Il fut un temps où le progrès social rimait avec celui de la technologie malgré les coûts multiples qui pouvaient déjà en résulter. Les avantages tirés du progrès technique pouvaient justifier la dureté de la condition ouvrière comme celle des mineurs, ces soutiers de la première société industrielle. Les transports rapides, l’électricité, l’équipement des ménages profitaient à tous ou du moins, tous pouvaient espérer en profiter. C’est ainsi que Ford incita ses ouvriers à s’endetter pour acquérir une automobile. Cette situation dura en France jusqu’à la fin des « trente glorieuses ».
Aujourd’hui, il en va tout autrement, non seulement à cause de la crise écologique qui remet en question notre foi dans le progrès, mais aussi parce que les avantages découlant de ce développement apparaissent aux yeux de tout un chacun comme de plus en plus réduits. Par un effet de seuil cher à Ivan Illich, les coûts sociaux de la course à la puissance et à la sophistication sont en voie de dépasser largement ses avantages. Tout le monde peut constater que la fameuse croissance, jadis créatrice d’emplois pérennes, en détruit davantage qu’elle n’en suscite.
Cela s’est d’abord manifesté dans le domaine de l’agriculture et de la pêche où l’équipement productif a entraîné une concentration croissante des exploitations découlant de l’endettement obligé des agriculteurs et de pêcheurs. L’exode rural massif et l’élimination des petits paysans de ces cinquante dernières années n’a pas d’autres causes. Et aujourd’hui, c’est au tour de l’industrie d’être victime de ce processus destructeur résultant d’une course mondiale à la compétitivité des entreprises. Les licenciements massifs découlent de la combinaison du progrès technique et de la concurrence internationale. Seules peuvent survivre chez nous les usines sans ouvriers et dirigés par des cadres exploitant des technologies innovantes.
En matière de transport collectif, on assiste au même processus. L’énormité des investissements représentés par les projets autoroutiers et les LGV en Aquitaine est déjà à l’origine d’une discrimination sociale entre usagers. L’augmentation des péages autoroutiers prévus par exemple pour l’A65 ainsi que celui des tarifs SNCF pour les nouvelles lignes de TGV illustre ce phénomène. Les TER pour les pauvres, l’AGV pour les riches, comme en matière de transports aériens !
Mais il y a aussi des causes autres qu’économiques qui expliquent ces discriminations sociales. Ces causes d’ordre culturel résident dans l’opacité croissante des systèmes technologiques qui constituent l’environnement quotidien des catégories sociales les plus défavorisées. Qu’il s’agisse de l’informatisation galopante de la société, de la complexité et du changement permanent des organisations entraînées par le progrès technique, des risques liés à certains produits de consommation, les gens les plus modestes ont de plus en plus de mal à comprendre le monde dans le quel ils vivent. A l’opposé, on assiste au plan planétaire, à une concentration toujours plus importante de richesses, de privilèges et de pouvoirs entre les mains d’une oligarchie surinformée qui seule est véritablement au fait des choses. De ce point de vue, la classe moyenne, menacée actuellement de prolétarisation, pourrait être amenée à se radicaliser.
La question sociale doit donc aujourd’hui être complètement repensée. Les représentations politiques héritées du XIXième siècle associaient mécaniquement progrès technique et social, vitesse et justice sociale. Nous avons d’abord besoin d’une technologie qui soit à l’échelle humaine et ne s’inscrive pas dans une course épuisante qui n’a d’autre finalité qu’elle même. Autrement dit, une technologie plus simple, plus robuste, moins coûteuse pour la collectivité et inutilement sophistiquée. Tout cela implique une révolution culturelle dans la formation de nos ingénieurs jusqu’à présent dominée par l’obsession de la performance et par delà un enseignement qui réintègre la dimension sociale, politique et éthique de la technologie.
Simon Charbonneau est maître de conférences honoraire et militant associatif.
Source: Reporterre
« une concentration toujours plus importante de richesses, de privilèges et de pouvoirs entre les mains d’une oligarchie surinformée qui seule est véritablement au fait des choses. »
je reprends juste cette phrase de cet article digne d’interêt, juste pour bien souligner que l’accès à une information fiable, objective et intelligemment vulgarisée à destination du grand public (abreuvé de JT-spectacle-ininteressant et partisan en fonction du traitement de certains sujet… Pour les fans du JT des chaînes généralistes, je vous invite pour une première étape, de faire un tour sur le JT d’arte de temps en temps, vous verrez la différence… et ne soyez pas déçus si cela ne parle pas que de ce qui se passe dans nos jardins) serait extrêmement bénéfique pour faire prendre conscience la population. Pour info,jJ’en ai fait l’expérience autour de moi.
Cet accès à l’Information à tou-te-s (avec un i majuscule) ne ferait pas tout…. Mais ce serait une sacré avancée pour les consciences… Et l’équité.
Pour continuer sur la lancée de MOA : depuis que je ne regarde plus aucun journaux TV, j’en sais bien plus sur l’actualité…
La vraie, l’utile, pas les 95% de trucs nuls et inutiles (donc nuisibles !) dont nous abreuvent lesdits journaux.
Le fait de ne pas recevoir tout ce bruit permet d’améliorer le ratio « signal/bruit » : Lorsque 1000 informations vous parviennent, donc 5 seulement réellement utiles, il est très difficile de les voir… SI vous réussissez à vous passer de 800 informations inutiles, ces 5 mêmes informations utiles deviennent beaucoup plus visibles !
Note : je n’ai jamais regardé le JT d’Arte, mon commentaire ne le vise donc pas !
aux détracteurs du système TGV, il semblerait que la SNCF change un peu sa position au vu des résultats financiers catastrophiques des lignes TGV cette année.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/09/27/la-sncf-veut-se-concentrer-sur-les-liaisons-de-proximite_1416526_3234.html
Ceci dit, on peut s’interroger sur les raisons de ces résultats en se placant d’un point de vue consommateur. Pour un trajet en dehors de la ligne nord sur (lille marseille 4 à 5 h de train de centre ville à centre ville), il est souvent financièrement plus avantageux de prendre l’avion.
Ceci dit, quand on voit les avantages fiscaux dont bénéficient les compagnies aériennes ( http://carfree.fr/index.php/2010/06/28/le-gouvernement-baisse-les-impots-des-compagnies-aeriennes/ ) et les pressions qu’elles exercent sur les localités pour bénéficier de subventions, on comprend mieux comment ryanair et ou easyjet proposent un billet à 10eur !
Encore un autre lien sur un sujet TGV, venu du superbe site les Echos :
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/service-distribution/actu/020829662076-la-grande-vitesse-et-les-autoroutes-vont-financer-les-trains-corail-deficitaires.htm