Avec l’effondrement attendu du marché immobilier et le coût croissant de l’essence, le mode de vie périurbain avec ses lotissements, ses pavillons, son étalement urbain démesuré et sa dépendance généralisée à l’automobile commence à être à l’agonie. La fin prévisible de l’étalement urbain est sans doute une bonne chose à la fois pour la population, l’environnement et la planète.
Par Eduardo M. Peñalver
Le Washington Post, 30 décembre 2007
L’effondrement du marché du logement et les prix élevés de l’essence sont une mauvaise nouvelle pour les propriétaires de la classe moyenne habitant dans le périurbain. Malgré tout, il se peut que l’inexorable étalement urbain qui a caractérisé le développement et l’aménagement du territoire depuis la Seconde Guerre mondiale soit peut-être enfin arrivé à son terme. Étant donné les liens entre la dépendance à la voiture, le développement de l’habitat périurbain, les changements climatiques, la destruction des espaces naturels, l’obésité et l’isolement social, la fin de l’étalement urbain ne peut venir trop tôt.
L’étalement urbain s’est développé sur les deux piliers que sont le faible prix de l’essence et une demande importante de logements, conjugués avec les effets restrictifs du zonage en vigueur en milieu urbain, ce qui a poussé vers l’extérieur des villes le développement de nouvelles formes d’habitat bon marché en milieu rural, que ce soit la périurbanisation (urbanisation en périphérie des villes dans les limites des aires urbaines) ou même la rurbanisation (urbanisation en milieu rural).
Les classes moyennes, ne trouvant pas les logements qu’elles cherchaient en ville ou dans les banlieues, ont préféré acheter leur maison individuelle en périphérie et dépendre ainsi de leurs voitures pour accomplir l’ensemble de leurs activités (travail, courses, loisirs, etc.).
Les embouteillages et la congestion automobile quotidienne aux portes de la ville ainsi que le coût élevé des services municipaux pour des espaces à faible densité de population ont imposé leurs propres limites quant à savoir jusqu’où nous pouvions tolérer un tel étalement urbain. En conséquence, la densité des zones métropolitaines, qui avait régulièrement baissé pendant des décennies, avait commencé à se redresser dans les années 1990. Cependant, malgré l’effondrement du marché immobilier et les prix élevés du carburant, les forces centrifuges de l’urbanisation ont amené la périurbanisation toujours plus loin vers les espaces ruraux.
Au cours de l’année écoulée, ces deux forces ont considérablement faibli. Avec le crédit resserré et l’assèchement de la demande de logements (les ventes de logements neufs ont chuté le mois dernier à leur plus bas niveau en 12 ans) , les nouvelles constructions en milieu périurbain et rural atteignent leur limite. Il en résulte un déclin de l’industrie du bâtiment et de la construction dans les espaces périurbains et ruraux par rapport aux zones urbaines centrales.
La question est maintenant de savoir si cette baisse va durer. Dans le passé, une brusque chute de la demande de logement dans les exurbs, ces banlieues excentriques centrifuges, aurait représenté seulement un hiatus. Les constructeurs et les promoteurs immobiliers auraient pris leur mal en patience jusqu’à ce que le marché du logement récupère, et la fuite en avant toujours plus loin dans le périurbain aurait bientôt recommencé à nouveau.
Mais la persistance de prix élevés concernant l’essence signifie peut-être que le prochain boom de la construction aura lieu non pas sur le bord des zones métropolitaines, mais beaucoup plus près de leur cœur. Les gens sont plus disposés à rouler 60 km aller-retour chaque jour pour aller travailler, en brûlant près de 8 litres d’essence, lorsque le carburant coûte moins cher que le lait. Mais comme le prix de l’essence monte, les migrations pendulaires liées aux déplacements domicile-travail se transforment en « taxe de périurbanisation », et le prix que les gens sont prêts à payer pour ces maisons dans les zones reculées tombera.
Augmenter le prix du carburant peut ne pas être suffisant pour pousser les gens à se déplacer, mais l’augmentation continue du prix de l’essence peut influencer les gens dans leur choix de localisation quand ils sont obligés de se déplacer pour d’autres raisons. Et cette situation commence déjà à se produire, même si cela reste encore anecdotique. En effet, comme la revue New Urban News l’a signalé cet automne, au cours de la présente récession, accompagnée comme on le sait par les prix élevés de l’essence, des maisons à proximité de centres urbains ou qui ont un accès facile aux transports publics semblent tenir leur valeur mieux que les pavillons des lotissements périurbains dépendants de l’automobile.
Si les prix à la pompe continuent d’augmenter, et de nombreux analystes s’y attendent, le rétablissement éventuel de la demande de logements neufs ne peut pas être accompagné d’une reprise de la marche implacable de l’étalement urbain.
La fin de l’étalement urbain présentera d’énormes défis, le principal d’entre eux sera la nécessité d’offrir un logement aux classes moyennes dans des espaces urbains déjà construits. Accueillir une population croissante à l’ère des prix élevés de l’essence se traduira par l’augmentation de la densité et une mixité croissante dans l’occupation des sols afin de renforcer la marchabilité des espaces urbains et l’efficience des transports en commun.
Et cela doit se faire non seulement dans les centres urbains, mais aussi dans les banlieues, où la croissance est entravée par des règlements de zonage inadaptés. Afin de surmonter la basse densité et l’usage monofonctionnel des sols, il faudra une coordination au niveau régional pour répartir équitablement les coûts de l’augmentation de la densité. Il faudra également surmonter la « balkanisation » des zones métropolitaines. Ce glissement vers une perspective régionale plus large va forcer à repenser la manière dont nous finançons les services publics fournis par les communes.
Bien que la fin de l’étalement nécessitera des changements douloureux, elle offrira également une occasion indispensable de dresser le bilan de la dépendance à la voiture et de la privatisation avancée de la société au cours des 60 dernières années et de commencer ainsi à imaginer les différentes façons de vivre et de gouverner. Nous risquons de découvrir que ce n’est pas si mal de vivre plus près de son travail, accessible en transport en commun ou même à pied, dans des quartiers où nous rencontrons des amis et des voisins, où nous marchons à pied jusqu’à l’épicerie, à l’école ou au bureau. Nous pourrions même trouver que la voiture, les longs déplacements domicile-travail et la culture qu’ils ont créée ne nous manquent pas.
L’auteur est professeur agrégé à la Cornell Law School (Ithaca), où il enseigne la propriété et le droit des sols.
Source : The End of Sprawl?, Eduardo M. Peñalver, 30 décembre 2007, Washington Post.
Pour en savoir plus : Les lotissements périurbains seront les bidonvilles du futur.
yo ,je suis daccord men XD 🙂 hahahahaha