de telles conditions, puisse faire sub-consciemment des associations.

Il n’y a qu’un pas entre l’association inconsciente d’idées et la répercussion dans nos gestes quotidiens. Même infimement, nous pouvons déceler l’attitude néfaste qui résulte de ce melting-pot de sensations vécues, et des variations de comportements.

Tout ne devient pas une arme, mais ce qui est source de domination, de possession et de statut social devient une arme d’affirmation; la notion d’arme ne peut qu’être impliquée suite à notre passé sauvage et guerrier, et au fait qu’il en est toujours ainsi même à notre époque plus civilisée.

Il va se passer énormément de temps avant que certaines des sociétés humaines, qui n’ont pas à l’aube des temps banni la notion de velléité et de domination excessive, puissent arriver à un stade où possession et domination sur l’autre (et sur le symbole que représente la société même) aient complètement disparu des esprits.