Les 8 et 9 novembre, la CPDT (Conférence permanente de développement territorial) a tenu à Liège (Belgique) son colloque annuel. Présidence belge de l’Union Européenne oblige, ce colloque avait une portée particulière et un thème très européen : les politiques énergétiques et la réduction des gaz à effet de serre (GES). Toute l’originalité de la rencontre reposait sur l’angle d’attaque de ce thème : la dimension territoriale de la consommation énergétique et des émissions de GES.
Le colloque fut l’occasion pour la CPDT de présenter les résultats de nombreuses études scientifiques : toutes s’accordent sur l’impact énorme de la localisation des activités et de la forme urbanistique sur la situation énergétique d’un territoire, et partant sur ses émissions de GES. Mais si les effets de l’aménagement du territoire sur les émissions de GES sont aujourd’hui reconnus par la communauté scientifique, les négociations internationales afférentes peinent encore à intégrer la thématique. Dans les conclaves attitrés et autres grandes réunions internationales spécialisées, l’attention demeure bien davantage portée sur le développement du photovoltaïque, la consommation en carburant des automobiles, ou encore la performance énergétique des maisons « 4-façades ». Si ces efforts sont nécessaires, ils sont certainement insuffisants. En effet, repenser en amont ce qui génère les besoins en énergie et donc les émissions de gaz à effet de serre – l’aménagement du territoire –serait plus efficient que de se contenter d’améliorer à la marge une situation actuelle peu soutenable.
C’est encore le cas au niveau de l’Union Européenne. Si des objectifs de réduction des émissions de GES sont fixés (les 3 X20), le levier de l’aménagement du territoire demeure lui faiblement sollicité. En mai 2010, la Commission Européenne a rendu publiques des propositions de révision de la stratégie 3X20. Dans un contexte de croissance plus molle et d’énergie plus chère qu’attendu, les coûts ont été revus à la baisse : le coût annuel pour les 27 d’ici à 2020 ne serait pas de 70 mais de 48 milliards d’euros par an. Ce qui autoriserait, à engagement plus ou moins équivalent, le choix d’une stratégie plus ambitieuse. La Commission européenne a ainsi proposé de viser, non pas 20%, mais 30% de réduction des GES en 2020, un effort qui ne coûterait que 81 milliards d’euros par an, soit un investissement « raisonnable ». Quelle que soit la décision finale des 27 en la matière, toutes les pistes – en ce compris l’aménagement du territoire et son potentiel important – visant à une meilleure gestion de l’énergie et à des réductions de GES doivent être étudiées.
Cette dimension des politiques énergétiques doit d’autant plus être étudiée que, si rien n’est fait, la raréfaction des carburants fossile conduira vite à une situation inextricable : des pôles urbains concentrant les activités économiques qui seraient devenus inaccessibles depuis un parc immobilier résidentiel énergivore dispersé dans la ruralité. Le fait que l’enjeu soit primordial ne rend pas l’exercice plus aisé pour les politiques : s’ingérer dans le choix de résidence des gens est en effet particulièrement délicat.
La consommation énergétique propre à la dimension « aménagement du territoire » se concentre sur deux points particuliers : la navette domicile-travail, et la performance énergétique du bâtiment. Dans un contexte de hausse du prix des carburants, la navette domicile-travail impactera particulièrement les finances des habitants des zones rurales travaillant dans les centres urbains. Inversement, les habitants des centres urbains seront relativement peu touchés : la ville rassemblant sur un espace réduit de nombreuses activités différentes – bureau, commerce, équipement collectif –, les besoins en déplacements pour les habitants y sont en effet moins importants. Ceci étant toutes les communes rurales ne souffriront pas de la même façon de la hausse du coût des navettes domicile-travail. Grâce à une certaine mixité fonctionnelle, des communes rurales offrent encore, à l’image des centres urbains, des emplois et des services à leurs habitants.
Toujours dans ce contexte de hausse du prix des carburants, la performance énergétique des bâtiments deviendra un paramètre crucial. Mais la situation est contrastée d’une configuration urbanistique à une autre. En ville les bâtiments sont globalement moins énergivores que les bâtiments en milieu rural. En effet, même si les performances intrinsèques des bâtis étaient comparables, la mitoyenneté quasi-généralisée que la localisation en ville impose diminue considérablement les pertes de chaleur. Il y a donc du sens, au niveau de la consommation énergétique des bâtiments, à favoriser l’habitat en ville. A l’aune des travaux de recherche actuels, l’habitat en ville et la mixité des activités constituent les deux notions maîtresses à promouvoir dans les politiques d’aménagement du territoire dans les années venir. C’est ce que montre en particulier l’étude « structuration du territoire pour répondre aux objectifs de réduction des émissions de GES » menée par la CPDT (Sébastien Dujardin, France-Laure Labeeuw, Eric Melin, François Pirart, Jacques Teller) en 2010.
Pour faire face aux enjeux, les politiques doivent se mobiliser et inciter les acteurs à adopter de meilleurs comportements. A l’instar des avis énergétiques qui permettent aux locataires et aux acheteurs de connaître la situation énergétique d’un bâtiment, on pourrait imaginer un indice « accessibilité » du bâtiment (aux principales fonctions, par exemple) qui synthétiserait les coûts en déplacements imputables à la localisation. Par ailleurs, pour resserrer l’habitat en direction de centres mixtes et denses, une fiscalité sur la localisation des activités et de la résidence pourrait être mise en place. A Liège, les scientifiques ont donc objectivé les faits et proposé les pistes de solution. Maintenant, il s’agit pour les politiques de prendre leurs responsabilités. De nombreuses occasions vont leur en donner l’opportunité. A commencer par l’évaluation du CWATUPE qui va, dès le début de 2011, leur donner la possibilité de se positionner sur ces questions sensibles.
Article de Benjamin Assouad adapté pour Carfree France
http://www.iewonline.be/
Photo: Quel avenir pour les lotissements périurbains?
Article intéressant qui s’intéresse au VRAI problème : la modification de l’aménagement du territoire en fonction du développement des modes de transport. En l’occurrence la voiture.
Petit bémol tout de même sur l’habitat à la campagne : on peut imaginer choisir d’habiter à la campagne, qui, grâce à la relocalisation des activités de commerce et d’emplois contre les ZAC et ZI géantes actuelles, permettraient de limiter le recours à la voiture, et d’atteindre un « taux nécessaire de motorisation par foyer » 2 fois plus faible qu’aujourd’hui.
Sans parler de l’habitat écologique BBC ou passif (paille/bois/laines naturelles…).
Pour rebondir sur le dernier paragraphe, il existe un site donnant le « walkscore » de n’importe quelle adresse, ce qui est exactement dans le même esprit que l’indice d’accessibilité.
http://www.walkscore.com/
Le problème du raisonnement vient dans la volonté de concentrer les habitations dans les pôles urbains car plus efficace énergétiquement. Ne faudrait-il pas mieux déconcentrer les activités dans des pôles urbains secondaires voire tertiaire.
Oui, on peut encore tout imaginer. En fait, une question de décentralisation ne doit quand même pas faire perdre de vue une certaine question logique de centralité. Ensuite, c’est l’échelle de la polarisation centrale qui est à penser de bonne dimension.
La faible densité n’est pas forcément un handicap. La mesure de l’hétérogénéité dépendra de l’échelle de la mesure aussi. Le tout est de mesurer l’aménagement du territoire à une échelle vivable sans transports motorisés superflus. Ensuite, on peut dire quelle hétéroégénéité on peut accepter dans les schémas spatiaux. Quelle homogénéité aussi, donc.