Ces dernières semaines, plusieurs grandes villes ont été placées en alerte pollution et la gratuité des transports en commun a été mise en place pour quelques jours à cause d’un épisode de pollution le plus long, le plus intense en hiver depuis bien longtemps. Un anticyclone s’est attardé, le vent n’a pas nettoyé, et l’état de dégradation de l’air est apparu au grand jour. Le niveau de pollution aux particules fines a atteint des seuils très dangereux.
Qu’est-ce que c’est ces particules fines ? Ce sont des polluants dus aux activités humaines, chauffage, agriculture, industrie et circulation automobile de très petite taille. Les PM10 ont un diamètre inférieur à 10 micromètres (le diamètre d’un cheveu), les PM2,5 ont un diamètre inférieur à 2,5 micromètres (le diamètre d’une bactérie). Leur petite taille leur permet de pénétrer profondément dans l’appareil respiratoire et d’autres organes, et augmentent les risques d’affections pulmonaires et de cancers du poumon.
Selon les dernières études disponibles, elles retirent deux ans d’espérance de vie à toutes celles et tous ceux qui respirent cet air pollué, et sont responsables de 100.000 décès par an en France.
Alors la décision de favoriser l’utilisation des transports en commun au moyen de la gratuité peut apparaître comme une bonne mesure. Elle n’est pourtant pas adaptée, pas plus que la circulation alternée quelques jours par an !
Toutes les études le montrent la pollution de fond, celle que nous subissons toute l’année est tout aussi dangereuse. Ce ne sont pas seulement les pics de pollution qui produisent tous ces effets, c’est la pollution permanente, omniprésente qui fait ces ravages.
Nous avons le droit à la “non-pollution“
Si la gratuité des transports en commun permet de diminuer l’utilisation de la voiture, alors pourquoi ne pas financer la gratuité toute l’année ? Prévenir les maladies, les morts, c’est avoir une politique de prévention, qui cherche à résoudre les problèmes, pas à faire de la communication sur une mesure aux effets très limités.
Il faut donc prendre des mesures à la hauteur de l’enjeu de santé.
La gratuité des transports en commun est une de ces mesures. Par exemple à Tokyo, après une campagne qui a duré 20 ans, la ville a supprimé la circulation au diesel, avec une baisse de 44% des particules fines et une baisse de 10 à 20% de la mortalité cardio respiratoire. La gratuité pourrait avoir un effet de ce type, et en outre, elle donne à toutes et tous la liberté de circulation dans toute l’agglomération, quels que soient son lieu d’habitation et ses moyens financiers.
Mais pour que toutes les usagères et les usagers modifient durablement leurs habitudes de transports, il faut autre chose que la gratuité les jours de pics de pollution : il faut avoir la garantie de transports en commun fiables et gratuits toute l’année.
Collectif agglomération rouennaise
pour les Transports gratuits
Le collectif signataire de cet article devrait regarder les choses de plus près : la gratuité des transports lors des pics de pollution est un échec.
1. L’expérience montre que la mesure a un impact très faible auprès des automobilistes. La hausse de la fréquentation des transports publics est surtout due aux usagers occasionnels, qui profitent de l’aubaine pour se déplacer gratuitement.
2. La mesure est coûteuse : 4 millions d’euros par jour en Ile-de-France, soit près de 25 millions lors du dernier épisode de pollution. C’est autant d’argent en moins pour les investissements ou le renforcement des services.
3. La mesure est injuste et anti-pédagogique. Elle pénalise les abonnés des transports publics, qui n’en bénéficient pas. Et elle « récompense » les automobilistes, alors que c’est l’usage excessif de l’automobile qui est le principal responsable du pic de pollution.
Une alternative intelligente à la gratuité, adoptée en Ile-de-France et à Strasbourg, consiste à proposer l’achat d’un billet à l’unité valable toute la journée, ce qui limite la perte financière du système de transport. Ce qui attire l’automobiliste, ce n’est pas une tarification basse, voire la gratuité, c’est d’abord la qualité de service : rapidité, fiabilité, confort.
@ Jean Sivardière . Je suis pour la gratuité totale et en tous lieux des transports mais ce n’est bien sur pas suffisant. Il faut raisonner à une échelle plus large, sur tous les modes de transports.
1. La mesure a un impact très faible sur les automobilistes. Je suis d’accord avec vous mais il suffit pas de proposer la gratuité des transports en commun et laisser 15 bandes de bitumes vides pour que les automobilistes circulent en tout quiétude. Il faut CONTRAINDRE soit par les faits (ultra difficulté de circuler –> centres-villes néerlandais de manière générale) soit par l’argent (péage, hausse drastique des prix du stationnement)
2. La mesure est couteuse. Certainement. Mais alors combien de subventions donne l’Etat aux constructeurs automobiles par an en France? Quel est la part de nos impots qui va chaque année à la rénovation de ponts, viaducs et autres tunnels quasiment uniquement utilisés par la voiture? Quel est le surcout pris en charge par le consommateur non motorisé dans les « 3H gratuites » offertes par l’hypermarché « tous des moutons » le samedi? Quel est le profit réalisé par Kéolis ou Véolia en 2016?
3. La mesure est injuste? Si c’était gratuit toute l’année non. La pédagogie en France ça ne marche pas, il n’y a que le levier « argent » qui marche. Et donc « surtaxer » les automobilistes, les grosses industries les jours de pollution serait une piste.
Je ne suis pas d’accord avec vous sur le fait que le transport public « perd » de l’argent. Le transport public, comme son nom l’indique, est public et n’a pas je pense à à faire des bénéfices. Faire payer à l’usager tous les jours de l’année et non l’entierté à tous par le biais du système fiscal, alors que ce mode de déplacement est plutôt respectueux de l’environnement et moins mangeur d’espaces que la voiture, ça c’est injuste. Que quelqu’un s’achète une Porsche parce que les transports en commun c’est pour les ploucs c’est son problème personnel, mais les transports en commun c’est autre chose.
Pour terminer, juste pour vous montrer la différence de conception entre 2 pays des transports publics. Aux Pays-Bas même si c’est payant (gratuit pour les étudiants soit dit en passant) le mot pour transports publics est « openbaar vervoer » ce qui littéralement veut dire « transport ouvert/accessible -à tous- « . Juste ça , ça fait réfléchir.
ouf…
la réaction s’est faite attendre, mais je suis maintenant sûr qu’on est sur Carfree…
Le moyen de faire prendre conscience aux automobilistes de leur coût réel pour la société et de ne faire peser le coût des routes que sur ces derniers. Cela passe par une baisse des impôts au pro rata consacré aux routes, et la compensation par un impôt que seul paierait les possesseurs d’automobiles. De cet manière, les automobilistes paierait enfin pour le service qui leur est rendu, et les gens qui se déplacent de manière responsable en bénéficieraient doublement. Voilà une vraie incitation au changement.
Par ailleurs, à Hong Kong le trajet en métro y coute moins de 1€, le métro est propre, moderne, ultra-ponctuel et … privatisé. Pourquoi n’essaye t-on pas cette solution en France ?