Cette publicité de Citroën pour un de ses modèles m’amène à évoquer un nouveau problème (comme si il en manquait!) apporté par la généralisation de l’automobile individuelle et/ou familiale: le déficit morphocinétique (ou déficit expressif).
En psychophysiologie, on distingue 2 grandes catégories de motricité: la morphocinèse (la motricité expressive qui génère des formes) et la topocinèse (la motricité d’atteinte de cibles). N’importe quel geste humain ou animal est soit morphocinétique, soit topocinétique ou un mélange des deux.
Par exemple, le geste d’écrire est un geste morphocinétique parce qu’il engendre les formes cursives de l’écriture. La danse appartient aussi au registre morphocinétique. Les mimiques sont également une motricité qui exprime des formes.
A l’inverse, la marche et la préhension (le fait d’attraper un objet) sont de la motricité topocinétique où le geste a comme but celui d’atteindre une cible. Dans les cas de la marche ou de la course, la cible est géographique.
Le comportement de tous les jours est un mélange des deux registres morphocinétique et topocinétique: par exemple, saisir une carafe sur la table est un geste topocinétique avec une composante morphocinétique de la main qui prend la forme du goulot pour le saisir. De même, le geste d’écrire combine le geste de déplacement vers une cible et d’expression.
Toutes les activités humaines ont besoin de ces deux composantes: retirer la motricité expressive d’une activité quelconque la déshumanise.
C’est le cas de la conduite automobile où le chauffeur est dépourvu des capacités expressives de la gestuelle et des postures du marcheur.
La vie en société, qu’elle soit humaine ou animale, requiert, pour désamorcer la violence potentielle du groupe, un registre expressif le plus étendu et le plus nuancé possible au lieu de quoi les conducteurs d’automobiles ne disposent que d’un vocabulaire extrêmement frustre, limité au cinglant coup de klaxon, au clignotant et à l’appel de phare.
C’est ce défaut de capacité et de nuance expressive qui explique l’agressivité si souvent constatée des automobilistes. La société PSA Peugeot Citroën se doute-t-elle que si ses modèles disposaient des capacités morphocinétiques de l’androïde patineur montré dans ses publicités, l’espace routier s’en trouverait fortement apaisé?
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GC
Je reprends une partie de ton texte :
Le comportement de tous les jours est un mélange des deux registres morphocinétique et topocinétique : par exemple saisir le volant pour conduire, st un geste topocinétique avec une composante morphocinétique de la main qui prend la forme du volant pour le saisir, de même pour le passage de « vitesse » combine le geste de déplacement vers une cible.
Le mouvement du marcheur pourrait en partie être comparé à celui du mouvement des pieds sur les pédales d’accélérateur, frein et embrayage.
Bien sur on pourrait transposer celà au vélo, avec les pédales, le guidon, les freins etc…
Il ne faut pas s’arrêter à la carrosserie de la voiture, il y a des personnes dedans, surtout une qui est en mouvement qui permet de diriger cette voiture.
L’activité la plus « déshumanisante » serait le déplacement en TC, juste à s’assoir et attendre le prochain arrêt.
🙂
URB ! La motricité d’expression suppose qu’il y ait un public!
La motricité d’expression provient d’un émetteur à destination d’un récepteur. Je t’accorde que le chauffeur fait un peu de morphocinèse en saisissant son volant, mais il n’a pas de public social!
Ton objection est très intéressante parce qu’elle me permet de distinguer entre morphocinèse stricte et la dimension expressive de la morphocinèse qui suppose qu’il y ait un public ! Dans cette hypothèse, l’expression serait un peu comme la coloration émotive de la motricité qu’elle soit motricité-de-forme ou motricité-d’atteinte-de-cible.
URB ! Ton pseudo est une abréviation d' »Urbain »: tu devrais savoir que la rue urbaine est un « théâtre social »!
Une vie humaine (ou animale) harmonieuse suppose un équilibre entre comportement privé et comportement dans la collectivité où l’expression corporelle est vachement importante. Le règne animal (chiens, chevaux..) accorde une extrême importance à la gestuelle. C’est une dimension phylogénétique essentielle au développement des individus dans la collectivité.
Un endroit urbain harmonieux: c’est une place sans voiture où des enfants jouent et s’ébattent et où se croisent et discutent toutes sortes de piétons d’âges et de rôles différents: c’est l’endroit sacré de la vie en collectivité qui devrait être préservé du bruit et des nuisances automobiles.
@carfree: merci d’avoir publié cet ancien article qui me tient toujours très à coeur.
« URB ! La motricité d’expression suppose qu’il y ait un public! »
Mais le public est aussi au niveau des automobilistes.
Nous ne conduisons pas tous de façon identique, c’est qu’est l’expression envers un « public » qui se compose des autres usagers.
On peux, quand on y fait attention, savoir la réaction d’un automobiliste, ce qui montre qu’il y a expression.
Il ne faut pas voir la voiture comme une simple boite, là tu remarquera les personnes qui sont dedans et ce que je viens de marquer.
Ce qui me rappelle les dires d’un forumeur d’antibagnole qui, pour savoir si il pouvait traverser la route quand une voiture arrivé, c’était de regarder la plaque d’immatriculation de la voiture (on se demande pourquoi 🙂 ).
Ce qui montre qu’il ignore le comportement du conducteur, alors qu’il suffit de regarder le conducteur ce qui permet de savoir si la voiture est assez éloigné et surtout de remarquer si le conducteur nous a vu.
« Un endroit urbain harmonieux: c’est une place sans voiture où des enfants jouent et s’ébattent et où se croisent et discutent toutes sortes de piétons d’âges et de rôles différents: c’est l’endroit sacré de la vie en collectivité qui devrait être préservé du bruit et des nuisances automobiles. »
Là dedans les seules choses que tu puisse espérer ce sont les enfants qui jouent ensemble.
Le reste tu peux oublier, suffit de voir les gens dans la rue, dans les TC, ça résume assez bien la situation.
En marketing, on préconise de toujours mettre en scène des êtres humains (souriants et patati et patata). Dans la pub de Citroën, le robot anthropomorphe remplace le bon père de famille conduisant (comme si la voiture était un nouveau membre de la famille (après le chien qu’on abandonne au départ des vacances, voici venir la voiture qu’on adopte en s’endettant pour partir à ces mêmes vacances !).