Tu me demandes, puisque j’évoque la disparition des machines personnelles sur notre planète, ce que sont devenus nos « véhicules particuliers » qui, chez nous comme sur votre planète Terre, ont été pendant bien longtemps le nerf de la guerre.
Hé bien nos voitures à nous (j’utilise volontiers votre vocabulaire), ont été pour la plupart désossées et recyclées! Oui mon Barack, aussi sacrilège que cela puisse paraître à une société aussi autocentrée que la vôtre ! Et là aussi, nous avons découvert quelque chose : nous étions persuadés de susciter une révolution en supprimant la sacro-sainte voiture, mais la voiture s’est supprimée sans besoin de nous : elle a englouti tout le liquide magique qui la faisait tourner. Quand les gens ont compris qu’il n’y avait réellement plus une goutte de pétrole, sauf les quelques millions de barils qu’il nous fallait absolument réserver à des usages pour lesquels nous n’avions encore trouvé strictement aucune alternative, et qui relevaient de la sécurité publique, ils se sont simplement inclinés.
Jusque là, nous n’avions fait que leur mentir sur la situation, comme à des enfants irresponsables. A croire nos sages, il ne fallait pas attendre d’eux une pensée d’adulte. Avec la disparition du pétrole, l’heure n’était plus aux théories et au clientélisme. Il nous suffisait d’offrir de réelles alternatives aux transports privés, et les mœurs suivirent.
Qu’est-ce que nous avons fait sur notre planète qu’il vous reste à faire ?
Nous avons, en l’espace de dix ans, doublé les kilomètres de transports en commun (kilomètres, je dois te l’avouer, que nous nous étions efforcés comme vous de fermer au siècle précédent). Les chômeurs issus de l’automobile qui ont été impliqués dans ce gigantesque chantier en ont tout de suite compris l’intérêt : ils travaillaient enfin pour un domaine qui ne connaîtrait jamais de concurrence, jamais de dumping, jamais de délocalisation. Une industrie aux perspectives immenses les attendait.
Quant aux utilisateurs, je te laisse juger : dans un rayon de 50 kilomètres autour de chez lui, chacun peut désormais se déplacer gratuitement, et dans un confort total. Il va travailler ? Aucune entreprise, aucune collectivité n’est située à plus de 700 mètres d’un arrêt de transport collectif. En zone urbaine, ces arrêts sont desservis toutes les 4 minutes, en zone rurale toutes les 15 minutes. Il part s’acheter un meuble ? Il se rend au magasin en transport collectif ou à vélo, il est livré le lendemain par une navette. Il a besoin d’un bol d’air ? Des bus sillonnent la campagne pour l’acheminer et le reprendre à peu près n’importe où sur les routes.
Tu imagines une quelconque frustration dans tout cela, toi ?
Un de ces jours, je te raconterai tous les avantages cachés d’une vie sans voiture. Et aussi ce qu’est devenu ce que vous appelez le tourisme.
D’ici là, je te souhaite une très bonne route, mon cher Barack (à vélo, bien sûr).
Source: http://www.chapitre3.net/
Un essai-roman-blog interactif pour en finir avec le catastrophisme et tous les « There is no alternativ ». Pour écrire ensemble un autre avenir, non seulement possible mais réjouissant.
Sur le blog, le chapitre suivant est également excellent. Tout en légèreté et finesse, comme je sais pas faire 🙂 Bravo
Excellent, j’adore, enfin de la SF optimiste.
Idée intéressante: l’idée des « machines personnelles », mais je ne suis pas convaincu par l’idée que la fabrication des transports en commun absorberait la main-d’oeuvre de l’industrie automobile. Cette histoire d' »emploi verts » est très présente dans la pensée de Ségolène Royale qui croit avec naïveté en l’avenir de l’automobile électrique. Loin de moi l’idée de critiquer la recherche/développement en la matière, mais affirmer que l’industrie de la voiture électrique permettra de résorber les excédents de la main d’oeuvre des constructeurs me semble très naïve: la même naïveté que celle de croire que la construction des rames de tramway résorbera le chômage de l’industrie automobile si compromise en France.
Des économistes allemands ont démontré que la disparition de l’automobile individuelle crée plus d’emplois dans les services de messagerie, d’autopartage et de transport collectifs qu’elle n’en détruit chez les concessionnaires, garagistes et constructeurs. Leur étude balaye l’argument classique « automobile=emploi ».
Les possesseurs d’automobiles payent 5000 € par an en moyenne qui vont dans les poches de grands groupes, de banques et de pays étrangers qui n’ont que faire de notre sort.
Une famille grenobloise s’est débarrassée de sa voiture, sans réduction de mobilité avec les TC, le vélo et l’autopartage, et a divisé son budget transport par 2 sans pour autant réduire ses sorties à la campagne ou à la montagne, où les transports en commun ne vont pas forcément. Budget qui, de surcroît, rémunère des emplois non délocalisables et beaucoup moins les banques et les assureurs.