Ce qu’il y a de bien avec François Durovray, le nouveau ministre des transports, c’est qu’on peut le traiter sans problème de cumulard, car il le revendique et il l’assume.
Ministre délégué chargé des Transports, il est aussi « en même temps » Président du conseil départemental de l’Essonne, Conseiller départemental de l’Essonne bien sûr, mais aussi Président de la communauté d’agglomération Val d’Yerres Val de Seine et accessoirement, à ses heures perdues, conseiller municipal de la ville de Montgeron, membre du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, administrateur d’Île-de-France Mobilités, président de la commission « Transports, mobilités et infrastructures » de l’Association des Départements de France (ADF), Vice-président du Groupement des autorités responsables de transport (GART) et président de l’association Grande Couronne Capitale (regroupant tous les départements d’Île-de-France).
Bref, un emploi du temps bien chargé, mais qui lui laisse quand même le temps d’écrire des livres de temps en temps, comme « Le Monde de près » en 2020 (1), qu’il aurait tout aussi bien pu intituler le « Monde d’avant, » livre dans lequel il assume: « On me traitera de cumulard, non sans raison. J’assume le procès et suis fier de m’être mis à plein temps au service de ces mandats et de ces territoires essonniens successifs. »
Politiquement à droite, un rond de serviette chez Les Républicains depuis la glorieuse époque du RPR, François Durovray est historiquement un fidèle de Nicolas Dupont-Aignan, avec lequel il a rompu courageusement en 2017 quand celui-ci faisait alliance avec Marine Le Pen (2). Depuis cet acte de bravoure qui restera dans les annales de la France Combattante, François Durovray affiche fièrement son Bertrandisme, un courant politique assez abscons relevant du soutien assumé à un obscur politicien des Hauts-de-France nommé Xavier Bertrand. Et quand il n’est pas Bertrandiste, il arbore un Pécressisme de bon aloi pour un élu d’Île-de-France qui cherche à se faire une place au soleil.
Tant de qualités faisaient de lui le candidat idoine pour prendre la tête de la délégation des Transports au sein du gouvernement Barnier. Après le quinquennat bolchévique d’Emmanuel Macron, on va voir ce qu’on va voir, à savoir enfin une véritable politique de droite à la Valérie Pécresse pour les transports.
A peine nommé, le président LR du conseil départemental de l’Essonne prétend être « le ministre des Transports de ceux qui n’en ont pas. » (3) Magnifique phrase dont on ne sait pas trop à qui elle s’adresse étant entendu que tout le monde a un « transport » que ce soit une voiture, un RER, un bus, une trottinette, un vélo ou des pieds. C’est curieux, chez les politiciens, ce besoin de faire des phrases…
A vrai dire, vu le contexte budgétaire, il aurait peut-être dû se présenter plutôt, pour plus de crédibilité, comme « le ministre des Transports qui n’a pas d’argent… » En effet, vu les reports et baisses de crédits à tous les étages, son travail de ministre délégué va surtout consister à expliquer… comment il faudra se passer de lui. Enfin, surtout pour tout ce qui concerne les « trucs de gauche » comme le vélo ou les transports en commun.
Car, pour le reste, on ne change pas les fondamentaux: François Durovray s’engage à poursuivre le développement des véhicules électriques et le développement de carburants d’aviation durable. Bref, une véritable politique de droite au service des pauvres qui n’arrivent pas à se déplacer avec leur voiture électrique Tesla ou qui sont exigeants quant à l’empreinte carbone de leur avion low-cost pour aller passer le week-end aux Baléares.
Bon, on est mauvaise langue, car le nouveau ministre délégué a quand même trouvé le temps de pondre un « Rapport sur le développement des lignes de cars Express en Île-de-France » en avril 2023 (4). Un rapport commandé par, devinez qui, Valérie Pécresse bien sûr. On conseille la lecture de ce rapport novateur pour ceux qui ont du temps à perdre ou l’envie de rire un bon coup. Exemple dès l’introduction: « Le XXème siècle a ainsi vu l’émergence du métro puis des trains de banlieue qui ont accompagné l’essor de l’agglomération parisienne et sa transformation en métropole monde (…) Ce rapport recommande d’aller plus loin encore » en créant… un réseau de cars express! Personne n’y avait pensé, plus loin que le métro ou le RER, il y avait le car express. On peut même supputer qu’encore plus loin que le car express, il y a… la voiture? Mais bon, n’allons pas trop loin dans l’immédiat, d’autant plus si on est dans un car express bloqué dans les embouteillages sur le périphérique.
Heureusement, le rapport de François Durovray prévoit quand même la création de quelques voies réservées pour les cars Express afin d’éviter les embouteillages, mais des voies réservées en partie sur les bandes d’arrêt d’urgence! On ne va quand même pas enlever des voies de circulation aux automobilistes qui sont nos électeurs! Et en plus, comme chacun le sait, les bandes d’arrêt d’urgence ne servent à rien…
On le voit, avec son projet de cars Express sur bande d’arrêt d’urgence, François Durovray était le candidat idéal pour le ministère des transports, à mi-chemin entre les cars Macron et la « révolution des transports » de Valérie Pécresse. Un magnifique projet qui ne coutera pas un rond, d’autant plus si le ticket est à 4 euros, et qui ne pénalisera pas trop les automobilistes-électeurs qui devront juste se passer des bandes d’arrêt d’urgence. Quant au transport ferroviaire, on verra bien s’il reste de l’argent quand on aura financé les voitures électriques et le carburant durable des avions.
Le problème dans l’immédiat, c’est que pour financer ces voitures électriques et le carburant durable des avions, il faut quand même un peu d’argent. C’est pourquoi, on va taper dans les fonds destinés au vélo. Le « magnifique » Plan Vélo du précédent gouvernement que le monde entier nous enviait au point de l’appeler le Plan Béchu (5) est en train de se dégonfler comme un vieux pneu crevé.
Selon une information de Mediapart, relayée par la Fédération des usagers de la bicyclette (Fub), le projet de finances 2025, en cours de discussion, ne mentionne aucun nouvel engagement budgétaire en faveur du vélo. Les seuls crédits y figurant (100 millions) permettent juste le paiement de travaux réalisés sur les engagements pris depuis 2019 (6). Encore heureux, le gouvernement prévoit tout juste de payer les travaux engagés précédemment… Quant à la création d’une véritable infrastructure cyclable nationale, fini de rêver, les cyclistes sont priés de ranger leur vélo au garage et de mettre leur cul dans un car express.
Pour ce qui concerne le vélo, le ministre des Transports François Durovray s’est quand même dit ouvert au dialogue avec les associations, « mais dans un cadre budgétaire contraint. » Traduction: on peut parler autant que vous voulez, mais il n’y aura plus d’argent pour le vélo. Et on a gardé le meilleur pour la fin: selon François Durovray, « l’État est davantage dans son rôle sur les infrastructures de « mass transit » que sur une piste cyclable communale. »
Donc, on ne parle même plus de transport ferroviaire ou de réseaux de bus, on parle désormais de « mass transit. » Les bus ou les trains, c’est pour les ploucs, préférez le « mass transit » pour aller au boulot. Quant aux pistes cyclables « communales », tout le monde aura compris qu’il s’agit au mieux d’un délire touristique de petites communes voulant créer des voies vertes pour attirer des bobos à vélo…
On ne peut pas être à la fois un cumulard de la vieille politique depuis vingt ans et être un visionnaire de la mobilité de demain… Et le problème, c’est qu’en recyclant éternellement les mêmes recettes qui ont échoué par le passé, on ne fait que reculer les nécessaires changements qui finiront par s’imposer un jour ou l’autre de manière brutale.
Marcel Robert
Notes
(1) François Durovray, Le Monde de près, Editions de l’Aube, 2020.
(2) François Durovray sur Wikipédia.
(3) Pascale Tessier, Transports : la feuille de route de François Durovray, La Gazette des Communes, 04/11/2024.
(4) François Durovray, Rapport sur le développement des lignes de cars Express en Île-de-France, avril 2023.
(5) Marcel Robert, Pour un Plan Marshall du vélo, mars 2023.
(6) Yves-Marie Robin, Budget 2025. Le gouvernement serre la vis sur le vélo, Ouest-France, 04/11/2024.
FD le traite de la 8 ème circonscription de l essonnes qui a fait élire un LFI cegetiste et éliminer m. N Dupont Aignan.
Ont va s en rappeler aux prochaine s élections. Que ne ferait on pas pour un maroquin.
Bien vu cet article montrant qu’il n’y a rien à attendre de sa part pour le vélo.