La voiture électrique ne nous sauvera pas

Un article intéressant du site The Conversation (en anglais) nous apprend que les personnes qui se déplacent quotidiennement à vélo émettent 84 % moins de CO2 que les autres (dans le cadre de leurs déplacements quotidiens) et que les émissions de CO2 du vélo sont environ dix fois inférieures à celles d’une voiture électrique (et environ 30 fois inférieures à celles d’une voiture à combustible fossile). Pour s’attaquer aux crises du climat et de la pollution atmosphérique, il faudrait donc réduire au plus vite tous les transports motorisés, y compris les voitures électriques. Devinez pourtant vers qui se tourne toute l’attention médiatique ou politique pour résoudre la crise climatique et environnementale?

Bien entendu, c’est la voiture électrique qui occupe, ou plutôt qui sature tout l’espace public. Que ce soit en matière de publicité, sur les affiches ou dans les médias, ou au travers des politiques publiques et des innombrables soutiens financiers à la filière sous forme de subventions, de prêts ou même de financements purs et simples de bornes de recharge dans l’espace public, la voiture électrique est partout… sauf peut-être dans les rues.

En effet, malgré des centaines de milliards d’investissements privés depuis des décennies, des dizaines de milliards de publicité pour la voiture électrique, des aides publiques faramineuses à l’achat de voitures électriques, la part de marché de la voiture électrique reste dérisoire. À l’échelle mondiale, seule une nouvelle voiture sur 50 était entièrement électrique en 2020, ce qui veut dire tout simplement que sur 50 voitures vendues dans le monde en 2020, 49 n’étaient pas électriques…

Certains pensent sans doute naïvement que c’est pour cela qu’il faut donner toute l’attention à la voiture électrique, en termes de financements, de subventions ou de publicité, pour développer massivement la voiture électrique afin de sauver le climat et l’environnement.

En fait, en se concentrant principalement sur les véhicules électriques, on ralentit la course vers le « zéro émission » et cela s’explique par le fait que les voitures électriques ne sont pas à « zéro carbone. » L’extraction des matières premières pour leurs batteries, leur fabrication et la production de l’électricité nécessaire à leur fonctionnement produisent des émissions de Gaz à Effet de Serre.

Sous certaines conditions, il est sans doute vrai que les voitures électriques diminuent les émissions de CO2 ou la pollution atmosphérique, mais par rapport aux voitures thermiques. Dans un monde où il y a de plus en plus de voitures, le simple effet rebond fait que la croissance, espérée par certains, du nombre de voitures électriques, ne fera que contenir péniblement les émissions de CO2 ou la pollution. Et encore, il s’agit là d’une vision optimiste, le plus probable étant que les émissions et la pollution globale continuent malgré tout d’augmenter.

Car, on peut prendre le problème par n’importe quel bout, cela n’a aucun sens de produire massivement des objets techniques de plus d’une tonne (les voitures électriques ou pas) nécessitant plus de 30 tonnes de matières premières pour les fabriquer, afin de transporter en moyenne 1,2 personne dans les agglomérations urbaines (taux moyen d’occupation de la voiture). Tout comme cela n’a aucun sens d’utiliser une voiture pour faire moins de 3 kilomètres alors que pourtant, en agglomération, 40 % des trajets effectués en voiture font moins de trois kilomètres…

Lire aussi :  L’amende écologique sur les voitures

L’un des moyens les plus efficaces pour réduire les émissions liées au transport relativement rapidement, et potentiellement à l’échelle mondiale, consiste à troquer les voitures contre la marche et le vélo y compris le vélo électrique et les transports publics.

De ce fait, si notre société voulait vraiment lutter contre le réchauffement climatique ou la pollution de l’air, toute l’attention, en matière de financements publics et privés ou de campagnes de communication et de publicité, devrait être tournée vers la marche, le vélo et les transports publics.

Malheureusement, l’industrie automobile tient les rênes. Elle a l’argent et l’influence politique lui permettant de faire croire qu’elle va trouver les solutions aux problèmes qu’elle a causés depuis des décennies en vendant des centaines de millions de voitures individuelles. Ainsi, si l’industrie estime nécessaire pour ses profits de faire croire qu’elle va sauver la planète avec des SUV électriques, on aura droit à de la publicité omniprésente pour des SUV électriques de plus d’une tonne…

Le secteur automobile fait partie des plus gros investisseurs publicitaires, toujours parmi les trois premiers selon les années. De ce fait, il finance massivement la plupart des médias (presse écrite, télévision, radio, internet, etc.) dont l’objectivité en la matière reste sujette à caution.

Les politiques que nous avons élu sont quant à eux priés d’ouvrir les vannes de l’argent public provenant de nos impôts pour financer et subventionner grassement la filière du véhicule électrique. A une époque, on nous disait que cela se justifiait par le fait de créer ou maintenir des emplois industriels en France. Aujourd’hui, plus personne de sérieux ne peut défendre de telles inepties, la plupart des véhicules, et tout particulièrement les voitures électriques, sont désormais produits à l’étranger. Pire, on ne compte plus les cas où l’argent public donné à l’industrie sert en fait à délocaliser la production à l’étranger…

Aussi, si l’objectif collectif est réellement de lutter contre les émissions de Gaz à Effet de Serre et contre la pollution atmosphérique, deux mesures simples et de bon sens s’imposent de toute urgence: interdire la publicité automobile et arrêter tout financement public à l’industrie automobile.

Ne pas agir maintenant dans ces deux domaines ne fait que maintenir l’oligarchie automobile en place et nous éloigne toujours un peu plus des réelles solutions pour lutter contre les crises climatiques et environnementales actuelles.

10 commentaires sur “La voiture électrique ne nous sauvera pas

  1. DAVID

    Les émissions en CO2 du vélo seraient SEULEMENT dix fois inférieures à celles de la voiture électrique ? Vous plaisantez ou quoi ? D’où tenez-vous ces chiffres ? Le vélo n’émet strictement rien ! Comment pouvez-vous conclure à un rapport de 1 à 10 avec d’un côté un émetteur à zéro, et de l’autre l’émetteur colossal qu’est la bagnole, électrique ou pas ?

  2. DAVID

    PS : désaccord mis à part sur cet article en particulier, merci à toute votre équipe pour le magnifique travail toujours dynamisant que vous faites sur ce site !

  3. cabaneepaille

    Les bilans carbone sont sûrement difficiles à élaborer de part l’emprise considérée et les externalités prises en compte et donc difficilement comparables. On peut surtout craindre que les électriques ne remplacent pas les thermiques mais s’ajoutent. Il faut bien faire tourner l’économie, les « chauffeurs » regardent le compteur des finances, jusqu’au mur.

  4. vince

    La voiture électrique annonce peut-être la fin de la voiture grand-public.

    Jusqu’à il y a quelques années une voiture était une mécanique relativement simple, avec essentiellement des éléments de mécanique pure et peu d’éléments hyper technique ou rares.

    L’arrivée de l’électrique semble difficilement compatible avec un usage abondant.

    Au rythme actuel de production du lithium par exemple, on a des réserves pour environ 370 ans. Je dis bien au rythme actuel, quand il faudra produire 50 fois de voitures on en reparlera.

    On reparlera aussi de la consommation d’électricité.

    Bref on a un remplaçant pour le pétrole, et on aura un remplaçant pour ce remplaçant, mais j’ai l’impression que les cycles technologiques seront de plus en plus gourmands et de plus en plus courts.

     

  5. pedibus

    vont finir par nous vendre de la bagnole à voile, z’allez voir…

    du vent toute cette merdre…  décidemment très difficile à éradiquer ce putain de système automobile…

     

    résoudre la question de nos déplacements ne passe pas par une énième solution technique mais par une approche aménagiste multisectorielle avec le foncier au coeur de la problématique :

    faire la ville sur la ville, densifier le péricentre et la périphérie d’agglo, fabriquer du tissu urbain isotrope, comme le suggérait déja l’ingénieur militaire Léonard de Vinci à son époque, avec la mise en accessibilité à portée de jambes de tous les services de la ville dont les espaces verts, c’est autrement plus ambitieux et compliqué que de refaire ce que cache un capot de bagnole…

    le foncier au coeur de la question j’éructais :

    une véritable boîte à outils existe déjà en  France pour refaire nos villes ; outre les établissements publics fonciers pour préempter les terrains il faut se lancer dans cette véritable révolution, aux antipodes de celle, bourgeoise, de 1789, en cessant de tout centrer sur la propriété privée foncière, en dissociant le terrain d’assiette du bien immobilier :

    c’est le fameux dispositif de l’organisme foncier solidaire, meilleure arme pour tarir la source des « gens des voyages », qui pendulent comme des dingues entre domicile et travail, en TER, en bagnole et jamais à cheval, à des distances loufoques et croissantes avec le temps, pour tenter d’échapper à la rente foncière… mécanisme dont s’emparent pas mal de municipalités verdies ; pour celles et ceux que ça intéresse :

    http://outil2amenagement.cerema.fr/organismes-fonciers-solidaires-ofs-r358.html

     

     

     

     

  6. charles reesink

    merci de denoncer le fleautomobile…encore et encore

    winnipeg, canada

  7. Raph

    CO2, encore et toujours le CO2 !

    Grandissez un peu, ça fait des lustres que vous devriez savoir que le CO2 n’est qu’un bouc émissaire. C’est ce même CO2 qui a servi de prétexte au gouvernement (sous Sarko) pour favoriser (via l’usine à gaz administrative et fiscale du bonus/malus) encore plus le diesel prétendument moins émetteur de CO2 que le SP. C’est encore le CO2 qui fut l’opportunité de créer un marché du droit à polluer. De toutes les émissions des moteurs thermiques, ce CO2 est pourtant l’une des plus faibles sources de pollution, il loin d’être aussi toxique que les COV, NxO, SOx et autres particules fines. C’est un GES beaucoup moins important que les CH4, N2O, O3, etc.

    Bien évidement, l’extractivisme, outre le vilain CO2 qu’il émet, est probablement beaucoup plus néfaste à cause de la contamination des sols, des concentrations élevées de déchets divers et (a)variés et des ravages sociaux et économiques à long terme.

  8. Lydie

    L’automobile dispose de l’argent, d’énorme moyens d’influences en séduisant ou fascinant la majorité des individus qui ne savent plus se dispenser de son usage. Le low tech n’est pas pour ces concepteurs et constructeurs de voitures qui se moquent comme d’une guigne du réchauffement climatique et encore plus triste la mort de milliers de personnes par an. Quel chemin faut-il prendre pour faire comprendre (admettre) que la voiture électrique est une fausse bonne solution? Comment motiver les populations de revenir vers des déplacements actifs (marches, rollers, vélo, …) et du bon usage des transports collectifs? La motivation de notre  minorité insuffisamment agissante ne suffira pas à changer les comportements tant que nous seront pas en mesure de démontrer très efficacement le bien fondé de la marche, du vélo,…. Nous nous heurterons toujours à ce plafond  de verre que les hollandais ont su faire sauter. Il convient de trouver des modèles inspirants si nous imaginons voir le modèle du tout automobile céder le terrain à d’autre solution de déplacements.

  9. Prolo

    @vince : c’est certain que la voiture va radicalement changer, de la même manière que les ordinateurs ont changé en passant du PC « tour » aux bidules connectés irréparables et vite obsolètes. Les objets qu’on peut comprendre et réparer soi-même ce n’est pas du tout dans l’air du temps. D’ailleurs, je prédis que le prochain objet à être « confisqué » sera le vélo : ça commence tout doucement avec le marquage des cadres (qui complique le fait de faire un vélo qui roule avec deux vélos cassés), et ça continuera probablement avec une incompatibilité grandissante des pièces et accessoires. Au profit de vélos ayant chacun leur « style », chacun leur électronique, chacun leur marque mais le moins de compatibilité mécanique possible.

     

  10. cnus

    Bonjour
    Je suis cycliste au quotidien et n’utilise ma (grosse) voiture diesel que pour les déplacements de longue distance lors des congés.  Je ne vois aucune utilité d’avoir une voiture particulière pour la ville.  Et je ne comprends pas pourquoi on continue à produire massivement des grosses voitures dont l’utilisation se fait à très faible occupation (1.2 personne en moyenne) et pour de faibles distances.  Je ne comprends pas pourquoi aucun constructeut n’a à ce jour pris l’initiative de proposer des « voiturettes » à une place voire deux qui seraient significativement moins impactantes sur l’environnement et qui suffiraient largement pour les déplacements quotidiens des irréductibles du voiturisme.

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