« Pour que l’automobile soit toujours un plaisir. Quelle outrecuidance éhontée, satisfaite et pour tout dire fasciste. Rangez-vous dans le clan hédoniste, celui qui caresse les tas de ferraille comme d’une soie précieuse, qui écoute vrombir le moteur thermique comme d’une sonatine de Mozart, qui respire les métaux lourds du pot catalytique comme le parfum du mimosa.
De toute façon, vous n’avez pas le choix. L’automobile est un plaisir – largement solitaire il est vrai. Votre joie sera secrète, immobilisé comme des milliers d’autres sur l’autoroute ou le périphérique, d’avoir acheté du plaisir automobile. Votre joie sera intense, de n’être point reconnue, et même d’être identique à celle de milliers d’autres qui auront acquis le même plaisir que vous. Votre joie sera brève, jusqu’au millésime suivant, qui reléguera votre plaisir au rang de pratique honteuse et réprouvée. Car le plaisir est toujours éphémère. »
Rares sont les livres qui s’en prennent d’une manière irraisonnée à la civilisation de l’automobile. Pouvoirs économiques et fantasmes de puissance se conjuguent pour rejeter aux marges ceux, pourtant plus nombreux, que l’automobile insupporte, fait souffrir, tue. « Détestation de l’automobile et de l’automobiliste » leur propose un petit exercice de haine, à fins cathartiques tout comme pour inviter à l’action. Pour se soulager de ses peurs et de ses mépris, mais aussi pour s’engager dans une voie active d’éradication de l’objet, de sa mise en scène et de sa toute puissance – seule condition de survie de l’espèce.
Ce petit opuscule n’a d’autre but que de servir de bréviaire de haine à ceux qui en partagent la conviction, à savoir que l’automobile, et tout ce qui l’accompagne, constitue l’une des pires calamités du vingtième siècle et la pire calamité du siècle présent. Sa puissance destructrice s’étend et s’étendra sur toutes les composantes de l’activité humaine, environnement, morale, espace, psychologie et physiologie de l’Homme.
Détestation de l’automobile et de l’automobiliste
de Yves Desrichard (104 pages)
Editeur : Le Manuscrit (22 mai 2002)
Collection : Marges