Agro-carburants : Et si l’Europe se trompait?

La Commission Européenne a sélectionné la semaine dernière 7 organismes de certification de biocarburants qui vont réaliser des audits auprès des entreprises productrices pendant 5 ans. Ces audits seront basés sur des critères de certification choisis par ces organismes, qui évalueront la « durabilité » de cette énergie.  La filière devra s’engager pour une réduction de gaz à effet de serre d’au moins 35%, ainsi qu’une réduction de la consommation d’eau des biocarburants, des produits chimiques,  des impacts négatifs sur la qualité des sols et elle ne doit pas avoir lieu sur des surfaces en forêts ou tourbières. Il est clair que cette démarche va dans le même sens que la Directive de l’UE adoptée en 2009, qui veut rendre les biocarburants obligatoires (oui, obligatoires !) à hauteur de près de 10% de la totalité des carburants utilisés dans le transport d’ici à 2020 (les autres énergies renouvelables ne représentant qu’une part minime). Par cette certification, l’UE se dote d’arguments de choc pour défendre l’industrie des biocarburants. Alors même que ce débat fait mouche, l’UE ne prend pas le temps de s’arrêter, de faire une pause, et de réfléchir si oui ou non, les biocarburants sont la solution à tous nos maux.

Cette avancée vers la certification dite « durable » des biocarburants (qui a le mérite de rendre les entreprises du secteur heureuses) arrive peu après la publication d’un rapport commun de l’Organisation Mondiale du Commerce, de la FAO (Food and Agriculture Organisation), du Fonds Monétaire International et de l’OCDE, qui révèle les dangers d’une subvention excessive des agro-carburants. Ce document (disponible ici) explique que ces carburants sont en grande partie responsables de la volatilité des prix des denrées alimentaires sur le marché, et ce de manière croissante.

Je ne sais pas vous, mais moi j’ai comme l’impression que quelque chose cloche dans ce scénario. Que des organisations aussi massives et influentes que celles citées plus haut mettent en garde contre une trop grande utilisation des biocarburants, alors même que ce discours a été tenu par les écologistes de tous bords avant même leur commercialisation, relève du miracle. Et pendant ce temps, l’UE joue la sourde oreille. Pourquoi ? Pour protéger cette industrie ? Il est important de préciser que les 7 organismes de certification font tous partie du business des biocarburants. En voici la liste : ISCCBonsucro EU RTRS EU RED RSB EU RED2BSvsRBSA et Greenergy. Pourquoi la Commission n’a-t-elle pas effectué une sélection plus neutre, ou plus diversifiée ?

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Il est évident qu’afin de faire face à une pénurie de denrées fossiles, le secteur de l’énergie va devoir trouver des alternatives. Mais l’UE ne devrait pas dépenser toute son énergie dans la course aux carburants agricoles. Rien que l’expression « carburants agricoles » sonne étrange. On nous montre des images de petits Somaliens entre la vie et la mort, tués par la famine, et l’UE se contente de subventionner et promouvoir l’exploitation de terres arables pour remplir nos bidons à essence. Nos terres ne servent plus à nourrir les hommes, mais à nourrir nos voitures. Nous sommes descendus bien bas.

Mais si l’OMC s’engage dans la rédaction d’un rapport relativement négatif à l’égard des carburants, pourquoi n’établirait-elle pas des clauses limitant l’exportation des agro-carburants vers l’UE? Que l’UE fasse ce qu’elle veut de ses propres terres, mais qu’elle n’aille pas piller celles des autres pour remplir ses stations à essence !

Source: http://terragazette.wordpress.com/
Source illustration: http://www.paperblog.fr/642280/biocarburants-revoir-les-objectifs-europeens/

8 commentaires sur “Agro-carburants : Et si l’Europe se trompait?

  1. Yôm

    « Que l’UE fasse ce qu’elle veut de ses propres terres, mais qu’elle n’aille pas piller celles des autres pour remplir ses stations à essence ! »
    Je suis entièrement d’accord avec le principe.
    Mais dans les faits, cela s’inscrit dans la continuité de la politique colonialiste à l’origine de l’opulence que connaissent l’Europe et les Etats-Unis aux dépends des peuples d’Afrique et d’Orient.
    Puisque la catastrophe humaine et écologique se déroulant au Delta du Niger (http://carfree.fr/index.php/2010/06/09/les-marees-noires-oubliees-du-delta-du-niger/) n’émeut aucun automobiliste de l’hexagone je suis pleinement favorable à l’exploitation des gaz et pétrole de schiste sur notre territoire.
    Il serait temps que les consommateurs du pétrole en payent le prix.

  2. Legeographe

    Yôm, votre point de vue n’est ni inintelligible, ni inintelligent. La question de la mobilisation pour sauver son lopin de terre, mais pour spolier les pays lointains, est une question irrésolue à ce jour.

    Ce qu’a démontré Lester Brown dans « Plan B 2.0: Rescuing a Planet Under Stress and a Civilization in Trouble » (2006) (livre publié en français également), c’est que les pays continuent d’importer des produits *vitaux* sous forme déguisée. Ainsi, quand un pays importe un kilo de blé, il importe en quelque sorte 1 mètre cube d’eau (1000 litres).

    Si l’on produit nos oléagineux OGM pour les agro-carburants sur nos terres et que l’on importe des oléagineux ensuite pour notre alimentation, notre souveraineté alimentaire se fera au détriment des populations pauvres dans les contrées qui nous vendent leurs produits agricoles pour acquérir des devises étrangères sur le marché mondial.

    Lecture du bouquin de Lester Brown en ligne (en anglais) :
    http://www.earth-policy.org/books/pb2/pb2_table_of_contents

  3. Yôm

    euh… pardon, ici la planète B-612, Mr Legeographe de la sixième planète, je n’ai pas bien reçu votre message.

    Dis Legéographe, qu’est-ce que signifie « ni inintelligible, ni inintelligent. »?
    Je ne comprend pas la suite non plus et désire une reformulation si vous le voulez bien.

  4. Legeographe

    Cela veut dire, Yôm, que votre commentaire est intelligible et intelligent.

    La suite, cela veut dire que quand on consacre une partie de nos terres aux agrocarburants, mais que l’on importe aussi du soja et du maïs ensuite pour engraisser notre bétail (viande que l’on mange au moins dix fois trop, par ailleurs), alors on se fout le doigt dans l’oeil et bien profond si l’on croit que l’on a fait tout bien tout moralement dans le respect des pauvres qui meurent de faim en ce moment.

  5. Yôm

    Merci, je n’étais pas certain du sens de la double négation.
    J’apprécie la reformulation et j’adhère.
    On ne fait pas tout bien moralement dans le respect des pauvres, effectivement.
    C’est moche.
    Il ne reste souvent qu’un désir de justice inassouvis.

  6. cycliste alcoolique

    Quitte à se le foutre bien profond, je ne choisirais pas l’oeil, car je n’aime pas souffrir.
    Maintenant, peu d’automobilistes sont au courant que en plus de pourrir la planète, ils affament une partie de ses habitants, juste pour remplir leur bagnole de carburant et aller polluer les rues locales.
    Nous devons, à travers des actions collectives individuelles, leur annoncer qu’ils sont directement responsables.

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