Les villes sans voitures

La conférence internationale « Vers des villes sans voitures » qui s’est déroulée à Lyon en 1997 s’était terminée par une déclaration commune intitulée « Le protocole de Lyon ». Ce protocole explique dans le détail comment transformer de vastes espaces urbains en espaces sans voitures. Il définit une stratégie pour parvenir à un consensus sur la manière de concevoir et de mettre en œuvre un tel changement radical. Lors de cette conférence, un concept de ville sans voitures avait été élaboré pour l’ensemble de la ville de Lyon. Dix ans plus tard, en 2008, Carfree France appliquait ces principes sur deux autres villes françaises, Caen et Toulouse.

Lyon sans voitures

Cet exemple sur la ville de Lyon (près de 500.000 habitants pour la commune de Lyon et même près de 1,3 millions d’habitants avec le Grand Lyon) montre que la vie sans voitures n’est pas réservée seulement à quelques écoquartiers isolés et limités permettant aux élus locaux de se donner bonne conscience tout en maintenant par ailleurs à bout de bras une civilisation automobile à l’agonie dans le reste de la ville.

L’exemple original est disponible sur Carfree France. Ce travail a été mené dans le cadre de la conférence internationale « Vers des villes sans voitures » qui s’est déroulée à Lyon en 1997.

Méthodologie

Suite au projet de ville sans voitures réalisé pour Lyon en 1997, nous avions décidé d’appliquer cette approche en 2008 pour deux autres villes françaises, Caen et Toulouse, choisies pour leur forte dépendance actuelle à l’automobile en lien avec la périurbanisation et l’étalement urbain.

La méthode retenue a consisté à utiliser des Systèmes d’Information Géographique (SIG) permettant de calculer facilement des distances minimales entre arrêts de transports collectifs, et permettant également d’évaluer le coût total d’une telle transformation en partant d’hypothèses classiques en matière de coût des infrastructures de transports collectifs.

L’objectif qui a prévalu lors de la constitution de ce plan était de couvrir la quasi-totalité de la ville ainsi que les communes limitrophes d’un réseau dense de transports publics efficaces. Les cercles situés autour des stations ont un rayon de 300 mètres: n’importe quel point de la ville doit ainsi avoir accès à moins de 300 mètres à pied à une station de tramway, métro ou bus en site propre, ce que l’on appelle traditionnellement les Transports en Commun en Site Propre (TCSP).

Sur les cartes, les réseaux de bus traditionnels n’ont donc pas été reportés. Il conviendrait donc de rajouter à ces cartes le plan du réseau de bus existant, réseau qui aurait pour fonction dans une ville sans voitures de rabattre les voyageurs vers le réseau rapide de TCSP.

Caen-sans-voitures

Caen sans voitures

Dans le cas de Caen (115.000 habitants pour la commune de Caen et près de 220.000 habitants pour l’agglomération de Caen), le problème de l’étalement urbain se double d’une très faible couverture en transports collectifs, avec une seule ligne de Transport Collectif en Site Propre (TCSP), à savoir un tramway sur pneus. Le projet de transformation de Caen en ville sans voitures nécessiterait ainsi la réalisation de 16 lignes de tramway, métro ou bus en site propre pour un coût total d’environ 2 milliards d’euros.

A titre de comparaison, il faut savoir que le coût d’une autoroute en milieu urbain peut monter jusqu’à 80 millions d’euros par km: c’est le cas de l’A86 par exemple, en zone urbaine et hors tunnel, qui a coûté 80 millions d’euros du kilomètre. Cette autoroute permet de faire le tour complet de Paris à environ une dizaine de kilomètres de la capitale.

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On voit par là que le projet de ville sans voitures dont il est question ici revient donc environ à 25 km seulement d’autoroutes!

Toulouse sans voitures

Toulouse sans voitures

Dans le second cas, nous nous sommes intéressés à Toulouse (près de 445.000 habitants pour la commune de Toulouse et près de 875.000 habitants pour l’agglomération de Toulouse), une ville caractérisée par un vaste étalement urbain.

Le choix de la ville de Toulouse est intéressant car il s’agit d’une ville qui possédait au début du 20ème siècle un réseau extrêmement dense de transports en commun avec une multitude de lignes de tramway qui traversaient la ville. Dans les années 60, ce réseau a été détruit au profit de la généralisation de l’automobile: c’était l’époque où l’on croyait que l’automobile était la solution. Très vite, il est apparu que les transports en commun étaient quand même « un peu » nécessaires, Toulouse a alors mis en place des bus et des voies réservées aux bus, avant de construire deux lignes de métro à la fin des années 90.

Afin de couvrir l’ensemble de la ville de Toulouse et même au-delà, d’un réseau de TCSP dense où quasiment tout le monde aurait moins de 300 mètres à pied à faire pour atteindre une station, il a été nécessaire de projeter la réalisation de 13 lignes de tramway, métro ou bus en site propre.

Avec un coût moyen de 20 millions d’euros par km de tramway, on peut estimer le projet à environ 3 milliards d’euros, soit l’équivalent de 37 km seulement d’autoroutes en milieu urbain!

Conclusion

Ces quelques exemples montrent que la ville sans voitures n’est pas une utopie. On peut tout à fait envisager de transformer les villes actuelles auto-dépendantes en villes sans voitures. Pour des coûts qui restent plutôt raisonnables en matière de travaux publics, il est possible de donner accès à tous les habitants d’une ville à un arrêt de Transport en Commun en Site Propre à moins de 300 mètres de chez eux.

Egalement, si on tient compte de la baisse drastique du nombre d’accidents liés à la voiture et de la mortalité liée à la pollution automobile, un tel projet de ville sans voitures coûterait en fait bien moins cher du seul fait des économies en matière de santé publique.

Dans une ville sans voitures, on laisserait seulement des voitures pour les services de secours et de police, ce qui provoquerait incidemment une diminution générale de la criminalité: vous vous voyez braquer une banque à bicyclette?

En outre, ces projets auraient l’avantage de ne pas détruire d’espaces verts supplémentaires car ils seraient bien évidemment réalisés en prenant la place d’infrastructures routières existantes. Bien plus, de nombreuses voies routières pourraient être rendues à d’autres usages (parcs, jeux de boules, jardins familiaux, etc.).

La réalisation de ces projets créerait également de nombreux emplois non délocalisables, depuis la création des infrastructures jusqu’à leur exploitation.

Enfin, ces projets ont été calculés pour fonctionner avec les seuls transports en commun et la marche à pied. Ajoutez à cela le vélo, la trottinette, le roller, etc. et vous avez toutes les clés d’une ville réellement vivable.

5 commentaires sur “Les villes sans voitures

  1. MOA

    « Ajoutez à cela le vélo, la trottinette, le roller, etc. et vous avez toutes les clés d’une ville réellement vivable »

    mince alors et la ville ne puerait plus alors!?

    Mais du coup il ne faudrait pas que les automobilistes qui ne viennent plus en ville parceque ça pue trop, y revienne.

    Il ne faudrait donc pas oublie un système de péages judicieux et… Rendre rares les places de parking. goupilette si vous m’entendez cf. l’article sur parking day. Vous comprenez mieux maintenant? Non toujours pas? Flute! À bientôt pour votre prochain commentaire. Surtout n’arretez pas.

    Des études sérieuses et des initiatives existent… Mais ne sont pas connues du grand public (une grande majorité de mon entourage en tout cas) qui du coup continue que c’est utopique, pas possible, trop cher, et comment on ferait ceci ou cela.

    Pour ma part, je vais transférer cet article. Merci.

  2. Cyril

    Ne pas oublier de donner accès aux services de livraisons, moyennant un contrôle et optimisation adéquats par un service municipal dédié, sans quoi la rengaine du « comment je fais pour ramener mes packs d’eau et mes planches de 4m » ressortira sans surprise. En plus, c’est dans l’air du temps.

  3. cycliste alcoolique

    « Egalement, si on tient compte de la baisse drastique du nombre d’accidents liés à la voiture et de la mortalité liée à la pollution automobile, un tel projet de ville sans voitures coûterait en fait bien moins cher du seul fait des économies en matière de santé publique. »
    – Concernant les économies en matière de santé publique, je rajouterais que l’usage du vélo, de la marche à pied et des autres moyens de transport doux améliorerait la santé physiques et mentales des citoyens. On a tendance à oublier que l’activité physique régulière est un moyen efficace de lutter contre le stress, les troubles psychiques et d’augmenter l’estime de soi.
    – Enfin, pourquoi ne pas parler des énormes économies à réaliser en termes d’infrastructures routières. Plus de voitures = moins de routes à faire, à entretenir (elles s’abîment moins vite aussi), moins de parking à faire, de signalisation, de ponts, bretelles, tunnels etc…
    Sachant que le temps du pétrole pas cher est passé, il serait judicieux de s’en sevrer.

  4. Ludovic

    Je partages vos remarques.
    Mais…
    QU’EST CE QU’ON ATTEND BORDEL POUR FAIRE DES VILLES SANS VOITURES ?
    Ah oui, .. peut-être les lobbies automobiles, pétroliers,..
    Sinon bonne nouvelle aujourd’hui : les ventes de voitures ont baissé le mois dernier consécutivement à la diminution de la prime à la casse.
    @cycliste alcoolique : ouaih, le pétrole n’est pas assez cher.

  5. marthe-helene

    j’ai fait un reve cette nuit : j’etais en velo en ville, puis soudainement, toutes les voitures autour de moi se transformaient en velo… on pouvait meme entendre les oiseaux gazouiller!

    je suis a fond !

    on attaque?

    a tres bientot

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