Le moteur à eau : un mythe à couler

« Le moteur à eau existe et il ne demande qu’à être développé. Cette invention n’est pas mise en œuvre à cause des compagnies pétrolières qui rachètent tous les brevets pour continuer à engranger des milliards sur le pétrole et protéger leur business ». Voici résumé en quelques lignes le mythe du moteur à eau … Ce moteur permettrait de rouler en remplissant son réservoir avec de l’eau, gratuite et inépuisable. Le seul problème est que l’eau est une molécule stable et qu’elle ne contient aucune d’énergie. Bref, autant mettre des cailloux dans son réservoir, ça revient au même. Ce fantasme collectif, largement répandu, des médias jusqu’aux écologistes, fait cependant référence à deux types de moteurs qui ne sont pas si géniaux que la légende, dont voici le principe.

Le moteur à hydrogène

En associant 2 molécules de dihydrogène (H2) et une molécule de dioxygène(O2), on obtient alors 2 molécules d’eau (H2O). [2H2 + O2 → 2H2O] Cette réaction libère de l’énergie qui peut alimenter un moteur. Le moteur à hydrogène pourrait donc être propre puisque son déchet est l’eau. Le seul problème est que le dihydrogène n’existe pas dans la nature. Il faut donc le fabriquer. La solution la plus fiable est d’utiliser l’électrolyse de l’eau. C’est la réaction inverse [2H2O → 2H2 + O2 ]. Mais cette réaction nécessite de l’énergie…Concrètement, il faut faire circuler un courant électrique dans l’eau qui provoque la création de gaz H2 et O2 aux bornes de l’electrolyseur.

Mais d’après les lois de la physique, si l’explosion des molécules d’hydrogène et de dioxygène libère de l’énergie, la réaction inverse en nécessite au moins autant. De plus, entre les deux manipulations, il y a déperdition… L’hydrogène est donc simplement un vecteur d’énergie dont sa valeur énergétique sera inférieure à sa source d’énergie. La source d’énergie étant de l’uranium, du charbon ou du pétrole, selon la nature de la centrale électrique qui produira le courant électrique nécessaire à l’électrolyse… bref, ce n’est pas plus écologique que de rouler avec un moteur à essence.

Le moteur pantone

C’est une technologie ancienne. Il s’agit d’ajouter un peu de vapeur d’eau pour améliorer le rendement du moteur. Cet ajout d’eau ne peut être que très marginal. Le système pantone ne fonctionne que sur des gros moteurs fixes (comme un groupe électrogène) car le système d’injection d’eau alourdie les véhicules. Ce moteur fonctionne toujours à partir d’un carburant fossile et l’amélioration du rendement ne compense pas le surplus de consommation lié à l’augmentation de masse du véhicule.

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Pourquoi ce fantasme ?

Le « moteur à eau » révèle un fantasme bien ancré dans l’inconscient collectif dont l’origine peut remonter au scientisme du XIXème siècle. En effet, dans notre société de consommation, la science a été inconsciemment sacralisée. On croit en la science, on a foi en la capacité de l’homme à trouver de nouvelles techniques. Cette croyance permet ainsi de s’affranchir de sa responsabilité personnelle et politique. Je continue à utiliser ma voiture sans me remettre en cause puisque je transfère ma responsabilité sur celle des méchants groupes pétroliers qui cachent les solutions qui permettent de rouler sans polluer…idée contredite par les faits, ce sont les premiers investisseurs en matière d’énergies alternatives, car ce sont les premiers à envisager le monde de l’après pétrole. Enfin on croit toujours que la science rectifiera le tir car jusque là, des actes qui paraissaient inconcevable il y a moins d’un siècle sont aujourd’hui courants. Se déplacer à plus de 60 kilomètres/heure, traverser un océan en moins de 10 heures, parler à distance, enregistrer images et voix…

Mais la physique a des limites. On ne se déplacera jamais plus vite que la lumière. Les prévisions météo ne dépasseront jamais 15 jours. On ne crée pas d’énergie… et le moteur à créer de l’énergie n’existera jamais. Il faudra donc, comme dit si bien Albert Jacquard, faire avec notre planète et nos ressources… et ces ressources, on les connaît. On en connaît les propriétés, les limites et les dangers.

Article très largement inspiré d’un article de Raoul Anvélaut paru dans le journal de LA DECROISSANCE et la joie de vivre n°26 d’avril 2005. N’hésitez d’ailleurs pas à lire la décroissance.

Source: www.larevolutionencharentaises.com

11 commentaires sur “Le moteur à eau : un mythe à couler

  1. jean-louis

    et alors? où voulez vous en venir? qu’il faut arrêter de taper sur total car ils cherchent des nouvelles energies alternatives?

  2. Gari

    J’aime beaucoup ces deux phrases, qui me semblent particulièrement pertinentes et percutantes :
    « On croit en la science, on a foi en la capacité de l’homme à trouver de nouvelles techniques. Cette croyance permet ainsi de s’affranchir de sa responsabilité personnelle et politique. »

  3. Nicolas

    En effet, j’ai rencontré ce type de croyance chez plusieurs personnes s’affichant comme écologistes (de par les produits qu’ils consomment) avec attirail ésotérique (nommé spiritualité). Le problème, c’est que lorsque l’engagement écologique et spirituel doit un jour se décliner en engagement politique concret, ces personnes nous surprennent émettant des propos violents du type « tous pourris », y compris à l’égard du simple conseiller municipal, et en appellent à la théorie du grand complot, moyen facile pour se débarrasser de toute responsabilité. C’est d’ailleurs dans ces cas que l’on voit comment une idée mal comprise de la nature et du retour à la campagne ressemble chez certains à une forme de conservatisme droitier.

  4. Fanfanlu

    Comme Jean-Louis l’a souligné je reste pantois dans l’affirmation que « les groupes pétroliers (…) sont les premiers investisseurs en matière d’énergies alternatives » alors là des preuves ! un très bon article dans Terraeco sur BP montre bien qu’ils ont réduit leur investissements dans les énergies alternatives pour développer les plateforme offshore, on a bien vu le résultat. Et quid de Total et ses copains qui investissent à fond dans le sable bitumeux ? c’est ce que vous appelez l’énergie alternative ? belle perspective…
    Non les grands groupes pétroliers ne voient pas plus loin que leur nez, veulent de la rentabilité à court terme et se lancent dans des investissements à côté de la plaque…

  5. CarFree

    Je confirme ce qui est dit dans l’article, les compagnies pétrolières sont bien les premiers investisseurs dans les énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse, hydraulique, etc.), tout simplement car ce sont eux qui ont le plus d’argent… Rien que pour Total, c’est plus de 10 milliards d’euros de profits tous les ans… Vous en connaissez beaucoup des entreprises qui ont un tel rendement? Oui, BP, Exxon, Shell, etc.
    Alors bien sûr, avec tout cet argent, ils nourrissent grassement leurs actionnaires et ils investissent massivement dans le off-shore ou les sables bitumineux… Sauf qu’au bout du compte, il leur reste encore des centaines de millions d’euros à investir dans le solaire, l’éolien, l’hydraulique, etc. Diversification, coco!
    Et ce ne sont pas les « petites boites » du genre Enercoop ou autres qui peuvent se vanter d’investir autant d’argent dans les énergies renouvelables… C’est tout simplement un effet de masse, pour la raison évoquée dans l’article (les compagnies pétrolières préparent déjà leurs profits de demain dans un monde post-pétrole), mais aussi pour d’autres raisons: ne pas mettre ses oeufs dans le même panier, verdir son image auprès du grand public, etc.

  6. Moa

    Il serait erroné de penser que les pétroliers vendent…. du pétrole !

    Ce qu’ils vendent avant tout c’est de l’énergie. Aujourd’hui via le pétrole et demain ?

    Il est clair qu’ils pensent déjà à demain. C’est une évidence… et leur motivation sera tjs la même, je suppose. Profit à court terme à n’importe quel prix.

  7. Tassin

    @ L’auteur :

    « Le système pantone ne fonctionne que sur des gros moteurs fixes (comme un groupe électrogène) car le système d’injection d’eau alourdie les véhicules. Ce moteur fonctionne toujours à partir d’un carburant fossile et l’amélioration du rendement ne compense pas le surplus de consommation lié à l’augmentation de masse du véhicule. »

    Ça c’est pas vrai. Le système fonctionne et augmente le rendement thermodynamique du moteur (en fait la vapeur réduit la taille des gouttelettes de carburant injecté ce qui améliore la combustion et donc le rendement) et permet de diminuer la consommation de manière assez sensible sur les moteurs à carbu ou à injection indirecte.
    Par contre il est inefficace sur les moteurs récents (injection directe dans la chambre de combustion) car le principe de ceux-ci pour consommer moins est justement de réduire la taille des gouttelettes injectées pour consommer moins.

  8. Colin

    @TASSIN:
    L’amélioration du rendement existe, ce n’est pas contesté ; par contre elle ne compense pas le surplus de consommation lié à l’augmentation de masse du véhicule.

  9. Tassin

    @ Colin :

    Ah sisi je t’assure que ça fonctionne, tu peux gagner au moins 1L/100km avec ce système sur une vieille bagnole. J’en connais qui ont bricolé ça sur des moteurs de camions (mercedes 508D) et sont tombés de 15 à 12L/100km.
    L’augmentation de masse est ridicule (maxi 20kg) et n’entraine pas de surconsommation sensible.
    Je sais pas d’où tu sors cette affirmation péremptoire mais elle est bel et bien fausse.

  10. Colin

    Bah, je la sors de l’article, c’est celle que tu as cité… Je n’ai pas vérifié sa véracité, je n’ai pas vérifié non plus le postulat inverse, mais j’ai une forte tendance à être septique.

  11. Tassin

    @ Colin :

    Ok, bah des fois ils se gourent à la décroissance, c’est pas la première fois que je vois des bourdes dans les colonnes. Mais bon, on va pas s’en faire pour si peu.

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