Philippe Tabarot, le nouveau ministre des transports de fonds

Sur Carfree France, on avait pris l’habitude de faire un petit article dès qu’un nouveau ministre des transports était nommé. A vrai dire, au vu de la valse actuelle des ministres qui restent pour certains trois mois seulement à l’hôtel de Roquelaure, on risque d’arrêter bientôt les frais. Dernier en date, peut-être pour quelques mois, le sénateur Les Républicains Philippe Tabarot qui, à peine nommé ministre des transports, doit se déplacer à grande vitesse de polémique en polémique.

En effet, un jour seulement après sa nomination comme ministre des transports, le 24 décembre dernier, veille de Noël, le trafic TGV est interrompu, en Seine-et-Marne, sur l’axe Paris–Sud-Est, bloquant des centaines de passagers suite au suicide d’un conducteur. Un drame, donc, qui ne saurait remettre en question la compétence de la SNCF et de ses agents (1). Pourtant au fait de ces éléments, le nouveau ministre des transports Philippe Tabarot sombre dans l’indécence en déclarant: « Ça aurait pu être plus grave s’il avait souhaité faire dérailler son train. »

Belle entrée en matière pour un nouveau ministre des transports qui n’aura pas vraiment le temps de s’étendre longtemps sur la polémique, car moins d’un mois plus tard, un article du journal Le Monde nous apprend que Philippe Tabarot est soupçonné de « détournement de fonds publics » et « prise illégale d’intérêts » par le Parquet national financier. En cause: ses diverses fonctions au Cannet, la commune naguère dirigée par sa sœur, Michèle Tabarot, et ses multiples casquettes permettant de cumuler mandats et salaires (2).

C’est étonnant cette propension de beaucoup d’hommes politiques, en particulier de droite, à dénoncer « l’assistanat de tous ceux qui profitent de l’argent public… »

Le nouveau ministre avait pourtant tout pour « faire l’affaire » au ministère des transports, du moins pour la droite qui considère qu’on est spécialiste des transports quand on s’attaque au droit de grève des cheminots ou qu’on est un farouche partisan de la privatisation des trains.

Or, Philippe Tabarot s’est principalement illustré, avant ses affaires de « détournement de fonds publics » et « prise illégale d’intérêts, » dans ces deux marqueurs de droite que sont la destruction du droit de grève et la privatisation des trains.

Sénateur Les Républicains depuis 2020, il est en effet connu pour avoir défendu un texte de loi pour encadrer le droit de grève dans les chemins de fer, texte qui n’avait même pas été retenu par le gouvernement Attal (3). Son texte avait pour but d’octroyer au gouvernement un quota de 30 jours par an durant lesquels les personnels des services publics de transports – excepté le secteur aérien – auraient été privés de leur droit de grève, avec une limite de 7 jours d’affilée par période d’interdiction. En gros, Philippe Tabarot proposait tout simplement de s’asseoir sur le droit de grève des cheminots, mais attention, pas des pilotes de ligne non plus…

Même l’ancien ministre des transports Patrice Vergriete (gouvernement Attal) s’était opposé au texte, questionnant sa conformité avec la Constitution et refusant de « monter les Français les uns contre les autres, ceux qui ont les moyens de partir en vacances contre ceux qui se lèvent tous les matins pour aller au travail. »

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Sa « spécialisation » dans le domaine des transports, reconnue semble-t-il essentiellement par les membres du micro-parti nommé « Les Républicains, » consiste donc surtout à taper sur les cheminots de la SNCF qui doivent donc être heureux de savoir que leur nouveau ministre des transports est Philippe Tabarot.

Pour être honnête, le dit Philippe Tabarot est aussi admiré dans les milieux de droite de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur où il a été vice-président du conseil régional de PACA chargé des transports. En effet, il avait géré le dossier de la privatisation de la ligne TER entre Marseille et Nice, dont l’exploitation avait été confiée en 2021 au groupe Transdev, au grand dam de la SNCF et des syndicats. Bref, un véritable cador des transports pour la droite tendance Bayrou. Aux dernières nouvelles, les trains privés Transdev circulent dans le Sud seulement depuis le mois dernier, c’est donc un peu tôt pour faire un bilan, mais on y reviendra probablement très bientôt sur Carfree France…

Quant au vélo, la marche ou la limitation de la voiture individuelle, il ne faut pas trop en demander non plus à un sénateur Les Républicains. Seule action à noter en la matière, la baisse drastique des financements publics destinés au vélo… Car, il faut quand même rappeler que Philippe Tabarot n’est pas particulièrement connu pour ses prises de position écologistes.

En 2021, dans le cadre d’une audition du GIEC par la commission sur l’aménagement du territoire et le développement durable du Sénat, l’ancien sénateur demandait aux scientifiques d’arrêter de « faire la leçon. » (4) Christophe Cassou, climatologue du GIEC, dénonce aussi la signature du ministre des Transports à une proposition de loi visant à « créer une dérogation aux obligations prévues pour l’aménagement des pistes cyclables. »

Rendez-vous dans trois mois pour découvrir le nouveau ministre des transports…

Marcel Robert

Notes

(1) Ennemi du droit de grève, des cheminots et du climat : qui est Philippe Tabarot, le nouveau ministre des Transports ?, L’Humanité, 6 janvier 2025.
(2) Philippe Tabarot, le nouveau ministre des transports, est au cœur d’une enquête judiciaire, à cause de ses multiples casquettes locales, Le Monde, 13 janvier 2025.
(3) Gouvernement Bayrou: Qui est Philippe Tabarot, le nouveau ministre des Transports ?, l’Opinion, 24 décembre 2024.
(4) Anti-grève, ultra-libéral, emploi fictif : qui est Philippe Tabarot, le nouveau ministre des Transports ? Révolution permanente, 26 décembre 2024.

Un commentaire sur “Philippe Tabarot, le nouveau ministre des transports de fonds

  1. Papa

    C’est dommage d’oublier sa récente proposition de loi pour assouplir le L228-2 afin que les aménageurs n’aient plus l’obligation de réaliser des itinéraires cyclables à l’occasion de création ou de rénovation de voirie…

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