Je fais partie de la majorité silencieuse. Je ne klaxonne pas, je ne râle pas contre les couloirs de bus, je ne me plains pas quand on installe un nouveau sens interdit quelque part…
Normal, je n’ai pas de voiture. Je devrais donc, théoriquement, être heureux de la politique de la ville de Paris. D’autant plus que, comme tout bon «bobo-écolo» qui se respecte, j’ai voté Bertrand Delanoë avec enthousiasme. C’était en 2001. Depuis, hélas, ma colère est montée. Et aujourd’hui, elle éclate. Oui, je suis piéton et furieux. Oui, je suis piéton et j’en ai marre que les trottoirs soient envahis par un mobilier urbain inutile et encombrant. J’en ai plus qu’assez de voir que la ville a été livrée à des urbanistes dont l’objectif premier n’est pas le bien-être du piéton. Expliquons-nous. Avant Delanoë-Contassot-Baupin, je pouvais conduire mon enfant à l’école en le tenant par la main. Et puis les forces d’occupation de l’espace sont arrivées. Elles ont aussitôt ceinturé les espaces avec des barrières, avec des pics de métal, avec des blocs de béton, créant le déplorable sentiment que les parisiens étaient mis en cage. Elles ont créés des embouteillages de piétons. Des exemples ? Tenez, boulevard Voltaire, à la hauteur de la place de la Nation, les forces d’occupation du sol ont installé une bétonnière (baptisé jardinière par les Élus de la Ville de Paris) qui occupe la quasi totalité du trottoir. Résultat, il est impossible de passer si on tient un enfant et un sac. Le rétrécissement du passage entraîne un embouteillage de piétons. Certes, on pourrait apprécier l’effort de la mairie de créer des espaces verts. Mais où est l’espace vert ? Je vois un bloc de béton surmonté de quelques brins d’herbe. L’esthétique en est pour le moins discutable. Une municipalité écologique aurait planté un arbre, qui ne prend guère de place au sol, et fait de l’ombre en été quand on souffre de canicule. Cette solution aurait économisé du béton…
Après tout, peut-être s’agit-il d’une petite erreur, agaçante pour les habitants du quartier mais sans gravité. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une erreur mais bel et bien d’une politique délibérée d’occupation de l’espace. Regardez le boulevard de Magenta : la chaussée réservée aux automobiles a été amputées de quatre mètres et les trottoirs ont été agrandi d’autant. Le piéton que je suis devrait se réjouir. Hélas. La petite partie réservée aux piétons n’a pas été élargie d’un centimètre. En revanche on a installé une piste cyclable sur le trottoir et, surtout, on a réservé, toujours sur le trottoir, une bande de plus d’un mètre de large à Decaux. Oui, à Decaux. Aux panneaux publicitaires Decaux. Ils sont bien plantés, perpendiculaires à la chaussée, occupant le maximum de place possible. En clair, l’équipe au pouvoir, élue sur un programme écologique de gauche, a pris de l’espace aux automobilistes pour le donner à une société anonyme cotée au CAC 40 ! Autre exemple, boulevard de Clichy, les urbanistes ont surélevé le terre-plein central et l’ont entouré de béton. Résultat ? Outre que la perspective est gâchée, outre que les piétons ne peuvent plus traverser, outre que le mobilier urbain crée des embouteillages de piétons, il faut contourner des obstacles pour pouvoir marcher. Essayez donc en tenant un enfant d’une main et un sac de supermarché de l’autre ! Essayez donc de grimper sur ce trottoir si vous avez des difficultés à marcher ! Quand aux « petits » trottoirs, ils sont occupés par des piques de métal qui, souvent, interdisent purement et simplement la marche des parisiens qui sont obligés d’aller sur la chaussée.
Essayez donc de marcher dans Paris si vous êtes une personne âgée qui craint d’être bousculée dans un embouteillage de piétons ! Essayez donc de tenir votre poussette d’enfant sur les pentes des passages piétons ! Sans oublier le clou de l’absurdité : les chicanes installées au milieu des chaussées. Certaines sont impraticables si vous avez par exemple une valise à roulettes ou une poussette d’enfant. Les passages piétons sont désormais signalés par d’énormes piques de métal marronnasses avec un capuchon blanc. Passons sur l’esthétique. Mais l’espace entre les piques est trop étroit pour que deux piétons se tiennent côte à côte. Alors comment faites-vous avec votre enfant de trois ans qui ne tient pas en place ? Et si vous croisez quelqu’un, comme l’espace est trop étroit, vous avez droit à un embouteillage de piétons qui vous oblige à piétiner sur la chaussée. Pendant que vous attendez que l’espace se libère, le feu passe au vert et les voitures arrivent… Merci aux urbanistes, merci à Bertrand Delanoë, merci à Denis Baupin, merci à Yves Contassot.
Bref, assez, assez, assez ! En tant que piéton, je demande instamment que nos trottoirs nous soient rendus. Je demande la suppression des panneaux Decaux, le retrait des piques de métal, la suppression de toutes les chicanes, le déplacement des lampadaires et des arbres (ils doivent être plantés au bord des trottoirs, pas au milieu !) et la réduction des bétonnières. Il faut libérer l’espace, briser les murs, ouvrir les cages.
Hubert Quirin
piéton parisien sans voiture