L’amende écologique sur les voitures

La Commission européenne propose de taxer les voitures qui dépasseraient un certain seuil d’émission de CO2. Il s’agirait de la première amende écologique européenne. Le principe est accepté mais les modalités sont très controversées.

La Commission vient d’inventer la première amende écologique appliquée aux voitures. Elle propose de taxer les constructeurs automobiles dont les émissions en CO2 dépasseront un certain seuil. L’objectif étant de baisser le niveau moyen d’émission de CO2 des voitures en Europe de 160 grammes par km en 2006, à 130 voire 120 grammes en 2012. Si le principe d’une cible et d’une pénalité en cas de dépassement est accepté, bon gré mal gré, par tous, en revanche, les modalités de calcul sont controversées.

La fixation du seuil d’émissions autorisé se fait non par voiture mais par constructeur. La proposition entraîne une contrainte pour tous les constructeurs automobiles. Très attentive des intérêts allemands, spécialisés dans les voitures puissantes et par conséquent plus polluantes, la Commission a choisi un système de calcul où les seuils sont liés au poids des voitures, mais plus le véhicule est lourd et moins les contraintes sont fortes. Un système paradoxal, dénoncé par la sénatrice Fabienne Keller qui considère qu’il aurait été plus cohérent, pour limiter les émissions de CO2, de pénaliser les grosses voitures comme le fait d’ailleurs le système de Bonus Malus. Le 9 juin, un accord franco allemand, clairement favorable aux constructeurs d’outre Rhin, mais conclu fort opportunément juste avant la présidence française, mais met fin aux différents entre les deux pays.

La pénalité est calculée en multipliant le nombre de grammes excédentaires par rapport au seuil autorisé par un prix unitaire du gramme, fixé à 95 euros en 2015, et par le nombre de véhicules vendus par le constructeur en Europe. La pénalité pourrait donc atteindre plusieurs centaines de millions d’euros par constructeur. Un montant sans comparaison avec les pénalités prévues depuis 2005 par le marché européen des quotas d’émission des industriels les plus polluants (cimenteries, raffineries…) puisque l’amende sur les émissions excédentaires est alors de 100 euros la tonne de CO2. 100 euros la tonne contre presque 100 euros le gramme ? Mais, dans un cas, la Commission sanctionne l’établissement industriel tandis que dans l’autre cas, la pénalité est calculée par voiture. Même recalculée sur la pollution induite sur la durée de vie d’un véhicule, la pénalité d’un constructeur serait de 700 euros la tonne soit sept fois plus que le prix appliqué à l’industrie lourde. Cet écart n’a aucun sens sur le plan environnemental, puisque le CO2 est le même qu’il vienne des voitures ou des fumées d’usines, mais c’est le niveau, clairement dissuasif, que la Commission a estimé nécessaire pour s’assurer d’une adaptation des constructeurs.

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La pénalité reviendrait au budget communautaire au même titre que les amendes pour pratiques anticoncurrentielles (comme Microsoft condamné à 492 millions d’euros en 2007 pour abus de position dominante) ou que les astreintes fixées par la Cour de Justice à l’encontre des Etats n’appliquant pas les directives européennes (comme la France condamnée à 58 millions d’euros en 2005 pour la pêche de poissons inférieurs à la taille minimum). L’ensemble des amendes et astreintes actuelles représente en moyenne 550 millions d’euros par an. Mais cette fois, la recette écologique pourrait atteindre plusieurs milliards. Un dépassement de 3 grammes sur l’ensemble des ventes en Europe entrainerait une amende de 4 milliards d’euros à moins, comme le pense la Commission, que la pénalité soit tellement dissuasive que les constructeurs préfèrent s’adapter.

Comment éviter de payer la pénalité ? Les constructeurs peuvent soit investir dans de nouveaux modèles moins polluants, sachant que le surcoût, reporté sur le prix, est estimé entre 1100 et 2500 euros par voiture, soit privilégier les petits modèles, soit… se débarrasser des gammes les plus polluantes, tel Ford vendant Jaguar et Land Rover (300 g CO2/km) à Tata, en début d’année. Un hasard, sans doute.

Source: Le Monde éco
Auteur: Nicolas-Jean BREHON