Pour en finir avec Autolib’

Vous connaissez sans doute le Vélib’, le système de vélos en libre-service de Paris. Devant le succès de la démarche, la ville de Paris veut aller plus loin. Mais attention, plus loin ne veut pas dire créer encore plus de stations ou mettre encore plus de vélos à disposition, cela veut juste dire adapter le concept du Vélib’ pour les voitures. Cela s’appellerait Autolib’ et cela se présente déjà comme le plus grand foirage de la mandature Delanoë…

L’ambitieux projet de Bertrand Delanoë n’en est encore qu’à ses débuts et pourrait bien ne jamais voir le jour. Il faut dire que le concept de voiture en libre service est loin d’être satisfaisant et que de nombreux obstacles non résolus se présentent sur le périphérique du développement durable!

Tout d’abord, un système de voitures en libre-service relève de ce que certains appellent la « voiture servicielle » avec comme idée force la volonté de faire passer l’automobile du statut d’objet de possession individuel au statut de service. Autrement dit, au lieu d’acheter une voiture en propre, on loue une voiture en fonction de ses besoins.

Et tout ceci est présenté bien évidemment comme une solution « écologique » qui prend place dans le cadre du « développement durable ». Ce qui est archi-faux, mais bon, il faut bien arriver à les vendre les concepts fumeux!

En effet, remplacer des voitures individuelles qui appartiennent à des gens par des voitures individuelles qui sont louées, cela ne change pas grand chose d’un point de vue environnemental, c’est toujours autant de voitures, voire même plus en toute logique: les centaines de stations Autolib’ devraient en effet avoir toujours à disposition un grand nombre de voitures inutilisées en permanence pour répondre à la demande… Ce qui suppose des stations Autolib’ ressemblant à de gigantesques parkings à ciel ouvert et localisés un peu partout dans la capitale. Car évidemment, le piéton, ce sous-homme en quête d’automobile, ne devra pas marcher plus de quelques centaines de mètres pour avoir accès à une voiture en libre service…

Mais bon, sans vouloir être particulièrement critique, dans les cartons de la Mairie (qui prennent actuellement la poussière), il est question d’appel d’offre pour un parc de voitures électriques ou même à air comprimé. C’est là que commence la franche rigolade. Le discours latent tient dans l’hypothétique « bénéfice environnemental » du remplacement du parc automobile actuel par un parc de voitures en libre service de type électrique ou air comprimé.

Déjà, la voiture à air comprimé, dit aussi « pot de yaourt de Guy Nègre », ne fonctionne pas vraiment à l’air pur, mais plutôt avec de l’air comprimé par l’intermédiaire d’une source d’énergie magique qu’on appelle la fée électricité… Ensuite, les fameux pots de yaourts en question doivent entrer en phase de production avancée depuis des années maintenant avec une date de sortie éternellement repoussée… Enfin, ceci expliquant peut-être cela, des doutes de plus en nets se font jour sur la viabilité technique du projet… Bref, l’Autolib’ avec des pots de yaourt, c’est pas gagné!

Pour la voiture électrique, c’est la BlueCar de Bolloré qui semble prête à postuler. Bref rappel sur la voiture électrique: il s’est vendu en France en 2008 seulement deux voitures électriques! On mesure mieux l’étendue du chantier quand, dans le même temps, se pose la question de la viabilité économique et environnementale de la voiture électrique.

Car, au-delà du gain attendu (diminution des émissions de polluants en milieu urbain), il faut quand même prendre conscience qu’un développement massif de la voiture électrique suppose la production massive d’électricité. Or, il n’y a pas de production d’électricité sans émissions de CO2, même quand le parc de centrales est essentiellement nucléaire. Des centrales au fioul ou au charbon sont toujours utilisées, même en France, pour pallier les irrégularités de la demande nationale d’électricité. Selon Jean-Marc Jancovici, « la voiture électrique est indirectement émettrice de CO2, parfois plus que la voiture à essence. »

En outre, cette solution suppose l’extension du nucléaire, une nouvelle fois sans solutions définitives pour le traitement des déchets nucléaires et sans réel débat public démocratique (faut pas rêver non plus!).

Et on ne s’étendra pas non plus sur les grosses inquiétudes qui pèsent sur l’approvisionnement mondial en lithium, matière première indispensable à la fabrication des batteries électriques, et sans même parler des dégâts écologiques liés à son extraction (pas de gros mots SVP!).

Bref, avec Autolib’, on est face à un concentré de nuisances à grande échelle, présenté pourtant comme une solution écologisante, enfin plus gisante qu’écolo…

Comme on ne peut pas compter uniquement sur ses petits bras pour venir à bout d’une telle hérésie, heureusement, la réalité réaliste du monde réel rattrape au vol les concepts fumeux pour les faire redescendre sur terre.

Lire aussi :  Rapport mondial sur la prévention des traumatismes dus aux accidents de la circulation

Ainsi, l’actualité récente sur Autolib’ nous réconforte. Le Parisien nous apprend que le projet de voitures en libre-service initié par la Ville de Paris semble aujourd’hui compromis. Il vient d’essuyer deux revers coup sur coup. Le dossier semble freiné juridiquement et… financièrement. Cette semaine, la mairie de Paris a appris que le préfet de région avait refusé de valider la création du syndicat mixte censé initier la mise en route du projet.

Ce syndicat est pourtant incontournable : il doit permettre à la capitale et aux villes de banlieue intéressées de travailler ensemble pour créer le réseau de voitures en libre-service sur la région parisienne. Sans ce syndicat, les banlieusards seraient privés d’Autolib’ puisque le service serait limité aux strictes frontières de Paris. Le projet présenterait alors beaucoup moins d’intérêt.

Dès que la mauvaise nouvelle est tombée, les services juridiques de la mairie de Paris se sont mis en branle pour connaître les raisons du refus du préfet de région. « Le dossier n’est pas viable juridiquement », explique-t-on à la préfecture de Paris. Même pas foutus de se border juridiquement!

Au-delà de ce retard juridique à contourner, Autolib’ risque en plus d’être freiné par des difficultés financières. La région ne l’a pas encore annoncé officiellement, mais, d’après les informations du Parisien, elle va refuser de soutenir le projet sur le plan budgétaire. Coup dur!

Face à la levée de bouclier des élus Verts du conseil régional et les nombreux projets de transports en commun à financer, la région n’investira pas dans les voitures en libre-service. Le projet voit ainsi s’envoler une enveloppe de 10 millions d’euros ! Et avec la crise financière et les restrictions budgétaires annoncées dans toutes les villes, le projet n’est pas à l’abri d’autres revers.

Cette réponse du Conseil Régional est exemplaire: dans un contexte de crise, l’argent vient à manquer, et dans le même temps, les transports en commun, dont la fréquentation explose depuis quelques années, ont un réel besoin de financement. Dans ce contexte, quel sens cela a-t-il de financer avec de l’argent public un système de transport individuel comme Autolib’ alors même que les transports en commun, beaucoup plus écologiques et efficients, ont un réel besoin d’infrastructures et de financements?

Enfin, il faut quand même dire un mot sur l’hypothétique viabilité du projet Autolib’. La «mission automobiles en libre-service» de la Ville de Paris a établi que «le coût mensuel de ce service devra se situer entre 200 euros et 250 euros par mois, pour une utilisation sur une distance de 0 à 100 km». Au-delà de la blague (si c’est 200 euros pour 0 km, ça fait cher du kilomètre!), le prix moyen d’utilisation du service reste quand même élevé, d’autant plus qu’il sera nécessaire de s’abonner tous les mois pour en profiter (on ne pourra pas payer juste pour une seule utilisation par exemple).

Ce document précise que si le prix est plus bas, Autolib’ entrerait alors directement en concurrence avec les services d’autopartage, moins chers (90 euros à 140 euros pour 100 km). Or, il est communément admis qu’une voiture coûte en moyenne 430€ par mois tout compris à Paris pour 100 km par mois. (Source: www.20minutes.fr). Le gain est sans doute appréciable mais n’est pas révolutionnaire.

Également, quelle est la cible potentielle d’Autolib’? Il faut se rappeler qu’à Paris, 50% de la population n’a pas de voiture, ce qui constitue le taux de motorisation le plus faible de France, en grande partie du fait de la densité très forte du réseau de transports en commun. On peut faire le pari que ceux qui ont une voiture la garderont et que les parisiens (aisés) qui n’ont pas de voiture se mettront à la voiture occasionnellement, au lieu de prendre les transports en commun ou le vélo!

Résultat: encore plus de voitures dans Paris, encore plus de stationnement voiture, des stations Parkinglib’ un peu partout dans la capitale et deux ou trois nouvelles centrales nucléaires! Avec un peu de chance, on rajoute une voie dans chaque sens sur le périphérique avant la fin de la mandature Delanoë! C’est ce qu’ils doivent appeler la « croissance verte »…

Crédit Image: Hummerlib’

13 commentaires sur “Pour en finir avec Autolib’

  1. green car

    Vous critiquez le concept d’autolib sans avoir, je suppose beaucoup d’informations, saviez vous qu’une voiture en libre service remplace 5 à 10 véhicules en fréquentation quotidienne? De plus, le concept autolib, dépendant de l’énergie électrique est forcément moins polluant qu’une voiture fonctionnant au carburant fossile. L’électricité est produite majoritairement (75%) pas des centrales nucléaires, le reste sont des centrales charbon bientôt hors d’activité. Les centrales nucléaires ne sont pas une solution d’avenir, en effet, les réserves de plutonium et uranium sont estimés à 70 à 130 ans. Ces centrales seront donc remplacées par des solutions alternatives et surement moins polluantes. La voiture électrique à donc de beaux jours devant elle, contrairement aux voitures essences sans avenir.

  2. Marcel Robert

    Votre pseudo « Voiture verte » montre déjà à quel point vous vous fourvoyez, à moins que votre but soit seulement de tromper les gens? Pour le reste, votre commentaire montre que vous n’avez pas lu l’article ou que vous ne l’avez pas compris: il n’y a pas de production d’électricité qui puisse être 100% nucléaire! C’est quand même grave de ne pas le savoir quand on se donne pour objectif de promouvoir la voiture électrique…

  3. Jacques

    Il manque à mon avis une critique essentielle au système autolib’ tel qu’il se présente aujourd’hui. C’est un système « one way » comme le vélib’, c’est-à-dire qu’on prend la voiture à une station et qu’on peut la laisser à n’importe quelle station. Là où cela restait soutenable avec vélib’ (un camion permettait de transporter une bonne vingtaine de vélib’ pour les redispatcher ensuite sur les stations), cela devient ingérable avec des voitures. Il faudra en effet des semi-remorques pour réapprovisionner les stations en voitures, et à mon avis, ils ne seront pas électriques!

  4. La Voiture Autrement

    Nous sommes aussi effarés par les propos de Green Car qui semble oublié qu’il existe une différence entre l’autopartage classique et le concept Autolib Paris.
    Dans le cadre de l’autopartage classique, la cible c’est celui qui, pour abandonner sa voiture et se reporter sur les modes plus écologiques, économiques,…., a besoin d’une garantie au cas où (transports d’objets encmbrants, visite d’amis en périphérie ou tard le soir, week-end à la montagne,… Donc on prend la voiture et on la repose au même endroit.
    Avec Autolib Paris, le système « one-way » concurrence directement les transports collectifs ! Comme il est bien dit dans l’article et dans les commentaires, les autres effets pervers sont alors nombreux : plus de parkings que de voitures, de la mobilité inutile pour rééquilibrer les stations, des couts exorbitants pour gérer tout ça (c’est le contribuable francilien qui trinquera),….

    Depuis plusieurs mois, l’association La Voiture Autrement milite pour un développement massis de l’autopartage qui permet un usage raisonné de la voiture et favorise le report modal. En revanche, elle affiche clairement son opposition au concept proné par Autolib Paris.

    Retrouvez des articles sur ce sujet et plus globalement sur la problématique de l’usage raisonné de la voiture en ville sur notre blog :

    http://www.lavoitureautrement.blogspot.com/

  5. Joel

    Ce que l’article ne dit pas est que le concept d’Autolib’ existe déjà à Paris. Il suffit d’aller sur le site de Mobizen pour voir que le principe d’Autopartage fait déjà ses preuves dans la capitale. La moyenne des consommations mensuelle est d’environ 100€, ce qui est bien moins cher que les 200€ annoncés par la ville de Paris…

  6. La Voiture Autrement

    @ Joel
    Non, Mobizen c’est de l’autopartage classique. On repose la voiture là où on l’a prise. Et c’est très bien comme ça…

  7. Joel

    @ La Voiture Autrement
    Franchement, ce qui est bien avec Mobizen, c’est que l’on est sûr de retrouver « sa » voiture, car on la réserve pendant la période où on en a besoin. Il y a des voitures Mobizen partout dans Paris, du coup on a forcement une près de chez soi et on l’utilise comme la sienne… Le risque d’Autolib’ est de ne pas avoir de véhicule disponible dès qu’on en a besoin et que l’on doit attendre qu’une voiture revienne ou soit rapatrié vers la station…

  8. Ailurus

    Comme si il n’y avait pas assez de voitures dans Paris…

    Comme si les parisiens allaient revendre leur voiture…

    Je suis d’accord, si et seulement si ça mène en droite ligne à une taxe de la voiture dans paris intra-muros.

  9. mobistress

    Bonjour,

    pour revenir au concept autopartage (donc ecologique et dd) et plus particulierement sur Mobizen.
    Ce genre de société sur paris manque encore d’experience sur le terrain et si une refonte de leur contrat de location n’est pas faites, celle-ci va droit dans le mur.
    En effet, elle pousse tellement à l’economie leur prestation pour mieux margé qu’il ne font plus attention au respect, partage, confiance (qu’il prone eux-memes, mais à géometrie variable….) de leur client.

    Manque de maturité pour l’instant à eviter…

  10. Joel

    @MOBISTRESS

    à vous lire, je pense que vous pourrissez le web de faux messages contre mobizen (à la manière d’un de leur concurrent). Je suis membre depuis plusieurs mois et j’en suis extrêmement contant. Surtout que le sujet traitait d’autolib. J’ai juste fait la remarque qu’il existait un concept similaire. Pour ma part, mobizen c’est super, les voitures sont bien entretenues, le service est génial et la prestation est plus que correcte puisque que je fais de réelle économie depuis que je suis chez eux pour la même utilisation qu’avant… Vive mobizen !!!

  11. Tassin

    Il y a un système récent d’autopartage à grande échelle, c’est la location de voiture de particuliers à particuliers.
    2 grands sites existent aujourd’hui :
    http://www.voiturelib.com/
    https://fr.cityzencar.com/
    Autolib me semble partir d’un bon sentiment, mais comme l’ont dit les commentateurs plus haut, s’adresse plutôt à des gens qui jusque là prenaient les TC ou le Velib. A mon avis c’est une grosse connerie en termes d’occupation de l’espace urbain. En plus c’est limité à Paris, donc en ville, là où la voiture n’a pas sa place.
    Maintenant si ça peut permettre à certains de revendre leur voiture pour utiliser ce système, ok. Mais on en attend la preuve car logiquement si autolib remplace un véhicule perso à usage quotidien, tout le monde va en avoir besoin au même moment et il faudra donc autant d’autolib que d’usagers. Mais le double de places de parking. Une débilité donc.

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