Pourquoi la voiture rend agressif?

J’ai déjà entendu des psychologues développer avec talent leur point de vue sur la question: « pourquoi la voiture rend-elle agressif? », mais je ne les ai jamais entendu aborder cette question de la manière que je me propose de développer ici. C’est peut-être parce qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de se déplacer en ville avec un vélo entre les jambes, ce qui leur aurait permis de comparer le transport automobile à un autre mode de transport individuel, et de comprendre tout de suite pourquoi il est si éprouvant pour les nerfs.

La raison que je vois en est en effet toute simple: en ville, à vélo comme en voiture, contrairement aux transports en commun, on est obligé d’agir pour avancer. En métro ou en bus, on se laisse porter et on se désinvestit donc de l’action d’avancer. Mais quand on conduit soi-même, on est obligé de s’intéresser, et même de désirer, le fait d’avancer. Or chacun sait qu’en ville ce désir est fréquemment contrarié. Face à cette contrainte (obstacle au désir d’avancer), l’automobiliste est aussi démuni que possible puisqu’il n’a aucune possibilité de réagir: il ne peut que subir et attendre. Le cycliste; lui, a deux avantages: le premier, c’est qu’en raison de l’espace qu’il occupe, rien ne l’arrête (tandis que les cinq mètres carrés que s’octroie l’automobiliste le paralysent), et le second c’est qu’à cette contrainte il répond toujours par une dépense d’énergie, ce qui est physiologiquement indispensable comme l’ont prouvé les expériences de Henri Laborit sur des rats (je ne suis, loin s’en faut, un partisan de l’expérimentation animale, mais puisque celles-là ont déjà été faites et que leurs résultats sont connus, autant les utiliser). L’expérience consistait à soumettre des rats à un stress (décharges électriques) à intervalles réguliers. Si les rats étaient seuls dans leur cage, ils développaient des maladies psychosomatiques et finissaient par mourir, tandis que ceux qui étaient plusieurs par cage se battaient pendant les décharges électriques et n’attrapaient pas de maladies.

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Je propose donc que les automobilistes se munissent d’un matériel élémentaire de combat (poings américains, couteaux, bâtons) en prévision des embouteillages et qu’ils occupent efficacement le temps qu’ils y passent en se tapant sur la gueule afin de dépenser suffisamment d’énergie pour rester en bonne santé, ou alors qu’ils choisissent un autre moyen de transport, comme le vélo ou les transports en commun. En effet, la dépense d’énergie qui défoule du stress n’a nullement besoin d’être agressive, tous ceux qui ont déjà pratiqué un sport vous le diront.

Mesdames et Messieurs les conducteurs, plutôt que de fustiger vos semblables depuis votre forteresse de métal, utilisez donc votre belle énergie à militer. Si la diminution du trafic urbain devient un de vos soucis quotidiens, il diminuera inévitablement.

Par exemple:
– Votre opinion et votre vote obligeraient les aménageurs à concevoir des cités homogènes, sans cités-dortoirs ni centres commerciaux loin de tout. La marge de manœuvre des pouvoirs publics est extrêmement réduite: l’opinion publique a beaucoup plus de pouvoir qu’eux.
– Si vous utilisiez plus les transports en commun et les vélos, ça rentabiliserait les transports en commun qui existent déjà, ça permettrait d’en créer d’autres, et ça obligerait les aménageurs à tenir compté des vélos. Bien sûr, on va me répondre, « en hiver, il fait trop froid pour faire du vélo », c’est sans doute pour ça que plus on s’éloigne de l’équateur, plus on voit de vélos en ville.

Philippe

Source : Pour une ville sans voitures